Question écrite n° 28385 :
Neutralisation des délais d'exécution sous l'état d'urgence sanitaire

15e Législature

Question de : M. Sacha Houlié
Vienne (2e circonscription) - La République en Marche

M. Sacha Houlié attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le champ d'application de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, qui prévoit que « les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er [entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire actuellement fixé au 24 mai 2020]. Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme ». Entendu au sens strict, seules les clauses pénales sont suspendues, à l'exclusion des délais d'exécution prévus par les différents contrats. Il en résulte, selon cette lecture, que le co-contractant peut être empêché d'exécuter ses obligations durant l'intégralité de l'épidémie et des mesures exceptionnelles prises sous l'état d'urgence sanitaire, mais se trouver contraint de payer des pénalités de retard. Si la jurisprudence estime traditionnellement que les clauses des contrats prévoyant l'application de pénalités de retard sont des clauses pénales, cela ne ressort pas des textes réglementaires adoptés et n'est pas davantage précisé par les circulaires. Dans ces circonstances, il souhaiterait qu'elle puisse préciser si ces délais d'exécution contractuels sont interrompus ou suspendus durant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire.

Réponse publiée le 26 mai 2020

L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, tel qu'amendé par l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19, a pour objectif de paralyser de manière temporaire les astreintes prononcées par les juridictions ainsi que les sanctions contractuelles de l'inexécution que sont les clauses résolutoires, les clauses de déchéance ou encore les clauses pénales. Il vise à tenir compte des difficultés d'exécution liées à l'état d'urgence sanitaire en empêchant l'application des clauses ayant un effet automatique. S'agissant plus particulièrement des clauses pénales, la Cour de cassation juge comme vous le soulignez que le manquement à l'exécution que sanctionne la clause pénale peut consister dans l'inexécution pure et simple de l'obligation comme dans le retard mis à s'exécuter. Les dispositions de l'article 1231-6 du code civil dans leur version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations n'ont pas entendu remettre en cause cette jurisprudence. Les stipulations que vous évoquez prévoyant des pénalités de retard restent considérées comme des clauses pénales. Dès lors, comme le précise la circulaire de présentation des dispositions du titre I de l'ordonnance n° 2020-427, le dispositif prévu à l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 a effectivement vocation à reporter la prise d'effet de telles clauses.  Le Gouvernement n'a en revanche pas entendu suspendre l'exigibilité des dettes contractuelles, de sorte que les sanctions légales, non visées par l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 précitée, pourront le cas échéant trouver à s'appliquer en cas de non-respect des échéances contractuellement prévues : il en va par exemple ainsi de la faculté pour le créancier de poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, de prononcer la résolution unilatérale du contrat en cas de manquement grave ou de demander cette résolution en justice, de solliciter une réduction du prix ou encore de faire usage de l'exception d'inexécution.

Données clés

Auteur : M. Sacha Houlié

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lois

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 14 avril 2020
Réponse publiée le 26 mai 2020

partager