Question de : M. Jean-Luc Lagleize
Haute-Garonne (2e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

M. Jean-Luc Lagleize attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur l'expérimentation animale à des fins scientifiques. La question du bien-être animal suscite un intérêt croissant au sein de la population française et européenne. Selon le sondage Eurobaromètre de mars 2016, 89 % des citoyens européens s'accordent à dire que l'Union européenne devrait faire davantage pour promouvoir une plus grande sensibilisation à l'égard du bien-être animal au niveau international. Outre les processus de test potentiellement douloureux, la manière dont les animaux sont élevés, gardés et hébergés peut être une source de détresse et de souffrance. Depuis plus de 40 ans, la Commission européenne travaille en étroite collaboration avec les États membres afin de promouvoir le bien-être animal et d'envisager une réduction ou l'arrêt de ces expérimentations. La législation européenne et française relative à l'expérimentation animale découle de la Convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales ou à d'autres fins scientifiques, élaborée par le Conseil de l'Europe en 1985. Celle-ci vise à réduire le nombre d'animaux utilisés à des fins scientifiques en encourageant le développement des méthodes alternatives et le recours au modèle animal uniquement en l'absence d'autres méthodes disponibles pour répondre à l'objet de l'étude. La directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques questionne, à juste titre, la légitimité l'expérimentation animale et énonce, pour la première fois dans la législation de l'Union européenne, le principe des 3R consistant à réduire, raffiner, remplacer. Malgré ce corpus législatif et réglementaire qui constitue le fondement de la démarche éthique appliquée à l'expérimentation animale en Europe, plus de 12 millions d'animaux sont encore utilisés chaque année en Europe à des fins scientifiques. Aujourd'hui, la France ne participe pas aux projets d'expérimentations certifiés 3R et le nombre d'animaux utilisés en laboratoire ne cesse de croître depuis 2014. Ainsi, il l'interroge sur les intentions du Gouvernement pour réduire l'utilisation des animaux de laboratoire et l'expérimentation animale et rendre public l'état d'avancement et les moyens budgétaires mis à la disposition de la recherche pour le développement des méthodes d'expérimentation alternatives.

Réponse publiée le 1er décembre 2020

Les principes des 3R ont été mis en œuvre en France sans attendre la directive européenne de 1986. Ils ont été introduits dans la législation française en 1976 par la loi de la protection de la nature puis insérés dans le code rural dans son article L. 214-3, qui précise que les expériences biologiques médicales et scientifiques impliquant des animaux doivent être limitées aux cas de stricte nécessité. La directive 2010/63/UE du 22 septembre 2010 et la règlementation nationale issue de sa transposition, en date de2013, reposent sur l'application de ces trois principes dans les procédures expérimentales (article R.214-105 du code rural), en fonction desquels les scientifiques doivent systématiquement justifier leur protocole de recherche avant d'engager leurs expérimentations. Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) est l'autorité compétente pour délivrer en France les autorisations et pour mener l'enquête statistique annuelle sur les animaux utilisés à des fins scientifiques prévues par cette directive. Le nombre d'animaux utilisés à des fins scientifiques n'est pas en augmentation mais plutôt à la stabilisation en France au cours des dernières années, autour de 1,91 million. Les derniers chiffres européens disponibles portent à 9,39 millions le nombre d'utilisations annuelles en Europe pour l'année 2017. Le MESRI porte une attention particulière à la justification par la communauté scientifique de la non-possibilité d'utilisation de méthodes alternatives (remplacement), ainsi qu'aux conditions dans lesquelles les animaux sont utilisés (réduction et raffinement). Que ce soit en cancérologie, en neurosciences, en immunologie, en génétique, les modèles animaux sont choisis en fonction des objectifs à atteindre qui peuvent aller de l'élucidation des mécanismes moléculaires à l'origine des pathologies jusqu'à la mise au point de nouvelles solutions thérapeutiques, auxquelles l'opinion publique est favorable. Le nombre d'animaux utilisés doit également être justifié au regard du protocole expérimental. Le ministère est également attentif à la qualité statistique des approches expérimentales, qui permettent de limiter au strict nécessaire le nombre d'animaux utilisés pour l'obtention d'un résultat significatif. Enfin, les conditions de bientraitance sont scrupuleusement analysées dans les projets pour prendre en compte la contrainte expérimentale. La France soutient bien évidemment toutes les méthodes alternatives, qui constituent le quotidien de nos chercheurs : l'expérimentation animale doit en effet être vue comme un simple maillon dans une chaîne méthodologique d'investigation du vivant, qui va de la simulation numérique aux essais cliniques sur l'homme, en passant par la culture cellulaire. Dans nombre de cas, ce maillon reste encore incontournable comme le reconnait d'ailleurs le considérant 10 de la directive 2010/63/UE : « il n'est guère envisageable à court terme que la recherche puisse se passer de l'expérimentation animale ». Le fait que la France apparaisse parmi les pays européens utilisant le plus d'animaux n'est que le reflet de l'importance de son effort de recherche dans le secteur de la biologie et de la santé. Par ailleurs, le MESRI est membre de la plateforme française pour le développement des méthodes alternatives (FRANCOPA), qui fait partie de la plateforme ECOPA dont le but est de fédérer l'ensemble des acteurs nationaux œuvrant au développement de telles méthodes au niveau européen. Cette plateforme devrait intégrer le Centre 3R national dont le projet est inscrit dans la loi de programmation de la recherche. Ce centre permettra entre autres de mieux informer sur les efforts conséquents qui sont d'ores et déjà engagés pour promouvoir les approches expérimentales ne faisant pas appel à des modèles animaux et pour les renforcer. Il s'attachera également à produire les argumentations nécessaires à l'adoption d'approches « alternatives » dans le plein sens du terme pour les tests toxicologiques réglementaires qui sont imposés par des réglementations européennes ou internationales.     

Données clés

Auteur : M. Jean-Luc Lagleize

Type de question : Question écrite

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Dates :
Question publiée le 11 février 2020
Réponse publiée le 1er décembre 2020

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