Réglementation du taux d'intérêt légal dans le cadre d'un litige prud'homal
Question de :
M. Philippe Latombe
Vendée (1re circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Philippe Latombe attire l'attention de Mme la ministre du travail sur la réglementation applicable au taux d'intérêt légal s'agissant des condamnations prononcées dans le cadre d'un litige prud'homal. Selon la rédaction de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, applicable depuis 1er janvier 2015, « Le taux d'intérêt légal est, en toute matière, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. Il comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas ». Or le taux applicable aux condamnations prud'homales prête à discussion dans la mesure où lorsqu'il peut prétendre au paiement de cette condamnation par son ancien employeur, il n'existe plus aucun lien contractuel entre les parties. Le salarié pourrait donc être considéré comme « une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels ». Le taux d'intérêt applicable serait alors de 3,94 %. Néanmoins, la créance du salarié étant née de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail, le salarié pourrait aussi bien être considéré comme une personne physique agissant pour des besoins professionnels, auquel cas le taux d'intérêt applicable serait de 0,90 %. Compte tenu de l'incertitude engendrée par le texte, il lui demande de bien vouloir préciser sa position sur ce sujet.
Réponse publiée le 25 décembre 2018
Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : « En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. (…) ». Le deuxième alinéa de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier dispose que le taux d'intérêt légal « comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. » Il ressort des textes susmentionnés que le critère qu'il convient de retenir afin de déterminer le taux applicable n'est pas le motif du contentieux mais la catégorie à laquelle appartient le créancier qui agit pour réclamer les dommages et intérêts moratoires. La notion de personne physique agissant pour des besoins professionnels à laquelle fait référence l'article L. 313-2 du code monétaire et financier distingue l'entrepreneur individuel du particulier agissant à titre purement privé. Il est ici renvoyé à la définition du professionnel telle qu'elle figure à l'article liminaire du code de la consommation, à savoir « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ». Le besoin professionnel est ainsi le besoin qui s'attache à une profession, à son exercice. En résumé, une personne physique est un professionnel lorsqu'elle opère soit en tant que salarié pour le compte d'un employeur, soit en tant qu'entrepreneur individuel ; lorsqu'elle agit à titre privé, même pour défendre les droits qu'elle a pu tirer de son statut de salarié, elle n'est pas un professionnel au sens de la réglementation sur le taux d'intérêt légal et sur le taux de l'usure. Le taux d'intérêt de 0,90 % (applicable au second semestre 2017) s'applique donc aux condamnations dont sont créancières les personnes qualifiées de professionnels au sens du code de la consommation. Il s'agit notamment du taux applicable aux condamnations pour défaut de paiement au titre d'un contrat entre un particulier et un professionnel (crédit à la consommation, contrat d'achat de biens, …). Dès lors que le créancier est un particulier, il doit en revanche bénéficier du taux de 3,94 %. A ce titre, le salarié, dans sa relation avec l'employeur, n'a pas la qualité de professionnel au sens de l'article précité, l'intéressé n'agissant pas à l'égard de son employeur dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Les condamnations prononcées au bénéfice d'un salarié au titre des salaires ou indemnités, liées à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail, sont par conséquent soumises au taux d'intérêt applicable aux personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels.
Auteur : M. Philippe Latombe
Type de question : Question écrite
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 7 novembre 2017
Réponse publiée le 25 décembre 2018