15ème législature

Question N° 26825
de Mme Jacqueline Maquet (La République en Marche - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires européennes
Ministère attributaire > Affaires européennes

Rubrique > Union européenne

Titre > Devenir des accords signés avec le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit

Question publiée au JO le : 18/02/2020 page : 1133
Réponse publiée au JO le : 05/05/2020 page : 3249
Date de signalement: 21/04/2020

Texte de la question

Mme Jacqueline Maquet interroge Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, sur le devenir de certains accords signés avec le Royaume-Uni, notamment dans le cadre du Brexit. Le nombre de traversées de la Manche par des migrants de la Côte d'Opale a connu une recrudescence au cours de l'année 2019. En 2019, plus de 2 500 migrants auraient été secourus en mer (soit quatre fois plus que l'année précédente), et quatre auraient trouvé la mort en tentant de rejoindre la Grande-Bretagne. Ces chiffres alarmants sont à mettre en lien avec le Brexit, qui sert d'argument aux passeurs pour susciter l'inquiétude parmi les migrants. Depuis le début des années 2000, on n'a toujours pas trouvé les solutions pour dissuader les migrants de rêver à « l'eldorado britannique ». Il sont hébergés dans des conditions plus que précaires, voire inhumaines, dans les villes de Calais et de Dunkerque, et leur camp est pratiquement démantelé quotidiennement. Alors qu'un nouvel accord a été signé entre la France et le Royaume-Uni en 2018, la gestion de la frontière franco-britannique pose toujours problème. Le traité de Sandhurst visait, en effet, à compléter les accords du Touquet, signés en 2003, et à obtenir des garanties de la part du gouvernement britannique concernant la sécurisation de cette frontière. Des dispositions ont également été prises dans le cadre de l'application du règlement européen Dublin III. Dans le cadre du Brexit, opérationnel depuis le 31 janvier 2020, l'opportunité politique de renégocier certains accords portant sur le sujet existe. Mme la députée aimerait donc savoir si une renégociation des accords du Touquet, considérés comme largement responsables de cette situation, pourrait être envisagée. De même, un certain flou demeure quant à l'application de règlements européens - notamment le règlement Dublin III - au Royaume-Uni. Elle souhaiterait donc obtenir les éclaircissements nécessaires sur cette question.

Texte de la réponse

Le Royaume-Uni n'étant pas membre de l'espace Schengen, les règles de franchissement des frontières terrestre et maritime sont fixées par des traités bilatéraux entre la France et le Royaume-Uni, dont l'application n'est pas remise en cause par la décision britannique de sortir de l'Union européenne. En premier lieu, le traité du Touquet, signé le 4 février 2003, a permis la mise en place de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) aux frontières maritimes dans les ports de la Manche et de la mer du Nord. Actuellement, 3 BCNJ maritimes sont actifs, dans les ports de Douvres au Royaume-Uni et de Calais et Dunkerque en France. Suite à la crise migratoire de 2015 et compte tenu de la nécessité de faire évoluer le cadre juridique de la coopération franco-britannique en matière de gestion des migrations, la France et le Royaume-Uni ont signé le 18 janvier 2018, au sommet de Sandhurst, un nouveau traité relatif au renforcement de la coopération pour la gestion coordonnée de leur frontière commune. Le Traité de Sandhurst établit un cadre juridique garantissant la pérennité des aspects essentiels de nos engagements conjoints de coopération concernant la frontière et les migrations. Il prévoit un renforcement de la sécurité de la frontière en France ainsi que dans et autour des ports transmanche. Il définit des mesures conjointes à mettre en œuvre dans le cadre d'une coopération soutenue en matière de police, de sécurité et de justice pénale. Le Traité de Sandhurst renforce également les engagements communs en matière de traitement des demandes de protection internationale, de gestion ordonnée des flux migratoires, de lutte contre la traite d'êtres humains et la criminalité organisée, notamment via une coopération accrue avec les pays tiers, ainsi que dans la mise en œuvre effective des mesures d'éloignement dans le strict respect de nos obligations internationales en matière de protection des droits de l'homme. Dans ce cadre, l'ouverture du Centre Conjoint d'Information et de Coordination (CCIC), en novembre 2018 à Coquelles, a constitué une étape importante dans le renforcement de l'efficacité de notre coopération avec les Britanniques. Le CCIC a pour objet de faciliter les échanges d'information et la coordination entre services de police et de renseignement, notamment dans les domaines de prévention et de gestion des menaces à l'ordre public ; de pression migratoire accrue mais également de lutte contre les réseaux de traite d'êtres humains et de criminalité organisée. Ce centre a marqué une étape importante dans le renforcement de l'efficacité de notre coopération avec les Britanniques Face à l'augmentation des tentatives de traversées irrégulières au Royaume-Uni par de petites embarcations à compter de décembre 2018, un plan d'action conjoint a par ailleurs été signé en janvier 2019 par les ministres de l'Intérieur français et britannique, prévoyant notamment un financement britannique de près de 7 M€ dédiés aux dépenses d'équipement (notamment pour la sécurisation du littoral : véhicules d'accès aux plages, équipements de vision nocturne) et aux travaux de sécurisation des infrastructures (renforcement de la sécurité du port de Boulogne-sur-Mer). Ce plan, qui contribue à renforcer les capacités d'interception, a notamment permis, sur les dix premiers mois de l'année 2019, l'interception par les forces de l'ordre de 60 embarcations, comprenant au total 686 passagers, dans les eaux françaises. S'agissant des relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, l'accord de retrait entré en vigueur le 31 janvier 2020 prévoit une période de transition jusqu'au 30 décembre au moins –qui peut être reconduite sur décision conjointe du Royaume-Uni et de l'Union avant le 1er juillet 2020 –, pendant laquelle les dispositions du droit de l'Union continuent de s'appliquer au Royaume-Uni comme lorsqu'il était Etat membre, sans participation de ce dernier au processus décisionnel de l'Union. A l'issue de la période de transition, le droit de l'Union cessera de s'appliquer au Royaume-Uni devenu Etat tiers. La période de transition ouverte par l'accord de retrait a vocation à permettre de définir les modalités du futur partenariat entre l'Union et le Royaume-Uni, dans le cadre d'une négociation qui s'est engagée le 2 mars 2020 entre les équipes de négociation britannique et celle de l'Union, conduite par Michel Barnier. Pour l'Union, le futur partenariat avec le Royaume-Uni devrait comprendre des dispositions en matière de lutte contre les migrations irrégulières. Les directives de négociation de l'Union, adoptées par les ministres des affaires européennes des 27 Etats membres le 25 février dernier et qui constituent le mandat du négociateur en chef Michel Barnier pour la conduite des discussions, consacrent en effet une section dédiée à ce domaine. L'Union souhaite que le partenariat envisagé développe une « coopération pour lutter contre la migration irrégulière de ressortissants autres que ceux des parties, y compris ses causes et ses conséquences, tout en reconnaissant la nécessité de protéger les plus vulnérables et le futur statut de pays tiers non membre de l'espace Schengen ne prévoyant pas la libre circulation des personnes qui sera celui du Royaume-Uni ». Cette coopération devrait notamment inclure « une coopération avec Europol pour lutter contre la criminalité organisée en matière d'immigration, conformément aux modalités de coopération avec les pays tiers définies dans la législation pertinente de l'Union », et « un dialogue sur des objectifs partagés et une coopération, y compris dans des pays tiers et dans les enceintes internationales, pour lutter en amont contre la migration illégale ». Enfin, dans le domaine de l'asile, une déclaration de la Commission annexée à la décision d'ouverture des négociations avec le Royaume-Uni envisage « d'engager un dialogue avec le Royaume-Uni sur la coopération en matière d'asile », « si le Royaume-Uni le demande et lorsque cela est dans l'intérêt de l'UE ». Les dispositions effectivement envisagées pour l'avenir des relations avec le Royaume-Uni dépendront de l'issue des négociations, dans le cadre desquelles la France se mobilise pleinement afin d'aboutir à un partenariat ambitieux et équilibré, capable de répondre aux défis communs pour l'avenir des relations avec le Royaume-Uni, notamment dans le domaine des migrations.