15ème législature

Question N° 28344
de M. Michel Larive (La France insoumise - Ariège )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Citoyenneté

Rubrique > étrangers

Titre > Rétention des étrangers dans les centres de rétention administrative (CRA)

Question publiée au JO le : 14/04/2020 page : 2767
Réponse publiée au JO le : 10/11/2020 page : 7974
Date de changement d'attribution: 27/10/2020
Date de signalement: 23/06/2020

Texte de la question

M. Michel Larive attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conditions de rétention des étrangers dans les centres de rétention administrative du pays. Depuis le début de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, le nombre d'étrangers placés en rétention a considérablement diminué. En effet, dans le contexte actuel de contrôle accru des frontières, qui rend difficile la mise en œuvre des mesures d'expulsions dans des délais raisonnables, les juges des libertés ont pris la décision de relâcher la plupart des retenus, conformément aux dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui précisent bien qu'« un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ » et que « l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ». Ces dispositions sont conformes aux termes de l'article 5, paragraphe 1, f) de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, selon lesquels la rétention d'une personne en situation irrégulière n'est permise qu'à la condition qu'une procédure d'expulsion ou d'extradition à son encontre soit en cours. Si celle-ci n'est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée au regard de cette disposition. Dans son ordonnance du 27 mars 2020, le juge des référés du Conseil d'État confirme bien cette interprétation du droit, en rappelant que « le placement ou le maintien en rétention d'étrangers faisant l'objet d'une mesure ordonnant leur éloignement du territoire français ne saurait, sans méconnaître l'objet assigné par la loi à la mise en rétention, être décidé par l'autorité administrative lorsque les perspectives d'éloignement effectif du territoire à brève échéance sont inexistantes. » Il en résulte que pour pouvoir placer une personne en rétention provisoire, il faut que l'administration soit en possession de son passeport en cours de validité, ou que la délivrance d'un laisser-passer consulaire soit donnée comme imminente et certaine, que les frontières du pays de destination soient ouvertes au transport international de voyageurs en provenance de France, et qu'un mode de transport soit immédiatement disponible pour un départ effectif à brève échéance. Pourtant, il semblerait que plusieurs personnes, en particulier celles qui se trouvaient auparavant en détention, le plus souvent en maison d'arrêt pour des peines n'excédant pas deux ans, continuent d'être placées en centre de rétention immédiatement après leur sortie de prison. C'est le cas par exemple au CRA d'Oissel, du Mesnil-Amelot, ou encore de Cornebarrieu. À l'aune des éléments mentionnés précédemment, la régularité de ces rétentions mérite d'être questionnée. Le placement en rétention d'étrangers ayant purgé une peine de prison n'est justifié que si une procédure d'expulsion est en cours, et ne doit pas être une manière détournée de prolonger leur enfermement, quel que soit le délit pour lequel ils ont été précédemment condamnés. En outre, les conditions sanitaires des centres de rétention, qui étaient déjà très loin d'être satisfaisantes avant la crise sanitaire, ne sont pas adaptées à ce qu'exige la situation actuelle, selon plusieurs associations. En effet, elles ne permettent pas le respect des mesures de prévention préconisées par l'Organisation mondiale de la santé, et sont de nature à faire courir aux personnes retenues, mais aussi au personnel des centres un risque accru de contamination au virus. Les personnels n'ont pas de masques ni de gants en quantités suffisantes, et les mesures de distanciation entre les retenus ne sont pas respectées. Compte tenu de cette situation préoccupante, le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI), l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), le Syndicat des avocats de France, l'association La Cimade et le Conseil national des barreaux ont saisi le Conseil d'État pour demander la fermeture temporaire des centres de rétention administrative. Mais celui-ci a rejeté leur requête. Le Défenseur des droits ainsi que la contrôleure générale des lieux de privation de liberté se sont quant à eux adressés au ministère de l'intérieur pour les mêmes motifs, sans plus de succès. M. le député lui demande de préciser combien de personnes sont actuellement retenues dans les CRA et si des perspectives d'éloignement à brève échéance existent bel et bien pour chacune d'elles. Il souhaiterait aussi savoir pour quelles raisons il refuse la fermeture temporaire des centres de rétention, et enfin quelles mesures immédiates il compte prendre pour préserver la santé des personnes retenues et du personnel de ces centres.

Texte de la réponse

Le placement en centre de rétention administrative (CRA) d'étrangers en situation irrégulière (ESI) sortant de détention est justifié par la mesure d'éloignement dont ils font l'objet et ce, même en période de crise sanitaire. Saisi en référé d'une requête tendant à la fermeture des CRA, le Conseil d'Etat a estimé, par ordonnance du 27 mars 2020, que les possibilités d'éloignement demeuraient et que les conditions de rétention étaient compatibles avec les prescriptions sanitaires de lutte contre la propagation du virus, compte tenu des dispositions prises par l'administration. Ainsi, entre le 17 mars et le 10 mai 2020, 722 étrangers en situation irrégulière ont été placés en rétention administrative en France métropolitaine. Pendant cette même période, 82 éloignements ont été effectués depuis les CRA en métropole, 111 depuis l'outre-mer. Dès lors que des perspectives d'éloignement sont possibles, il est justifié de placer en rétention des étrangers en situation irrégulière, quelle que soit leur situation administrative et judiciaire antérieure. En outre, le placement en rétention d'étrangers en situation irrégulière au terme de leur peine d'emprisonnement ne saurait s'apparenter à une prorogation de leur condamnation pénale. En effet, les étrangers détenus ne justifiant pas d'un séjour régulier peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement pendant leur détention ou à leur levée d'écrou. Cette décision administrative, prise par le préfet, est par nature distincte de la condamnation judiciaire dont a fait l'objet le détenu étranger et ne constitue donc en aucun cas le prolongement de la décision prise par le juge judiciaire. De surcroît, l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) dispose que le placement en rétention fait l'objet d'un contrôle du juge des libertés et de la détention 48 heures après la notification du placement en rétention, aux fins de prolongation de la rétention administrative. De plus, en vertu de l'article L. 554-1 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Par conséquent, la décision de prolongation du juge des libertés et de la détention est subordonnée à la présence de perspectives d'éloignement. Enfin, s'agissant du respect des mesures de prévention liées à la lutte contre l'épidémie de covid-19, un protocole sanitaire, établi conjointement par les ministères des solidarités et de la santé et de l'intérieur, a été mis en œuvre dès le 17 mars 2020. Il prévoyait notamment une évaluation sanitaire avant toute décision de placement en CRA ou en zone d'attente pour les ESI présentant des symptômes évocateurs d'une infection par le coronavirus, une doctrine de prise en charge des retenus et maintenus détectés positifs au covid-19, la mise en place des gestes barrières et des règles de distanciation sociale dans les espaces de vie, des protocoles stricts de désinfection des locaux, l'affichage des règles d'hygiène en plusieurs langues à destination des personnels, des intervenants, des visiteurs et des personnes retenues. Les CRA et les zones d'attente ont également été dotés en masques et gels hydro-alcoolique. Par ailleurs, la capacité d'accueil des centres a été fortement réduite afin de garantir à chaque retenu la possibilité de bénéficier d'un hébergement permettant d'assurer le respect des règles de distanciation. A plusieurs reprises, le Conseil d'Etat a jugé que les conditions de rétention telles qu'organisées par l'administration étaient compatibles avec les prescriptions sanitaires, ce qui a permis le maintien d'une activité, même réduite, de placement en rétention et d'éloignement. Pendant toute la durée de la crise sanitaire, l'accès au droit des retenus a été maintenu soit par la présence de représentants des associations chargées de l'assistance juridique en CRA si cela était possible, soit par du conseil à distance, les représentants étant en télétravail. Les visites et entretiens avec un avocat ont été possibles pendant le confinement. Toutefois, les visites ont été suspendues, pendant 14 jours, pour les personnes détectées positives au covid-19.