15ème législature

Question N° 2626
de M. David Habib (Socialistes et apparentés - Pyrénées-Atlantiques )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > retraites : généralités

Titre > Réforme des retraites

Question publiée au JO le : 29/01/2020
Réponse publiée au JO le : 29/01/2020 page : 436

Texte de la question

Texte de la réponse

RÉFORME DES RETRAITES


M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Lors de la campagne présidentielle, monsieur le Premier ministre, vous considériez dans Libération qu’Emmanuel Macron était un jeune homme « qui n’assume rien, mais promet tout ».

M. Patrick Hetzel. Quelle clairvoyance !

M. David Habib. À la lecture de l’avis du Conseil d’État sur votre réforme des retraites, on peut dire qu’à votre tour, vous avez tout promis et que vous n’assumez rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Jamais, en effet, un avis n’avait été aussi définitif et accusateur que celui qui a été rendu public vendredi dernier.

Vous aviez promis un régime universel, mais le Conseil d’État vous contredit : il y aura cinq régimes assortis de multiples règles dérogatoires. Vous aviez promis de ne pas toucher à l’âge de départ à la retraite : il sera porté à 65 ans, puis à 67 ans.

Outre qu'ils ont rappelé en quoi consiste votre projet de réforme, monsieur le Premier ministre, les sages du Palais-Royal vous ont donné une leçon de méthode.

M. Sylvain Maillard. Mais non !

M. David Habib. Tout d’abord, en ayant systématiquement recours à des procédures d’urgence, on renonce à la réflexion et au débat public pour aboutir à un texte bâclé dont la sécurité juridique n’est pas assurée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Sylvain Maillard. Ça fait deux ans qu'on en parle !

M. David Habib. Le Conseil d'État souligne également l’amateurisme de vos projections financières, jugées « lacunaires » et « en deçà de ce qu’elles devraient être ».

Enfin, monsieur le Premier ministre, il vous rappelle le rôle et l’importance du législateur dans notre démocratie.

M. Christian Hutin. Bravo !

M. David Habib. Il est absurde de présenter un texte au Parlement en février alors que la conférence de financement rendra ses conclusions en avril. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. Stéphane Peu. Très bien !

M. David Habib. Il est scandaleux de déposséder le législateur en ayant recours à vingt-neuf ordonnances !

M. Christian Hutin. Bravo !

M. David Habib. Sur ce texte, les Français nous demandent d’agir en faisant preuve de responsabilité. Tiendrez-vous compte des sérieux avertissements du Conseil d’État ? Tiendrez-vous compte de ce qui vient de se produire au Sénat, les sénateurs vous ayant demandé à la quasi-unanimité de revoir votre copie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – Mme Muriel Ressiguier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez commencé votre intervention, monsieur le député, en citant de bons auteurs – je dis cela avec un brin d'ironie – et en affirmant, ce qui me semble plus contestable, que je n'assumerais rien. J'ai sans doute mille défauts, monsieur le député…

M. Pierre Cordier. En effet !

M. Éric Straumann. Mille, c'est peut-être exagéré…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …et j'en conviens parfaitement, mais je n'ai pas celui de ne pas assumer mes décisions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Chacun ici sait – vous y compris – que même quand elles sont impopulaires, je ne me dérobe pas et je les assume !

Cela étant précisé, j'en viens à votre question sur l'avis du Conseil d'État. Un mot d'abord : cet avis a pour objet de guider le Gouvernement de façon que le texte qu'il propose à l'examen du Parlement – sans le contraindre, naturellement – soit, dans toute la mesure du possible, exempt de risques constitutionnels a priori. Nous avons évidemment tenu compte du texte qui sort du Conseil d'État.

M. André Chassaigne. Non !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous êtes bon connaisseur de la procédure parlementaire, monsieur Habib. Vous savez donc parfaitement que l'avis du Conseil d'État s'accompagne d'un texte corrigé que nous avons pris en compte et que nous proposerons à l'examen du Parlement. (« Non ! sur les bancs des groupes SOC et GDR.) Telle est la procédure.

Le Conseil d'État a formulé un certain nombre de remarques, et c'est très bien ; elles seront utiles au débat et nous en tiendrons compte.

M. Michel Herbillon. C'est un véritable réquisitoire !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Reconnaissez cependant avec moi que le fait de soumettre au Parlement un projet de loi dont un article contiendrait l'engagement du Gouvernement de proposer rapidement un projet de loi de programmation portant revalorisation des salaires des enseignants s'assimile selon le Conseil d'État à une injonction inconstitutionnelle faite au législateur.

M. Pierre Cordier. Je n'ai rien compris !

M. Maxime Minot. Il rame…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'entends cette remarque du Conseil d'État. Convenez cependant, monsieur Habib, que l'engagement que nous avons pris…

M. Christian Hutin. C'est un détail !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, que vous estimiez que le point sur lequel le Conseil d'État met en garde contre un risque d'inconstitutionnalité est un détail, soit, mais alors c'est votre argumentation qui ne va pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.)

M. David Habib. Je n'ai pas dit cela !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je veux dire, monsieur le député, que nous nous sommes engagés à présenter au Parlement un projet de loi de programmation visant à revaloriser la rémunération des enseignants parallèlement à la réforme des retraites, et nous le ferons. Si le Conseil d'État estime que l'engagement pris dans le projet de loi est inconstitutionnel, nous en tiendrons compte, mais que les choses soient très claires pour le Parlement et pour les enseignants : nous produirons ce projet de loi de programmation qui, à terme, permettra de revaloriser la rémunération des enseignants comme nous nous y sommes engagés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

J'en viens à la question du recours aux ordonnances. Sans doute vous souvenez-vous, monsieur le député, de l'examen ici même du projet de loi portant réforme de la SNCF, qui visait à supprimer le recrutement au statut et qui s'applique depuis le 1er janvier. Nous avions alors également procédé ainsi : le texte prévoyait plusieurs habilitations à prendre des ordonnances, dont certaines que nous nous étions engagés à inscrire « dans le dur » – passez-moi cette expression – au fil de la discussion qui se noue. Nous l'avons fait. Or, lorsque nous avons annoncé que nous procéderions ainsi, certains se sont interrogés. J'observe qu'en procédant ainsi, nous avons pu lancer le débat parlementaire, y compris sur les principes, et intégrer des dispositions au texte au fur et à mesure de la discussion avec les organisations syndicales.

M. Pierre Cordier. Et avec Jean-Paul Delevoye !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il ne vous a pas échappé, monsieur Habib, que le Conseil constitutionnel a jugé cette façon de procéder parfaitement conforme à la Constitution.

Sur tout le reste, nous aurons naturellement une discussion intense et passionnée, et c'est très bien ainsi.

M. Christian Hutin. Quatre jours !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Encore une fois, le Parlement est le lieu du débat où sera défini le cadre du système de retraite qui prévaudra à l'avenir pour tous les Français.

M. Christian Hutin. Quatre jours !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Un mot pour finir : ce système sera universel. (« Non ! sur les bancs des groupes FI, GDR et SOC.) Autrement dit, tous les Français, quel que soit leur statut, quel que soit leur métier…

M. Christian Hutin. Personne n'y croit !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …et quelle que soit l'orientation professionnelle qu'ils choisissent à tel ou tel moment de leur carrière et de leur vie, relèveront du système universel.

M. Sébastien Jumel. C'est bien le problème !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous avons toujours dit, dans le rapport Delevoye comme dans mes présentations initiales, que ce système universel ne serait pas uniforme et qu'il faudrait par exemple tenir compte des contraintes liées à l'exercice de l'activité des militaires. C'est parfaitement naturel et ce n'est pas vous, monsieur Habib, compte tenu de votre lieu d'élection et de certaines passions que nous partageons, qui affirmerez le contraire : il faut tenir compte de cette spécificité.

Il reste que le système sera universel.

M. Pierre Cordier. C'est faux !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il s'appliquera à tous les Français ; c'est un élément de progrès ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Je précise, monsieur le Premier ministre, que je n'ai pas parlé de « détail ». D'autre part, je vous concède que vous ne vous dérobez pas, mais permettez-moi de dire que vous vous entêtez beaucoup ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC et sur plusieurs bancs du groupe LR.)