15ème législature

Question N° 27028
de M. Bertrand Pancher (Libertés et Territoires - Meuse )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Accaparement des terres agricoles françaises par la Chine

Question publiée au JO le : 03/03/2020 page : 1592
Réponse publiée au JO le : 16/06/2020 page : 4201

Texte de la question

M. Bertrand Pancher appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'acquisition de terres agricoles sur le sol français par des investisseurs chinois. En effet, il apparaît que la Chine, qui possède seulement 10 % des terres arables de la planète pour 20 % de la population mondiale, cherche à acquérir des terres partout dans le monde, lui permettant à terme une certaine autonomie alimentaire. L'Afrique est déjà lourdement touchée par ce phénomène d'accaparement, et depuis 2016, la France se voit également concernée, depuis l'acquisition de 1 700 hectares de terres en Indre par le fonds d'investissement chinois Beijing reward international trade. Cet achat à un prix 2 à 3 fois supérieur au prix du marché a pour conséquence de rendre impossible cette acquisition par d'autres exploitants français qui n'ont pas les mêmes moyens financiers. En principe, la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural veille à la répartition des terres agricoles lors de ventes, en faisant valoir son droit de préemption. Or il semble que celui-ci puisse être contourné puisque la FNSafer ne peut agir que lorsque les transactions portent sur la totalité de la propriété. Une vente partielle, comme ce fut le cas dans l'Allier, puisque l'acquéreur chinois n'a acquis que 98 % des parts de la société agricole, permet ainsi de déroger à ce contrôle. Il apparaît donc qu'une faille juridique permet cet accaparement des terres par les Chinois. Il souhaite donc savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre et sous quel délai pour mettre fin au dessaisissement des terres françaises par des étrangers, et ainsi protéger les agriculteurs français.

Texte de la réponse

Les outils de régulation du foncier sont en partie inadaptés face au développement des phénomènes de concentration conduits sous forme sociétaire quelle que soit la nationalité de la société se portant acquéreuse. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a permis aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'exercer leur droit de préemption pour l'acquisition de la totalité des parts sociales d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole. Néanmoins, force est de constater que des cessions partielles peuvent être organisées pour contourner ce dispositif. Des initiatives ont été engagées pour protéger les terres agricoles contre ces phénomènes de financiarisation et de concentration conduits sous forme d'exploitations agricoles mais elles se sont avérées infructueuses. En effet, une proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles avait été déposée le 21 décembre 2016 visant à instaurer une plus grande transparence dans l'achat de terres par des sociétés et à étendre le droit de préemption des SAFER aux parts sociales ou aux actions en cas de cession partielle. Cette dernière disposition a cependant été censurée par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2017-748 DC du 16 mars 2017. Pour appréhender de manière globale ce phénomène de fond, il est nécessaire d'en évaluer la portée à l'heure actuelle. À cet égard les données disponibles sur les années 2016 à 2018 font apparaître que les acquisitions de parts sociales réalisées par des étrangers sont au nombre de 257 pour une valeur de 491 millions d'euros en cumul, soit respectivement 1,3 % du nombre et 14,4 % du montant des acquisitions observées au cours de cette même période. Plus précisément et au titre de 2018 par exemple, les transactions ont concerné avant tout des sociétés d'exploitation (dans un cas sur deux des sociétés civiles d'exploitation agricoles), pour 49 % en nombre et 95 % en valeur. Elles ont également concerné des sociétés de portage (pour les deux tiers des groupements fonciers agricoles), pour 38 % en nombre et 2 % en valeur. L'origine des acquéreurs est d'abord européenne (Union européenne et hors Union européenne). Les européens représentent 76 % des acquéreurs et réalisent 97 % de la valeur des transactions. Les autres acquéreurs viennent principalement d'Amérique du Nord (10 %), d'Asie (6 %) et autres provenances (8 %). Le Gouvernement est extrêmement attentif à cette question du foncier agricole, en particulier à la transparence du marché et au contrôle du risque de son accaparement. C'est pourquoi le Gouvernement a pris le décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 en application de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises pour étendre le contrôle préalable des investissements étrangers en France à la sécurité alimentaire et donc à la surveillance des acquisitions de foncier agricole. Les conditions de mise en œuvre du décret seront précisées d'ici à la fin du premier semestre 2020.