15ème législature

Question N° 27483
de Mme Marie-George Buffet (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail
Ministère attributaire > Travail, emploi et insertion

Rubrique > chômage

Titre > Inadéquation de la réforme de l'assurance-chômage

Question publiée au JO le : 17/03/2020 page : 2116
Réponse publiée au JO le : 16/03/2021 page : 2418
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de signalement: 16/06/2020

Texte de la question

Mme Marie-George Buffet interroge Mme la ministre du travail sur l'inadéquation de la réforme de l'assurance-chômage qui, par ses effets, accentue la précarité des « permittents ». Les modalités nouvelles de détermination du salaire de référence et l'allongement du seuil minimum pour le rechargement des droits au chômage sont mécaniquement des facteurs de précarité supplémentaires pour ces travailleurs qui alternent entre contrats courts et périodes de chômage. Il convient de rappeler que l'assurance chômage protège, depuis 1958, tous les salariés du privé et certains du secteur public des aléas du marché du travail. Une mesure de solidarité qui mutualise les risques par l'impôt et compense la perte d'un bas salaire mieux que celle d'un haut revenu. Or, ceux-là sont précisément fragilisés par le régime nouveau. Quoique la réforme ambitionne de lutter contre les embauches de courte durée, elle impacte d'ores et déjà les demandeurs d'emploi qui ont un rythme de travail fractionné, en effet touchés par une baisse importante de leur allocation chômage. Selon une étude de l'Unédic, 1,7 million de personnes travaillent chaque mois en activité réduite et, parmi elles, 865 000 cumulent les allocations chômage en plus de leur salaire, celui-ci étant trop faible. Par la réforme, 850 000 allocataires voient le montant mensuel de leur indemnisation baisser de 22 % pour passer de 905 à 708 euros. Le nouveau mode de calcul de l'allocation chômage pose un enjeu d'inégalité difficilement supportable pour les salariés sans cesse embauchés sur des missions censément isolées mais en réalité permanentes, dont on requalifie rarement le contrat vers un poste stable, et qui, à durée de cotisation égale, ne perçoivent pas les mêmes indemnités. À cet effet, ce n'est pas l'allongement de la durée d'indemnité qu'il faut prendre en compte, mais bien le montant de celle-ci. Ainsi, elle l'interroge afin de savoir quelles sont les mesures que compte prendre le Gouvernement pour pallier les conséquences de cette réforme.

Texte de la réponse

Les conséquences de l'épidémie de Covid-19 sur le marché du travail ont limité les opportunités de reprise d'activité des demandeurs d'emploi, même si le second confinement et le couvre-feu qui a suivi a affecté ce marché dans une bien moindre ampleur que le premier. Compte-tenu de l'évolution de la situation sanitaire, le Gouvernement a souhaité que les mesures d'urgence mises en place au printemps 2020 à destination des demandeurs d'emploi soient réactivées afin de neutraliser les conséquences négatives du second confinement. Ces mesures consistent notamment en la prolongation de la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi arrivés en fin de droits au cours de la période de confinement, l'aménagement des conditions d'ouverture de droits pour certains salariés démissionnaires, l'allongement de la période de référence au cours de laquelle la durée minimale d'affiliation est recherchée et la neutralisation de la période de crise sanitaire dans le calcul de l'allocation, permettront de préserver la situation des demandeurs d'emploi, et en premier lieu de ceux dont l'activité était discontinue (intermittents de l'emploi, travailleurs saisonniers, intérimaires). Elles seront reconduites jusqu'à fin mars. Le coût pour le régime d'assurance chômage de la prolongation des demandeurs d'emploi en fin de droits à fin mars est d'environ 1,5 Md€. En outre, et afin d'adapter les règles d'indemnisation du chômage à la nouvelle réalité économique et sociale, le Premier ministre a souhaité qu'une nouvelle concertation avec les organisations syndicales et patronales puisse s'ouvrir à l'automne 2020. Si le Gouvernement n'entend pas, dans ce cadre, renoncer à la réforme du régime d'assurance chômage, dont les objectifs en matière de lutte contre la multiplication des contrats courts et de promotion de l'emploi durable restent d'actualité, des aménagements aux règles d'indemnisation seront apportées de manière notamment à préserver la situation des salariés les plus fragilisés par la crise. Dans l'attente des résultats de cette concertation, le Premier ministre a annoncé un nouveau report au 1er avril 2021 de l'entrée en vigueur des nouvelles règles de calcul du salaire journalier de référence servant de base à la détermination du montant d'allocation et du dispositif de dégressivité de l'allocation pour certains demandeurs d'emploi. Les dispositions du décret n° 2020-425 du 14 avril 2020 ramenant temporairement à 4 mois, contre 6 mois précédemment, la durée d'affiliation nécessaire pour l'ouverture ou le rechargement d'un droit à l'allocation d'assurance seront par ailleurs prolongés jusqu'à cette même date. Les points de sortie de la concertation ont été annoncés le 2 mars dernier, avec des évolutions à la fois en direction des demandeurs d'emploi et des entreprises. En effet, l'entrée en vigueur est décalée du 1er avril au 1er juillet 2021. Nous maintenons, lors de l'entrée en vigueur de la réforme, une ouverture des droits à allocation chômage au bout de 4 mois pour tous, comme aujourd'hui (la réforme de 2019 prévoyait 6 mois). La dégressivité des allocations pour les salaires supérieurs à 4500€ brut ne prendra effet qu'à partir du 9ème mois au lieu du 7ème mois. Enfin, nous instaurons un plancher dans la règle de calcul de l'allocation chômage pour éviter que les allocations initialement prévues dans la réforme de 2019 ne soient trop basses pour certains demandeurs d'emploi. En outre, pour répondre aux inquiétudes des entreprises sur le bonus-malus dans le contexte de crise, nous avons également fait évoluer le dispositif initial : il entrera en vigueur au 1er juillet 2021,  date à partir de laquelle le comportement des entreprises commencera à être observé, pour un premier impact sur leurs cotisations en septembre 2022. Au regard de la situation économique, la période d'observation des comportements ne prendra pas en compte l'année 2020, ni le premier semestre de l'année 2021. Les entreprises relevant des secteurs les plus impactés par la crise, culture, évènementiel, sport et tourisme (secteurs du S1 au titre du fonds de solidarité) ne seront pas concernées par ce bonus-malus tant qu'elles relèvent de ce régime. Nous avons par ailleurs introduit dans cette réforme des clauses de retour à meilleure fortune : certains paramètres évoluent lorsque les conditions économiques s'améliorent et qu'il est plus facile de retrouver un emploi. Nous avons choisi deux indicateurs que nous avons partagés avec les partenaires sociaux : la baisse du nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A (130 000) sur 2 trimestres et le nombre de déclarations préalables à l'embauche (2,7 millions) sur 4 mois. Cette clause s'appliquera aux conditions d'ouverture des droits et aux règles de dégressivité des allocations pour les salaires supérieurs à 4500€ brut. Cette réforme après concertation est donc plus équilibrée. Elle maintient l'objectif d'une lutte contre la précarité tout en améliorant l'équité pour les demandeurs d'emploi.