15ème législature

Question N° 26536
de M. Christophe Blanchet (La République en Marche - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Comptes publics

Rubrique > jeux et paris

Titre > Demande de déclaration de soupçon par le SCCJ au lieu de TRACFIN

Question publiée au JO le : 11/02/2020 page : 992
Réponse publiée au JO le : 12/01/2021 page : 217
Date de changement d'attribution: 01/09/2020
Date de renouvellement: 16/06/2020
Date de renouvellement: 22/09/2020

Texte de la question

M. Christophe Blanchet interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme qui précise la façon dont les opérateurs de jeux contribuent à cette lutte. Les casinos sont placés sous la tutelle du ministère de l'intérieur, leur autorité de contrôle étant le Service central des courses et jeux (SCCJ), service de police judiciaire. Or, investi également d'une mission de police administrative, notamment en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (CMF, art. R561-39), ledit service exige que les casinos lui remettent l'ensemble des déclarations de soupçon effectuées auprès de TRACFIN. Pourtant, en premier lieu, les textes organisent une obligation de confidentialité absolue des déclarations de soupçon et prévoient exclusivement que les casinos puissent en porter à la connaissance du SCCJ l'existence et le contenu (CMF, art. L. 561-18). L'information est donc portable par les casinos. A la lettre du même texte, elle n'est pas quérable par le SCCJ. En deuxième lieu, l'article L. 561-36-2 du code monétaire et financier réserve la communication par les casinos de tous documents demandés par le SCCJ, aux seules informations nécessaires à l'exercice de sa mission en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Or, dans le cadre de cette mission de police administrative, la nécessité pour le SCCJ de se voir remettre par le casino les déclarations de soupçon transmises à TRACFIN n'apparaît pas. Elle semble même dangereuse pour les garanties des justiciables, le SCCJ, service de police judiciaire pouvant se saisir d'office aux fins de diligenter une enquête préliminaire (C. proc. pén., art. 75). En troisième lieu, il paraîtrait contraire à la garantie des droits de l'article 16 de la DDHC qu'un service de police administrative puisse exiger la communication d'informations que ce même service, dans sa fonction judiciaire, ne peut obtenir qu'en présence des garanties procédurales les plus protectrices qui soient (CMF, art. L. 561-19, al. 2). En quatrième et dernier lieu, la remise des déclarations de soupçon au SCCJ conduit ce service de l'État à cumuler des fonctions relevant du pouvoir exécutif et des fonctions relevant du pouvoir judiciaire, avec une violation manifeste de la garantie des droits telle qu'elle ressort de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Dans ces conditions, il souhaite savoir si, en dépit du dispositif légal en place, le SCCJ est autorisé à demander aux casinos communication des déclarations de soupçon faites par leur correspondant déclarant auprès de TRACFIN.

Texte de la réponse

L'article L. 561-18 du code monétaire et financier (CMF) instaure un principe de confidentialité des déclarations de soupçon effectuées au titre de l'article L. 561-15 du même code. En vertu de ce principe, les déclarants ne peuvent révéler ni l'existence, ni le contenu de ces déclarations, sous peine des sanctions pénales prévues à l'article L. 574-1 du CMF. Ce principe connaît toutefois deux aménagements : - l'article L. 561-18 du CMF autorise les déclarants à porter à la connaissance des autorités de contrôle, telles que le Service central des courses et jeux (SCCJ), l'existence et le contenu des déclarations de soupçon réalisées. L'article L. 561-36-2 précise quant à lui que « sans que le secret professionnel leur soit opposable, les inspecteurs peuvent demander aux personnes contrôlées communication de tout document quel qu'en soit le support et en obtenir copie, ainsi que tout renseignement ou justification nécessaire à l'exercice de leur mission » ; - l'article L. 561-19 du CMF prévoit que l'autorité judiciaire (ou un service de police judiciaire agissant sous son autorité) peut se voir communiquer, sur réquisition judiciaire adressées à TRACFIN, une déclaration de soupçon déterminée, et ce uniquement lorsque celle-ci apparaît nécessaire à la mise en œuvre de la responsabilité pénale d'un déclarant lorsque l'enquête judiciaire fait apparaître qu'il peut être impliqué dans le mécanisme de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qu'il a révélé. Il résulte de la combinaison de ces deux textes que le SCCJ ne peut solliciter la communication des déclarations de soupçon réalisées par un casino que lorsqu'il agit dans le cadre d'un contrôle administratif ayant notamment pour objectif de s'assurer du respect par le déclarant de ses obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En revanche, le SCCJ ne saurait ensuite utiliser une déclaration de soupçon dont il a eu connaissance dans ce cadre administratif pour déclencher ou alimenter une enquête judiciaire sur le déclarant ou sur les faits révélés par lui, sous peine de dénaturer les dispositions de l'article L. 561-18 du CMF et de contourner l'aménagement très spécifique de l'article L. 561-19.