15ème législature

Question N° 28381
de M. José Evrard (Non inscrit - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > Libération anticipée des détenus

Question publiée au JO le : 14/04/2020 page : 2773
Réponse publiée au JO le : 14/09/2021 page : 6849
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. José Evrard alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la libération anticipée de délinquants. Plusieurs milliers de délinquants lourds sont en cours de libération au prétexte de la surpopulation carcérale et de la contamination par le coronavirus qui peut en résulter. La chancellerie a annoncé le chiffre de 5 000 libérations, un quotidien du matin en annonce quant à lui 7 000. À ces chiffres importants, il faut ajouter les délinquants qui ne seront pas incarcérés puisqu'ordre a été donné aux parquets de réduire le plus possible les mises en prison. Les entrées en prison se comptent désormais en quelques dizaines quotidiennement au lieu de plusieurs centaines habituellement. À la crainte de la population de croiser ces milliers de délinquants, il est invoqué leur suivi et leur contrôle ainsi que l'assignation à résidence, autrement dit le confinement, le régime imposé à tous les citoyens. Suivi, contrôle, assignation à résidence, dans le contexte de la France sous épidémie, ne semblent pas prendre l'exacte mesure des moyens dont dispose l'État actuellement pour assurer la sécurité des personnes et des biens. L'épidémie touche aussi les personnels de police. Ces libérations prématurées ressortent du pari à plus d'un titre et il n'est pas anormal de se demander ce que feront ces délinquants à l'extérieur. Il n'a échappé à personne que la délinquance, certes en baisse par ces temps, reste omniprésente sur le terrain : trafics de drogue, cambriolages, agressions de personnes, attaques de commissariats. Cette délinquance se verrait, de fait, renforcée par des éléments aguerris. Il faut ajouter enfin que ceux qui sont condamnés à la prison actuellement le sont pour des actes répétés et lourds. Enfin, il n'est pas inutile de rappeler les résultats de libérations en masse dans le passé. Un chercheur américain a donné l'exemple d'une libération en masse de détenus décidée par la Cour suprême, qui avait abouti à quinze infractions graves supplémentaires pour chaque détenu libéré. Un criminologue français a montré dans son livre « Quand la justice crée l'insécurité » que l'amnistie en 1981 de plus de 5 000 prisonniers avait fait faire à la criminalité un bond de 20 %. Dans ses conclusions, ce chercheur précise que le « recours accru à la prison a toujours fait reculer la criminalité ». L'imprévoyance des gouvernements précédents qui éclate avec l'absence de lits d'hôpitaux apparaît aussi dans le manque de places de prison. Dans le premier cas il a été fait appel à l'armée pour construire rapidement un hôpital de campagne et à l'étranger disposant de places hospitalières. Il lui demande si des solutions similaires ne pourraient pas être envisagées dans la situation exceptionnelle que la France connaît afin d'éviter une dispersion de la délinquance dans la nature.

Texte de la réponse

Face à l'évolution de l'épidémie de la Covid-19, le Gouvernement a rapidement pris des mesures afin d'éviter l'entrée et la propagation du virus dans les prisons et garantir la continuité du service public pénitentiaire. L'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de la Covid-19 a ainsi facilité, pour la durée de la crise, le prononcé de mesures existantes comme la suspension de peine pour raison médicale, la libération sous contrainte sous forme de libération conditionnelle et la conversion de peine. En complément, elle a créé deux dispositifs transitoires et exceptionnels, applicables dans les conditions strictes prévues par ladite ordonnance : la réduction supplémentaire de peine liée aux circonstances exceptionnelles et l'assignation à domicile de fin de peine. Selon l'article 2 de l'ordonnance, ces dispositions ont été applicables « jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ». Elles ne sont donc plus en vigueur depuis le 10 août 2020. Entre le 16 mars et le 11 mai 2020, la diminution très significative de la population pénale correspond majoritairement à des fins de peine puisque seuls 3 288 condamnés ont bénéficié d'une mesure de réduction supplémentaire de peine exceptionnelle et 1 714 d'une mesure d'assignation à domicile de fin de peine. Ces libérations anticipées, motivées par la situation sanitaire, limitées dans le temps et excluant de nombreux profils, n'ont pas eu d'effet direct sur la délinquance, puisque seuls une trentaine d'entre eux ont été réincarcérés pour manquement à leurs obligations. Du reste, les profils concernés ont été pour l'essentiel libérés durant le confinement et, en tout état de cause, l'auraient été avant l'été. Concernant les conditions d'octroi de ces mesures, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, afin d'émettre un avis sur une libération anticipée, a vérifié les conditions d'hébergement de la personne détenue mais également l'environnement social et familial dans lequel la personne se trouverait, évalué comme n'étant pas un risque de récidive. Les sorties anticipées ont donc été réalisées sur la base d'éléments transmis par le SPIP et l'établissement pénitentiaire à destination du magistrat mandant. Durant la première période de confinement, les personnes libérées de manière anticipée exécutant une mesure en milieu ouvert ont été suivies par le SPIP dans le cadre d'entretiens téléphoniques et de la transmission de tout justificatif utile par voie dématérialisée, conformément à la note de la direction de l'administration pénitentiaire en date du 17 mars 2020. A l'inverse, il n'est pas pertinent de prétendre qu'une quelconque impunité ait pu s'installer durant cette même période : le service public de la Justice, et à plus forte raison les établissements pénitentiaires, n'ont jamais cessé de fonctionner.