15ème législature

Question N° 27537
de M. Paul Christophe (UDI, Agir et Indépendants - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation nationale, jeunesse et sports

Rubrique > harcèlement

Titre > Harcèlement scolaire

Question publiée au JO le : 17/03/2020 page : 2076
Réponse publiée au JO le : 15/03/2022 page : 1711
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de renouvellement: 14/07/2020

Texte de la question

M. Paul Christophe appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le harcèlement scolaire. Selon les chiffres du ministère de l'éducation nationale, un enfant sur dix serait victime de violences d'autres élèves lors de sa scolarité. Pour certains de ces élèves, les conséquences de ces agissements sont dramatiques : troubles anxieux, déscolarisation, mutilations pouvant aller jusqu'à la tentative de suicide. Il est urgent et vital que la société s'empare de ce problème pour éviter ces effets délétères. Le ministère de l'éducation nationale a un rôle primordial dans la lutte contre ces pratiques car il est le premier témoin de ces conduites destructrices et peut, en conséquence, agir en amont du processus. En effet, le harcèlement commence le plus couvent à l'école mais son existence ne concerne pas uniquement les enfants. Ces méthodes d'intimidation peuvent aussi, dans l'avenir, se déporter dans le milieu professionnel et engendrer de terribles répercussions dans notre société. De prime abord, la notion de harcèlement semble dépendre du champ lexical militaire. En effet, selon la définition du dictionnaire Larousse, le verbe harceler signifie soumettre quelqu'un, à groupe, à d'incessantes petites attaques ou à de continuelles pressions, sollicitations. C'est donc un véritable engrenage destructif qui se met en place, enfermant la victime dans le mutisme et la culpabilité. Le harcèlement scolaire ne s'étend pas uniquement au lieu de l'établissement scolaire. Avec l'avènement d'internet et des réseaux sociaux, les intimidations progressent nuit et jour, à l'école comme à la maison. La victime a l'impression de ne pas pouvoir sortir de cette spirale infernale. Elle ne peut en parler à des adultes référents car sa vie sociale auprès de ses camarades de classe en sera fortement endommagée. Les leviers d'action contre ces attaques résident avant tout dans la prévention. Le plan présenté en juin 2019 par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse prévoit un enseignement de dix heures autour du harcèlement et de ses dangers, du CP à la troisième, à partir de la rentrée 2020, assorti de campagnes de prévention dans les établissements. C'est une réelle avancée qui permet une véritable introduction à ces enjeux, sans toutefois permettre de totalement éradiquer le problème. Il semble ainsi nécessaire d'aller plus loin en changeant de paradigme sur l'appréhension du harcèlement. En ce sens, la méthode Pikas, inventée par le psychologue suédois Anatol Pikas, semble avoir conquis de nombreux pays. Le dispositif se concentre sur les élèves « intimidateurs » et la sanction n'est jamais la seule réponse. En effet, dans la plupart des cas, la sanction ne fonctionne pas car elle a plutôt tendance à fédérer le groupe contre la victime. La logique est donc d'amener les élèves harceleurs à prendre conscience des conséquences de leurs actes et à les faire trouver d'eux-mêmes une solution pour cesser leurs agissements. L'objectif est également de briser l'effet de groupe. Cette méthode enseignerait l'empathie, nécessaire pour désamorcer ces conflits. L'instruction, par l'école, de ce savoir-être pourrait être une solution viable et bénéfique pour la collectivité. Les psychologues s'accordent à dire que l'environnement familial est primordial dans le développement d'un être humain. L'environnement scolaire l'est tout autant en raison du temps important passé par les élèves dans ces structures. Les épisodes de harcèlement restent gravés à vie dans la mémoire des victimes et engendrent des répercussions importantes pour leur avenir. Loin d'être une simple « histoire d'enfants », ces brimades doivent être reconnues, appréhendées et traitées au plus tôt afin d'éviter les conséquences dramatiques sur le développement de l'enfant et, plus globalement, sur le vivre ensemble. Il souhaiterait donc connaitre sa position sur cette méthode et sur les dispositions qu'il entend mettre en place pour lutter contre l'accentuation de ces conduites abusives.

Texte de la réponse

Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) a placé la lutte contre le harcèlement scolaire en tête de ses priorités en conduisant une politique publique volontariste et ambitieuse de lutte contre toutes les formes de harcèlement. Depuis l'organisation des Assises nationales sur le harcèlement à l'École (les 2 et 3 mai 2011, à Paris), et dans la continuité des États généraux de la sécurité à l'École d'avril 2010, la France met en œuvre une véritable politique publique de lutte et de prévention contre toutes les formes de harcèlement organisée autour de quatre axes : sensibiliser, prévenir, former et prendre en charge. Dans le cadre de cette politique, la détermination à combattre ce fléau a enclenché une dynamique dans les actes, comme par exemple la mobilisation de nombreux acteurs, partenaires et membres de la société civile, la création de nombreux dispositifs, ressources, numéros d'appels, l'existence d'une journée nationale : la lutte contre le harcèlement et le cyber harcèlement est portée par les 337 référents académiques et départementaux qui constituent des interlocuteurs clefs pour les élèves victimes de harcèlement et pour leurs parents. Ce réseau est accompagné et animé par le MENJS (Mission de la prévention des violences en milieu scolaire) ; les élèves et les familles bénéficient également de la possibilité d'appeler gratuitement le 30 20, où des professionnels les écoutent, les orientent, et peuvent signaler leur situation aux référents de leur académie, pour une prise en charge suivie. À cela s'ajoute des lignes académiques dédiées qui permettent de joindre directement les référents académiques et départementaux ; un partenariat avec l'association e-enfance permet la mise à disposition du numéro, dédié à la lutte contre les cyber violences, net écoute, le 30 18 ; le MENJS met à la disposition de ses personnels, des élèves et des familles, de nombreuses ressources et guides, notamment au moyen du site « Non au harcèlement ! » : https://www.nonauharcelment.education.gouv.fr/ressources/ ; deux temps forts marquent l'année scolaire : la journée nationale de mobilisation contre le harcèlement à l'école, le premier jeudi qui suit les vacances d'automne, qui invite les écoles et les établissements à s'engager dans des actions de sensibilisation et d'information ; le prix « Non au harcèlement ! » (NAH), auquel participent près de 40 000 élèves, qui récompense les productions graphiques ou vidéos élaborées dans le cadre d'un projet d'école ou d'établissement. Depuis cette rentrée scolaire le programme français anti-harcèlement « pHARe » est généralisé à l'ensemble du territoire national. Ce programme combine différentes actions selon un film annuel précis et prévoit : la mise en place d'une équipe ressources constituée de cinq personnes dans chaque collège et dans chaque circonscription formées à la méthode de préoccupation partagée (inspirée de A. Pokas),  l'information des parents d'élèves, la sensibilisation des personnels, implication dans la journée NAH, la participation au concours NAH et au « Safer inter day », l'engagement des ambassadeurs collégiens (10 par collège), le mise en œuvre de dix heures annuelles à destination des élèves et consacrées au harcèlement. Ce programme permet ainsi aux écoles et établissements de mettre en œuvre de manière effective leur plan de prévention et leur protocole de prise en charge avec des acteurs formés et des outils adaptés à ces phénomènes complexes. La méthode de préoccupation partagée (Pikas) a été présentée dans une acception plus moderne « à la française » intégrant la prise en charge de l'élève victime. Cette méthode permet, au-delà de la prise en charge précoce des situations d'intimidation et de renarcissisation de la victime, d'influer sur le climat scolaire de l'établissement, en promouvant une certaine « éthique relationnelle » entre adultes et élèves, et une attention de chaque instant aux signaux faibles permettant ainsi de mieux se prémunir de toutes les formes de décrochage. L'objectif est donc de travailler sur la professionnalisation des équipes qui apporteront des réponses adaptées à cette forme spécifique de violence, et élaboreront un protocole de prise en charge des situations d'intimidation s'inscrivant dans le plan de prévention des violences et du harcèlement de leur école ou leur établissement. Par ailleurs, dans le cadre de l'organisation du carré régalien dont l'objectif et de porter les Valeurs de la République, de prévenir et de lutter contre la radicalisation, le harcèlement et la violence en milieu scolaire, il est créé, au sein de la mission, une cellule de lutte contre le cyberharcélement (CyberNah) Les personnes recrutées auront pour mission : d'assurer une veille numérique pour anticiper les phénomènes viraux de cyberharcèlement ; de centraliser et de traiter l'ensemble des informations quel qu'en soit la provenance : Delcom, CMVA (HFDS), prestataires éventuels, réseaux sociaux, référents académiques, en lien avec le carré régalien ; d'assurer un relai auprès des plateformes (réseaux sociaux) avec des interlocuteurs identifiés (GAFAM, influenceurs) : interlocuteurs privilégiés lors d'une situation de crise mais aussi dans le cadre de la mise en place d'un partenariat; de renforcer le pilotage et l'accompagnement des académies spécifiquement sur la problématique du cyberharcèlement : liens avec les référents académiques harcèlement (formation, mise en œuvre d'un protocole en situation de crise). Enfin, en janvier 2022 le Parlement a voté une loi visant à combattre le harcèlement en milieu scolaire (Loi Balanant). Cette loi complète les mesures déjà mises en œuvre par le gouvernement. Le droit de suivre une scolarité sans harcèlement scolaire, posé par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, devient une composante du droit à l'éducation. Il est étendu dans le code de l'éducation aux élèves de l'enseignement privé et aux étudiants. La définition du harcèlement est aussi complétée, notamment pour y inclure les faits commis en marge de la vie scolaire ou universitaire. Une obligation de moyens pèsera sur les établissements d'enseignement scolaire et supérieur publics et privés ainsi que sur les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), qui devront prendre les mesures appropriées pour : - prévenir et traiter les cas de harcèlement ; - orienter les victimes, les témoins et les auteurs, notamment vers des associations pouvant les accompagner. Ces mesures accompagneront la généralisation du programme pHARe. Ainsi, on ne peut plus dire aujourd'hui que les phénomènes de harcèlement entre élèves soient méconnus de nos personnels ou plus largement de la société civile.