Question écrite n° 27588 :
Cadre juridique s'appliquant aux gardes particuliers assermentés

15e Législature

Question de : M. François-Michel Lambert
Bouches-du-Rhône (10e circonscription) - Libertés et Territoires

M. François-Michel Lambert alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la diminution importante des effectifs de gardes particuliers assermentés, qui jouent un rôle crucial pour la protection de la population et celle de l'environnement. Les gardes particuliers assermentés voient en effet leurs conditions de travail se dégrader au fil des textes de loi. Autrefois considérés comme des Officiers de police judiciaire, ils n'ont plus cette qualité aujourd'hui et se retrouvent régulièrement en difficulté du fait des pouvoirs perdus ou inexistants. Depuis 2013, aucune des catégories de gardes particuliers ne peut, par exemple, procéder à la recherche d'infractions, mais seulement procéder à leur constatation. Ni les gardes-chasse, ni les gardes-pêche ne sont autorisés à relever l'identité des contrevenants (seul le garde particulier des bois et forêts le peut). Le garde-chasse ne peut saisir aucune arme de chasse, alors que le garde-pêche dispose de ce droit. Ce dernier peut également requérir les forces de l'ordre, alors que toutes les autres catégories de gardes particuliers n'ont pas cette possibilité. Par ailleurs, les gardes particuliers ne peuvent porter aucune arme de défense depuis 2006, et ce, malgré les situations à risques auxquelles ils sont parfois confrontés (alors même que les lieutenants de louveterie ont été réarmés). Le cadre juridique les entourant actuellement leur ont fait perdre des prérogatives, mais également de l'autonomie et de la crédibilité. Il introduit, de plus, des disparités claires entre les différentes catégories de gardes particuliers en matière de droits et de compétences. Dans de telles circonstances, un grand nombre de gardes particuliers ont décidé de quitter leur fonction, laissant des postes vacants et augmentant les risques d'infraction, voire d'accidents. Ce sont les gardes-chasse qui sécurisent les terrains de chasse ou qui interpellent les chasseurs exerçant leur activité dans des espaces interdits. Ce sont les gardes des fonds et les gardes des bois et forêts qui veillent à ce que les coupables de dépôts sauvages soient verbalisés. Ce sont ces mêmes gardes des bois et forêts qui veillent à ce que l'interdiction de circuler en forêt soit respectée quand celle-ci est en vigueur. Il apparait, de ce fait, nécessaire de mettre fin à l'importante et préjudiciable diminution de gardes particuliers assermentés en France. Il lui demande alors comment elle compte renforcer et harmoniser le cadre juridique qui s'applique aux gardes particuliers assermentés.

Réponse publiée le 1er septembre 2020

Les gardes particuliers sont des personnes employées et commissionnées par les propriétaires ou par les titulaires de droits, notamment les associations de chasse ou de pêche, pour assurer la surveillance de la propriété ou des droits qui y sont attachés. Aux termes du premier alinéa de l'article 29 du code de procédure pénale, ils « constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde ». Ils peuvent aussi être habilités à constater les infractions forestières (article L. 161-6 du code forestier) ou encore les infractions en matière de chasse (article L. 428-21 du code de l'environnement) et de pêche (article L. 437-13 du code de l'environnement). Leurs procès-verbaux doivent être transmis au procureur de la République « à peine de nullité, dans les cinq jours suivant celui de la constatation du fait », comme l'exige le second alinéa de l'article 29 du code de procédure pénale. Agréés par l'autorité administrative et assermentés, les gardes particuliers constituent donc une composante essentielle de la sécurité de proximité. Signe de cette reconnaissance institutionnelle, une convention de partenariat entre le ministère de l'Intérieur et la Confédération française des gardes particuliers assermentés a été signée le 3 mars 2016, visant à assurer une meilleure articulation de l'action des forces de sécurité de l'Etat avec celle des gardes particuliers. Pour autant, leurs attributions judiciaires sont réduites à la constatation des infractions, à l'exclusion de toute prérogative d'enquête, compte tenu de leur statut d'agents privés et de leur compétence matérielle restreinte à la protection des propriétés et des droits dont ils ont la garde. Le Conseil constitutionnel déduit en effet de l'article 66 de la Constitution « l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire », qui interdit de conférer des pouvoirs généraux d'enquête à des agents qui ne sont pas placés sous le contrôle direct et effectif de l'autorité judiciaire (Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011). Par ailleurs, la réglementation applicable aux gardes particuliers, loin de constituer une entrave à leurs missions, est la condition même d'un exercice légitime et proportionné des prérogatives de police judiciaire qui leur sont reconnues. Leur activité est ainsi incompatible avec des activités de sécurité privée, conformément aux dispositions de l'article R. 611-1 2° du code de la sécurité intérieure. De même, l'article R. 15-33-29-1 du code de procédure pénale leur interdit de porter une arme (à l'exception de celle nécessaire à la destruction des animaux nuisibles) et leur impose de faire figurer de manière visible sur leurs vêtements la mention de « garde-particulier », « garde-chasse particulier », « garde-pêche particulier » ou « garde des bois particulier », à l'exclusion de tout insigne susceptible de créer une confusion dans l'esprit de la population avec des agents publics ou de tout insigne faisant référence à une appartenance syndicale, associative, politique ou religieuse. Le ministère de la justice est néanmoins sensible aux disparités constatées dans les prérogatives de police judiciaire conférées aux diverses catégories de gardes particuliers. A cet égard, seuls les gardes des bois sont habilités à relever l'identité des personnes (article L. 161-14 du code forestier). En revanche, les gardes-chasse peuvent procéder à la saisie du gibier tué à l'occasion des infractions (article L. 428-21 3ème alinéa du code de l'environnement), alors que les gardes-pêche peuvent requérir la force publique (article L. 172-10 2ème alinéa du code de l'environnement), inspecter le matériel des pêcheurs (article L. 437-7 1er alinéa du code de l'environnement) et saisir les instruments de pêche et les poissons (art. L. 172-12 du code de l'environnement). A ce titre, le ministère de la justice participe aux travaux de réflexion actuellement menés dans le cadre du Livre blanc sur la sécurité intérieure, relatifs à une éventuelle harmonisation des prérogatives reconnues aux gardes particuliers assermentés (relevé d'identité, pouvoir de requérir la force publique, inspection du matériel, saisie de l'instrument et du produit des infractions).

Données clés

Auteur : M. François-Michel Lambert

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 17 mars 2020
Réponse publiée le 1er septembre 2020

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