Classification des organismes issus de nouvelles techniques
Question de :
M. Philippe Folliot
Tarn (1re circonscription) - La République en Marche
M. Philippe Folliot attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur la classification des organismes issus des nouvelles techniques de modification du génome. En effet, de nombreux scientifiques considèrent aujourd'hui que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de juillet 2018, suivi logiquement par le Conseil d'État en février 2020, et basé sur sa lecture de la directive 2001/18/CE sur la dissémination des OGM dans l'environnement, est obsolète. Cette législation ne prévoirait pas de révision des obligations avec le temps et ne serait pas évolutive en fonction des avancées techniques ; elle serait basée sur la technique d'obtention du produit et non sur les propriétés du produit ; elle exempterait des obligations la mutagénèse classique ; enfin, le coût d'évaluation d'une mise sur le marché d'une plante soumise à la directive 2001/18/CE serait disproportionné par rapport aux risques réels. Ainsi, selon les scientifiques, si cette législation n'était pas améliorée en tenant compte du réel (et non pas des risques perçus), toute technique qui y tombera sera condamnée en Europe. De plus, l'avènement de l'édition de gènes en 2012, à savoir l'utilisation de la mutagénèse ciblée pouvant faire une mutation précise de l'ADN ou un changement de gènes, sans ajout d'ADN étranger, permettrait un coût de fabrication de plantes avec des caractères nouveaux à la portée des laboratoires publics et des petites et moyennes entreprises semencières. Afin d'élaborer une position sur le statut juridique des plantes issues des technologies d'édition de gènes, des scientifiques souhaiteraient une révision de la directive 2001/18/CE sur la dissémination des OGM dans l'environnement pour que l'agriculture puisse bénéficier de cette technique innovante de mutagénèse ciblée nécessaire à son développement durable alors qu'elle est soumise aux défis du dérèglement climatique lié à l'émission des gaz à effet de serre, de la réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires et de la protection de la biodiversité comme les pollinisateurs. La mutagénèse classique (utilisant des agents mutagènes physiques ou chimiques) et peu précise étant classée comme technique exemptée du champ des techniques conduisant à classer un organisme en OGM, il est apparu clairement aux Académies des sciences et d'agriculture européennes dès 2014, et à l'Académie des technologies de France en 2016 que la mutagénèse ciblée devrait être exemptée elle aussi. Cependant, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en juillet 2018 et le Conseil d'État en février 2020 ont conclu que la mutagénèse ciblée serait considérée comme une technique conduisant à classer un organisme en OGM. Or, selon certains scientifiques, cette décision serait une menace sur l'agriculture de l'Union européenne et de la souveraineté nationale française par une dépendance accrue envers des importations chinoises et américaines de produits issus de cette nouvelle innovation de la mutagenèse ciblée et par une dépendance accrue envers des brevets déposés avec cette technique ; elle entraînerait une diminution de la compétitivité de l'agriculture européenne avec une fuite des jeunes chercheurs notamment hors de France réduisant la créativité en matière d'innovations ; enfin, elle renforcerait un oligopole d'entreprises semencières multinationales avec un surcoût économique dû à l'étiquetage pour l'agriculture, pour la recherche et pour le consommateur. Selon les scientifiques, la mutagenèse ciblée, comme nouvelle technique d'édition du génome, serait précise, efficace et peu coûteuse, rapide en accélérant la création de nouvelles plantes ; elle constituerait un facteur de réussite de la transition agro-écologique. La mutagenèse ciblée permettrait déjà de créer des plantes avantagées sur les plans nutritionnel, industriel, de protection environnementale et du gaspillage alimentaire. Ainsi, selon les académies des sciences européennes, depuis 2012, en évaluant les risques encourus pour l'humanité et l'environnement, un nouveau cadre de la directive 2001/18/CE ne devrait pas se concentrer sur les processus avec lesquels de nouvelles variétés végétales sont créées, mais plutôt sur leurs nouveaux caractères ou propriétés. Selon elles, ce nouveau cadre devrait être revu notamment pour évaluer les organismes sur leurs nouveaux caractères plutôt que les techniques avec lesquelles ces nouveaux organismes sont créés. Il souhaiterait ainsi connaître sa position à ce sujet.
Réponse publiée le 8 septembre 2020
La décision du Conseil d'Etat qui suscite vos interrogations fait suite à un contentieux de 2014 portant sur des variétés rendues tolérantes à certains herbicides (VTH) et qui sont développées pour faciliter les opérations de désherbage. La Haute juridiction avait été saisie par la Confédération paysanne et huit associations en mars 2015 et avait posé quatre questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dont la question de savoir si les variétés produites par mutagénèse c'est à dire quand la mutation a été provoquée par la main de l'homme sont ou non des OGM relevant des dispositions réglementaires sur la dissémination et la mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés (OGM). L'arrêt du 25 juillet 2018 de la CJUE a affirmé que tout produit issu d'une modification génétique est un OGM et que seuls sont exemptés les produits de techniques traditionnellement utilisés et dont la sécurité est avérée depuis longtemps. Le Conseil d'État, tirant les conclusions de cet arrêt, a donc considéré que les plantes obtenues par mutation in vitro des cellules, parmi lesquelles se trouvent une partie des Variétés tolérantes aux herbicides, doivent être considérées comme relevant de la réglementation sur les OGM, notamment en ce qui concerne l'évaluation des risques associés au Variétés tolérantes aux herbicides avant la commercialisation de ces variétés. Il appartient désormais au Gouvernement de fixer par décret pris après avis du Haut Conseil des biotechnologies, la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagénèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée. Le Conseil a par ailleurs demandé à la Commission de soumettre une étude sur le statut des nouvelles techniques génomiques.
Auteur : M. Philippe Folliot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Bioéthique
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique
Dates :
Question publiée le 3 mars 2020
Réponse publiée le 8 septembre 2020