Les droits aux congés bonifiés des ressortissants des outre-mer
Question de :
M. Jean-Philippe Nilor
Martinique (4e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Philippe Nilor alerte M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la grande discrimination que constituerait la suppression des congés bonifiés ouverts aux ressortissants des outre-mer. Une fois de plus, il lui revient d'attirer son attention sur les problèmes persistants qui rythment la vie des populations originaires d'outre-mer, que ce soit dans les territoires d'outre-mer ou au sein de la diaspora antillo-guyanaise, travaillant et vivant en France hexagonale. Cette fois, c'est une attaque en règle contre le droit aux congés bonifiés, acquis en compensation de mesures de déportation économique, donc d'exil forcé, qui ont été perpétrées grâce à l'instauration du BUMIDOM. Institué en 1963, ce bureau a, jusqu'en 1981, vidé les Antilles-Guyane de leurs forces vives, contribuant, de facto, à fragiliser les sociétés, amputer des milliers de familles, malmener les populations et appauvrir durablement ces régions. En déversant toutes ces personnes dans les administrations et les services peu attractifs qui peinaient à recruter les travailleurs nationaux, les autorités ont participé à une supercherie de grande ampleur dont les conséquences devaient marquer des générations entières, pour de très longues années. Ainsi, pour tous ces « immigrés antillo-guyanais », car c'est de cela qu'il s'agit, la seule compensation - déjà indigne en soi - au regard des conséquences de ce choix politique, était un retour au pays tous les deux ou trois ans. Les fameux « congés bonifiés » étaient marqués par le sceau d'une histoire coloniale. Destinés aux seuls fonctionnaires métropolitains jusqu'en 1978, ce n'est qu'en mars 1978, au terme de longues luttes menées par la CGT française, qu'ils ont été étendus aux fonctionnaires originaires des DOM travaillant en France (décret n° 78/399 du 26 mars 1978), le critère d'attribution étant celui du centre des intérêts matériels et moraux, remis en question aujourd'hui. Bien maigre et insignifiante récompense pour ces travailleurs et leurs familles restées de l'autre côté de l'Atlantique, pour qui attendre le retour des proches se faisait dans la douleur et l'impuissance. Soit ! Cette mesure n'avait qu'un seul mérite, celui de donner bonne conscience à l'administration centrale jusqu'au temps fixé. Aujourd'hui, à l'évidence, on est arrivé au terme de cet arrangement puisqu'il est décidé de façon unilatérale et honteuse de revenir sur cet acquis social, ou plutôt, ce mauvais arrangement qui n'est autre qu'une manœuvre de duperie. En effet, ce projet ne concerne à ce jour que les fonctionnaires originaires des DOM travaillant en métropole et non les métropolitains travaillant en Martinique. Ceux-là garderaient les 65 jours consécutifs, tous les trois ans, pour aller passer des congés dans leur famille avec prise en charge intégrale du billet d'avion par l'administration. Face à l'officialisation d'une énième discrimination contre ces populations, M. le député l'invite à surseoir à cette décision. Il est temps d'assumer clairement l'histoire et de prendre en charge le coût des choix politiques passés. Aucune économie ne peut se faire sur le dos des générations de travailleurs forcés à l'exil. Ils sont les grandes victimes de sa politique. Pour l'y encourager, il lui suggère de se référer au rapport du Défenseur des droits du 21 novembre 2019 qui met en lumière - explicitement - les graves et récurrentes inégalités entre la métropole et les Antilles-Guyane. Ce rapport interroge la portée de ses actions successives dans ces territoires et l'oblige, car il pose clairement la question des droits et des responsabilités vis-à-vis des populations qui réclament justice et considération. Refuser de leur faire droit, c'est faire la preuve qu'ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone. Il lui demande à quand un engagement ferme de faire droit aux habitants de ces territoires lointains.
Réponse publiée le 6 octobre 2020
La réforme des congés bonifiés a été annoncée par le Président de la République lors de son discours en Guyane à l'ouverture des Assises des Outre-Mer le 28 octobre 2017. Dans le cadre de la restitution de ces mêmes assises le 28 juin 2018 il a confirmé cette attention en annonçant une réforme du dispositif qui sera effective à compter de 2020 avec un principe simple : les congés seront moins longs mais désormais tous les deux ans. Le décret n° 2020-851 du 2 juillet 2020 portant réforme des congés bonifiés dans la fonction publique modernise le droit aux congés bonifiés afin d'en permettre un bénéfice plus fréquent tout en répondant aux enjeux d'efficacité et de continuité des services publics. Il permet de faire évoluer un dispositif dont les caractéristiques sont demeurées globalement inchangées depuis 1978 et qui n'est plus adapté à notre temps, à nos modes de transports et de congés. Cette réforme supprime, en contrepartie d'une fréquence accrue du droit aux congés bonifiés, la bonification de congés de 30 jours qui perdurait pour des raisons historiques et qui ne se justifie plus aujourd'hui. A l'inverse, la réforme des congés bonifiés n'intègre pas la question des sur-rémunérations, ni ne modifie les conditions dans lesquelles s'effectue aujourd'hui la prise en charge des frais de transports du bénéficiaire et de sa famille. Cette réforme s'est faite au terme d'une concertation approfondie avec les organisations syndicales représentatives et les employeurs des trois versants de la fonction publique. Un premier cycle de concertation a ainsi été organisé au cours de l'été 2019 par le ministre de l'action et des comptes publics et la ministre des outre-mer avec plusieurs organisations syndicales et associatives. Cette concertation s'est poursuivie à l'automne 2019 dans le cadre d'un groupe de travail associant organisations syndicales et employeurs. Ce projet a ensuite été soumis aux instances consultatives du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et du Conseil commun de la fonction publique (CCFP). Cette concertation a permis de faire évoluer le texte qui permettra aux contractuels en CDI de la fonction publique d'Etat de bénéficier à l'avenir du droit aux congés bonifiés.
Auteur : M. Jean-Philippe Nilor
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Action et comptes publics
Ministère répondant : Transformation et fonction publiques
Dates :
Question publiée le 3 mars 2020
Réponse publiée le 6 octobre 2020