15ème législature

Question N° 26824
de M. Frédéric Reiss (Les Républicains - Bas-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires européennes
Ministère attributaire > Travail, emploi et insertion

Rubrique > travail

Titre > Travail détaché zones frontalières

Question publiée au JO le : 18/02/2020 page : 1132
Réponse publiée au JO le : 06/04/2021 page : 3150
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Frédéric Reiss interroge Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, au sujet de l'application de la réglementation relative au travail détaché dans les zones frontalières. La législation européenne applicable aux travailleurs détachés prévoit que les salariés ou leur employeur produisent en cas de contrôle un formulaire A1, qui permet de vérifier que le travailleur bénéficie d'une couverture sociale : ce sont les organismes de sécurité sociale qui délivrent ce formulaire. Cette législation concerne l'ensemble des travailleurs et tous les secteurs d'activités ; elle s'avère lourde et chronophage lorsque les salariés vivent dans des régions frontalières où le travail dans le pays voisin est souvent de courte durée mais également plus fréquent, notamment lorsque les entreprises sont actives dans les deux pays. Si cette réglementation se justifie pleinement dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, elle s'avère inadaptée lorsque la mobilité des travailleurs est forte et récurrente. En ce sens, ce dispositif peut être considéré comme constituant une entrave à la libre circulation des travailleurs, principe fondamental de l'Union européenne. Cela peut aussi représenter une entrave à la coopération transfrontalière, dans la mesure où cela décourage la recherche de contrats dans le pays voisin. Sensible à cette problématique cruciale dans la construction d'un espace commun au niveau du Rhin supérieur, le Conseil rhénan a adopté le 20 décembre 2019 une résolution encourageant les États à modifier la procédure de contrôle : l'idée serait de supprimer l'application automatique de pénalités pour les déplacements courts avec possibilité d'une production du document A1 a posteriori. Sensible aux contraintes créées par cette législation pour les territoires transfrontaliers, il souhaite connaître sa position. Tout en rappelant l'importance de la lutte contre le travail dissimulé, il estime nécessaire d'éviter que cette législation entraîne une entrave à la libre circulation des travailleurs et des services dans les territoires frontaliers.

Texte de la réponse

La France reste profondément attachée à la libre circulation des personnes au sein du Marché intérieur, en particulier dans les zones frontalières. Celle-ci doit s'exercer dans des conditions justes pour les travailleurs mobiles et les systèmes nationaux de protection sociale. Les règlements de coordination de sécurité sociale (règlement CE n° 883/04 et son règlement d'application 987/09) fixent des règles de détermination de la législation sociale applicable aux travailleurs mobiles, ainsi que des outils permettant d'assurer une continuité de leurs droits sociaux. Si, en principe, une personne est affiliée et paie des cotisations là où elle exerce son activité professionnelle, des dérogations sont prévues : le détachement permet au travailleur d'être maintenu à son régime de sécurité sociale d'origine, et la pluriactivité (personne exerçant une activité de façon habituelle dans au moins deux États membres) fixe les critères (lieu de résidence, d'activité, siège de l'employeur) déterminant la législation de sécurité sociale applicable. Ces dérogations sont substantielles et strictement encadrées par les règlements européens et la jurisprudence de la Cour de justice. Elles justifient que l'Etat dans lequel l'activité est réalisée ait les moyens de pouvoir mener les contrôles nécessaires et légitimes. L'exigence d'une couverture sociale identifiée et reconnue est indispensable pour garantir la protection sociale des travailleurs. Dans ce contexte et pour permettre de gérer ces situations, les règlements européens de coordination prévoient que l'employeur détachant des travailleurs demande à l'institution compétente de leur Etat d'activité habituelle un document portable, le formulaire A1, préalablement à l'opération de détachement. Cette demande est introduite par l'employeur à travers une notification préalable auprès de l'institution d'affiliation dans l'Etat d'envoi. Cette notification est vérifiée par l'institution en question et donne lieu à l'émission du formulaire. Le formulaire A1 est un outil indispensable qui permet de remplir plusieurs objectifs : - attester que la situation est conforme à la législation applicable de la part de l'institution compétente ; - assurer que le travailleur est protégé, y compris dans l'hypothèse d'un accident du travail ; - permettre à chacun des acteurs en conséquence d'appliquer le droit en pleine connaissance de cause et de responsabilité ; - assurer que le dénouement d'un éventuel conflit de compétence entre l'institution de l'Etat d'envoi et l'institution de l'Etat d'accueil puisse s'opérer sur des bases identifiées et connues de tous. L'article L114-15-1 du code de la sécurité sociale (entré en vigueur le 1er avril 2017) prescrit que tout travailleur travaillant en France avec un maintien à la législation de sécurité sociale de son Etat d'origine doit être en mesure en cas de contrôle des corps d'inspection de mettre à disposition un formulaire A1 ou, à défaut une attestation de demande de formulaire A1 (notification préalable) à charge de pouvoir fournir un formulaire dans un délai de deux mois à compter du contrôle. Cette exigence s'applique aux prestations de services d'un montant supérieur ou égal à 5 000 €. Le non accomplissement de cette formalité entraîne une amende administrative exigible auprès du donneur d'ordre de la prestation ou du maître d'ouvrage.