15ème législature

Question N° 27181
de M. Michel Larive (La France insoumise - Ariège )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Jorge Acosta Orellana

Question publiée au JO le : 03/03/2020 page : 1614
Réponse publiée au JO le : 01/12/2020 page : 8761
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Michel Larive attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation de Jorge Acosta Orellana, leader et fondateur du syndicat ASTAC. Le syndicat ASTAC rassemble les travailleurs et travailleuses de la banane, un secteur-clé de l'économie équatorienne qui emploie environ 200 000 personnes dans la production et dans l'exportation. Le syndicat a rapporté des violations des droits humains récurrentes dans le secteur, confirmées par la rapporteuse spéciale mandatée par l'ONU lorsqu'elle parle de « conditions [de travail] proches de l'esclavage ». De ce seul fait, le syndicat fait aujourd'hui face à une campagne de criminalisation de son action en faveur des droits sociaux et des droits humains. D'abord, les travailleurs appartenant à ASTAC sont régulièrement menacés par des licenciements, du seul fait de leur adhésion. Ensuite, Jorge Acosta Orellana lui-même a été l'objet de plaintes fondées sur des motifs fallacieux (« panique économique », « violation de la vie privée »). Ces plaintes ont pour but et pour conséquence d'affaiblir l'organisation syndicale, alors même qu'elle se battait sur le terrain pour la réintégration de 44 personnes licenciées en bloc suite à leur adhésion à ASTAC. Alors que le procès de Jorge Acosta se tiendra le 28 février 2020, il lui demande quelles actions il serait possible d'entreprendre pour faire cesser ce harcèlement judiciaire. Il l'invite à contacter les autorités équatoriennes et à œuvrer pour la défense des droits syndicaux, économiques et sociaux.

Texte de la réponse

Notre ambassade en Equateur n'avait pas eu connaissance du cas de M. Acosta Orellana, défenseur des droits des travailleurs, qui continue à lutter pour dénoncer les problèmes de santé, de sécurité et d'impact environnemental des activités du secteur bananier. En août dernier, il s'est notamment mobilisé contre la « loi d'appui humanitaire pour combattre la crise sanitaire » approuvée en mai par le gouvernement équatorien, qui prévoit des assouplissements temporaires du droit du travail et toucherait particulièrement les ouvriers agricoles du secteur de la banane, soit 200 000 travailleurs. Il préparerait ainsi un recours contre l'Etat équatorien. Plusieurs ONG, dont l'ONG suédoise Swedwatch, ont fait état d'intimidations subies par M. Acosta Orellana. Nous ne pouvons qu'inviter ce dernier à se rapprocher de notre ambassade à Quito afin que celle-ci évalue les actions qui pourraient être menées en sa faveur si ces menaces étaient avérées. La protection des défenseurs des droits de l'Homme est en effet une priorité des ambassades françaises à l'étranger, qui s'exprime par des démarches, des déclarations, des soutiens (parrainage de projets, invitations, visites de terrain) ou des mesures directes en cas d'urgence, pouvant requérir la mise à l'abri et la délivrance d'un visa pour une sortie du territoire. Par ailleurs, il existe plusieurs dispositifs complémentaires pouvant être activés, notamment via l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme - programme de la Fédération internationale des droits de l'Homme et de l'Organisation mondiale contre la torture - qui apporte un soutien aux défenseurs menacés dans le cadre notamment d'alertes en cas d'urgence, de missions d'observation judiciaire, d'enquête ou de plaidoyer, ou encore d'assistance matérielle. La France attache une grande importance à la responsabilité des entreprises en matière de droits de l'Homme, objectif qui a d'ailleurs été reconnu unanimement par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU en 2011. Nul ne peut continuer à ignorer les violations de ces droits, qui peuvent résulter de l'activité directe ou indirecte de certaines entreprises, à plusieurs niveaux de la chaîne d'approvisionnement. Les victimes se trouvent parfois démunies devant la justice, et les auteurs impunis. La France est très engagée en faveur de la responsabilité des entreprises en matière de droits de l'Homme au niveau international dans toutes les enceintes compétentes - à l'OCDE, au sein de l'Union européenne (UE), mais aussi au G7 - et dispose aujourd'hui de la législation la plus avancée dans ce domaine au sein de l'UE, notamment suite à la loi d'initiative parlementaire relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre promulguée le 27 mars 2017, qui crée une notion de vigilance dans le code du commerce. Par ailleurs, la France a participé de manière constructive aux travaux du groupe de travail intergouvernemental établi en 2014, à l'initiative de l'Équateur et de l'Afrique du Sud, dans le cadre du Conseil des droits de l'Homme, afin de réfléchir à l'élaboration d'un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises. La France poursuit les discussions avec le gouvernement équatorien autour de cette initiative, pour qu'un résultat, rassemblant le plus de partenaires possibles, soit atteint.