15ème législature

Question N° 27965
de M. Didier Le Gac (La République en Marche - Finistère )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Impact sur la filière du lait de l'épidémie de Covid19

Question publiée au JO le : 07/04/2020 page : 2533
Réponse publiée au JO le : 11/08/2020 page : 5421
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Didier Le Gac attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les fortes répercussions de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 sur la filière laitière et ses industries de transformation. Dans un contexte national perturbé par la pandémie de covid-19, un ralentissement des sites de fabrication est observé. Les difficultés engendrées en termes de gestion du personnel et d'absentéisme, aggravées par les difficultés à disposer du matériel de protection nécessaire, perturbent l'activité des industries laitières. La baisse de la consommation (du fait de la fermeture des commerces de restauration, des cantines, des difficultés de certaines entreprises de transformation) intervient au moment du pic de production du printemps, ce qui provoque un « effet de ciseaux » sur le marché du lait. Avec l'épidémie de coronavirus, les cours mondiaux de la poudre de lait sont brusquement repartis à la baisse. Dans ces conditions, plusieurs laiteries ont d'ores et déjà demandé à leurs éleveurs de ralentir la production. Face à cette menace de l'engorgement du marché et un effondrement du prix du lait ainsi qu'une situation qui pourrait se prolonger, il apparaît essentiel d'éviter la surproduction. Ceci est d'autant plus justifié que les prix sont encore loin de couvrir les coûts de production. M. le député rappelle que le projet d'un programme de responsabilisation des marchés, instrument de gestion de crise à destination du secteur laitier européen, a été retenu dans les négociations de la future politique agricole commune (PAC). Le programme de responsabilisation des marchés (PRM) est à visée temporaire, puisqu'il a vocation à être appliqué simplement lorsque le marché du lait est menacé de déséquilibre. Ce programme permet, d'une part, d'éviter une chute des prix versés aux producteurs de lait et, d'autre part, de surmonter rapidement la crise par l'engagement de moyens publics minimes. M. le député a bien noté les récents propos de M. le ministre au sujet de l'agriculture, qui reste un secteur prioritaire à accompagner en cette période de crise. Au-delà du fait que la Bretagne est la première région française pour la production de lait, M. le député tient à rappeler que le lait est le troisième poste de la balance commerciale française de l'agriculture, avec 7 milliards d'euros exportés en 2018, et que l'industrie laitière totalise un chiffre d'affaires annuel de 30 milliards d'euros environ. Pour que le prix du lait reste rémunérateur, et pour que les jeunes aient envie de s'installer, il semble opportun de disposer d'un outil de régulation du marché. Afin qu'un signal ferme et fort puisse être envoyé aux acteurs du marché, il souhaiterait savoir de quelle manière le Gouvernement envisage d'intervenir en faveur de la création d'un tel outil européen pour réguler le marché du lait.

Texte de la réponse

La crise sanitaire actuelle a des impacts importants pour de nombreuses filières agricoles et agroalimentaires. C'est notamment le cas de la filière laitière, et en particulier pour les petites entreprises fromagères, souvent dans des filières sous indication géographique, et les producteurs laitiers fermiers, dont l'activité est si importante pour le patrimoine et l'économie des territoires français. Cette filière fait face à des difficultés liées à des pertes de débouchés, compte tenu de la fermeture d'une majorité du secteur de la restauration hors domicile, de celle d'un nombre important de marchés, et de l'orientation des achats alimentaires vers des produits de première nécessité et moins d'achats festifs par les consommateurs. En outre, la période de forte production laitière (du fait du pic de collecte annuel) aggrave la problématique. Au niveau local, des réorganisations de collecte du lait et de leurs débouchés ont été mises en place pour optimiser les capacités de valorisation du lait, avec notamment la mobilisation de certaines grandes entreprises, en particulier coopératives. Il convient de saluer la solidarité exemplaire qui s'exerce dans la filière laitière et permet d'atténuer les difficultés rencontrées par les plus petites entreprises pour lesquelles les alternatives sont réduites. De plus, des efforts sont entrepris par les enseignes de grande distribution pour maintenir ouverts les rayons à la coupe et préserver la diversité des produits proposés aux consommateurs. La filière laitière, du producteur au transformateur, maille l'ensemble du territoire, avec une production souvent issue de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME), dont certaines qui apparaissent durement touchées par la crise. C'est bien pour préserver ce type d'entreprise que le Gouvernement a annoncé des mesures immédiates de soutien, dont peuvent bénéficier les exploitations agricoles et les entreprises de transformation, notamment les TPE et PME. Le détail de ces mesures est disponible sur le site du ministère de l'économie et des finances : www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que près de 40 % du lait collecté en France est destiné aux exportations. Un plan de soutien aux entreprises françaises exportatrices a été annoncé le 31 mars 2020. Ce plan d'urgence permet de soutenir les entreprises face aux conséquences immédiates de la crise, notamment en sécurisant leur trésorerie, et d'assurer leur rebond à l'international après la crise. Il s'adresse à toutes les entreprises exportatrices dont les entreprises laitières, qui sont des moteurs essentiels de l'industrie dans les territoires. Les outils européens de gestion des marchés sont essentiels pour faire face aux aléas des marchés agricoles. Cette crise illustre l'intérêt de disposer et d'activer des outils de gestion des marchés européens, prévus par le règlement de l'organisation commune de marché « OCM » [règlement (UE) n° 1308/2013]. C'est pourquoi le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a porté au plan européen la nécessité que des mesures rapides et adaptées à chaque filière soient activées, en particulier des mesures de gestion des marchés laitiers de la politique agricole commune (PAC) prévues par le règlement « OCM », concernant les stockages privés de poudre de lait écrémé, de beurre et pour l'ensemble des fromages. Ces mesures, doublée d'un dispositif de diminution de la collecte par l'interprofession laitière, ont permis d'amoindrir la baisse du prix du lait, qui a moins baissé en France qu'ailleurs en Europe. Le ministère chargé de l'agriculture demande par ailleurs, pour l'ensemble des secteurs agricoles, l'activation de l'article 222 du règlement « OCM ». Cet article permet, durant les périodes de déséquilibres graves sur les marchés, que la Commission adopte des mesures permettant, par dérogation aux règles de la concurrence, que des accords ou décisions puissent être pris notamment par des organisations interprofessionnelles ou des organisations de producteurs reconnues, en vue de stabiliser les marchés, notamment pour planifier temporairement la production. Pour soutenir les efforts des producteurs de modération de la collecte laitière, le centre national interprofessionnel de l'économie laitière, l'interprofession laitière nationale, envisage la mise en place d'un dispositif d'aide à la réduction volontaire de la production, dont il a demandé la validation préalable à la Commission européenne. Ce dispositif pourrait s'appuyer sur l'article 222 de l'OCM, s'il est activé par la Commission européenne, comme le demande la France. Par ailleurs, à plus long terme, la France demande, dans le cadre de la négociation en cours sur la future PAC, la mise en place de seuils d'alerte pour une meilleure réactivité et une meilleure efficience des outils d'intervention sur les marchés. Elle porte également l'ajout dans la réglementation européenne d'une mesure de réduction volontaire de la production en cas de difficultés sur les marchés, à l'instar de la mesure européenne mise en place en 2016 dans le cadre de la crise laitière. L'ensemble du Gouvernement, dont le ministère de l'agriculture, reste pleinement mobilisé pour suivre l'évolution de la situation pour l'ensemble des filières agricoles et apporter les solutions appropriées le plus rapidement possible. La propagation mondiale du covid-19 place le monde entier dans une situation inédite avec un double défi, sanitaire et économique auquel il convient de faire face collectivement.