10e anniversaire - inscription du repas gastronomique au patrimoine de l'UNESCO
Question de :
M. Didier Martin
Côte-d'Or (1re circonscription) - La République en Marche
M. Didier Martin interroge M. le ministre de la culture sur le bilan de l'inscription du repas gastronomique au patrimoine immatériel de l'UNESCO. En novembre 2010, l'UNESCO inscrivait le repas gastronomique des Français à la liste du patrimoine immatériel de l'humanité. Elle reconnaissait ainsi la valeur exceptionnelle de cette tradition française destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus. En lui accordant ce statut, elle célébrait le plaisir du goût, l'art du « bien manger » et du « bien boire » mais également le plaisir d'être ensemble et de partager. Dix ans après son inscription, les actions de promotion, de valorisation, de conservation mais également de transmission de ce patrimoine sont nombreuses, que ce soit en France ou à l'international. Annoncée le 19 juin 2013, la création d'un réseau de Cités de la gastronomie en est l'exemple le plus visible. Implantées à Dijon, Tours, Lyon et Paris-Rungis, les quatre Cités de la gastronomie ont pour vocation de mettre en valeur le patrimoine gastronomique français en s'intéressant chacune à une thématique dédiée. La Cité de la gastronomie de Dijon, qui ouvrira normalement ses portes fin décembre 2021, sera par exemple consacrée à la valorisation et à la promotion de la vigne et du vin, composants indispensables de l'art de vivre à la française. D'autres initiatives autour des fêtes de la gastronomie notamment se sont également multipliées. À l'international, les activités de valorisation et de transmission existent également, parfois de façon plus indirecte. Elles passent par exemple par la formation de chefs étrangers qui transmettent par la suite, dans leur pays d'origine, les savoirs et savoir-faire acquis en France. La valorisation se fait également par l'exportation de produits français comme le vin ou par la venue de touristes étrangers curieux de découvrir les terroirs. Dix ans après l'inscription du repas gastronomique des Français au patrimoine de l'UNESCO, il souhaiterait savoir quel bilan il est possible de tirer des actions de promotion, de valorisation et de conservation de ce patrimoine en France comme à l'international et quelle évaluation peut être faite du rayonnement de la cuisine française dans un monde de gastronomes exigeant plaisir, santé et équité.
Réponse publiée le 8 septembre 2020
L'inscription, le 16 novembre 2010, du repas gastronomique des Français au Patrimoine culturel immatériel de l'Humanité sur la Liste représentative instaurée par la Convention de l'UNESCO de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, a eu de nombreux effets en termes de transmission et de valorisation de cet élément patrimonial. Au cours de ces dix années, la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (MFPCA) a mis en œuvre les mesures découlant de l'inscription, qui, par la documentation, la promotion et la large diffusion des connaissances, mettent en valeur la vitalité du patrimoine gastronomique français. En cette année anniversaire, dont les événements ont été brutalement interrompus par l'épidémie de Covid-19, la MFPCA s'est ainsi engagée dans la coordination de célébrations (labellisation d'activités d'intérêt national ou territorial, exposition itinérante, manifestations…), pour fêter cet art du bien manger et du bien boire. Lancée le 19 juin 2013, sous l'égide des ministères chargés de la culture et de l'agriculture, la création de quatre Cités de la Gastronomie est la conséquence la plus visible de cette reconnaissance. Ces quatre équipements culturels innovants, reposant sur différents types de gouvernance et de modèles économiques, sont dédiés à la valorisation du repas gastronomique et chacun élabore et anime un « pôle moteur » dans des domaines spécifiques : Tours, dans le domaine des sciences humaines et sociales (Institut européen d'histoire et des cultures de l'alimentation-IEHCA), a inauguré en 2017 une première tranche de son projet : la Villa Rabelais, centre culturel dédié à la gastronomie ; Lyon développe la thématique « nutrition et santé » au sein de l'ancien Grand Hôtel-Dieu, réhabilité et inauguré en 2019 ; Dijon, comme pôle de référence pour la culture de la vigne et du vin, ouvrira à la fin de l'année 2021 ; Paris Rungis, privilégiant la valorisation d'une alimentation durable et d'une gastronomie responsable, prévoit l'ouverture de son premier site pour 2024, en bordure du Marché d'intérêt national de Rungis. Ce réseau est coordonné par la MFPCA, qui organise chaque semestre les « Rendez-vous du Réseau des Cités de la gastronomie », favorisant l'échange d'expertise et de bonnes pratiques et consolidant l'élaboration des programmes culturels, pédagogiques et scientifiques de chaque site. Ce réseau culturel pluridisciplinaire a pour objectif de sensibiliser le public à l'histoire, aux fonctions et valeurs de l'élément, ainsi qu'à la vitalité de ses expérimentations en France et dans le monde. À l'échelle nationale, les activités de la MFPCA dans la valorisation du repas gastronomique des Français sont relayées par le Club de la Table française, organisatrice du « Grand Dîner » célébrant le 10e anniversaire de l'inscription (février 2020), par l'agence Atout France et par l'IEHCA. Sous leur impulsion cumulée, les études et les publications, retraçant l'histoire de ce patrimoine d'exception et les savoir-faire spécifiques des agriculteurs, des vignerons, des cuisiniers, professionnels ou amateurs, se sont multipliées depuis la reconnaissance de l'élément. À l'initiative du ministère chargé de l'économie, la première « Fête de la Gastronomie », rendez-vous populaire annuel des professionnels, a été créée les 20 et 21 septembre 2011, comme l'une des mesures de sauvegarde du dossier d'inscription. Consacré aux acteurs et aux savoir-faire de la gastronomie, cet événement annuel propose durant trois jours des dégustations, banquets, pique-niques et ateliers dans un esprit de convivialité, de pédagogie, de partage et de fête. À l'initiative du ministère chargé des affaires étrangères, la première édition de « Good France / Goût de France », lancée le 21 mars 2015, célèbre chaque année la vitalité de la gastronomie française dans le monde entier, grâce au réseau des postes diplomatiques, qui mobilisent plus de 3 000 restaurants dans 150 pays. À l'invitation de ces postes, des universités étrangères, des agences internationales (Organisation des Nations unies pour pour l'éducation, la science et la culture, Organisation mondiale du tourisme, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, …) ou des Gouvernements, la MFPCA, par la voix de son président, Jean-Robert Pitte, a exposé les principes de la reconnaissance culturelle et patrimoniale du repas gastronomique des Français sur la scène internationale. Ses échanges réguliers avec le Japon ont accompagné les réflexions qui permirent l'inscription par l'UNESCO en 2013 du Washoku (traditions culinaires des Japonais). Depuis 2019, la « Fête de la Gastronomie », avancée au mois de mars et étendue à une semaine, a été réunie avec ce programme « Goût de France », mobilisant plus fortement au sein de son comité de pilotage, en plus des professionnels du secteur, les services concernés des ministères chargés des affaires étrangères, de l'agriculture, de la culture, de l'économie et de l'éducation nationale. Par ailleurs, le ministère chargé de la culture, à travers ses services et opérateurs, a soutenu la singularité de la gastronomie à la française, dans ses conséquences pour le tourisme culturel (par exemple, place des terroirs dans la convention-cadre relative au tourisme culturel signée lors du Comité interministériel du Tourisme du 19 janvier 2018 ; organisation de l'exposition « Les Enfants à table ! Quand l'art s'invite dans nos assiettes » de la Fondation Nestlé France, lors des Journées européennes du patrimoine 2019). Durant cette dernière décennie, l'un des phénomènes les plus sensibles a été l'affirmation, désormais forte et partagée, de la gastronomie, reflet des savoir-faire des producteurs et pratique sociale, comme un « patrimoine », là où prévalaient encore les « arts culinaires » durant les années 1980 et au début des années 1990. Alors que la gastronomie française figure parmi les principales représentations que l'opinion publique se fait de la culture, ce phénomène de patrimonialisation est aujourd'hui bien ancré. Les travaux de recherche sur le patrimoine gastronomique se sont nettement développés, à l'initiative de l'Institut européen d'histoire et des cultures de l'alimentation (IEHCA-Université de Tours), agence de développement scientifique, chargée de promouvoir une approche pluridisciplinaire de l'alimentation. Le ministère de la culture a soutenu en particulier chaque année son forum « Alimentation et Culture » et ses « Rencontres François Rabelais ». La direction régionale des affaires culturelles Centre-Val de Loire suit aussi avec grand intérêt l'évolution du projet de la Villa Rabelais, visant à doter la France d'un premier centre culturel entièrement dédié à la gastronomie, dont l'IEHCA s'est vu confier la responsabilité par la Ville de Tours et le Conseil régional Centre-Val de Loire. À l'échelle nationale, la reconnaissance du repas gastronomique comme Patrimoine culturel immatériel de l'humanité a aussi stimulé les travaux d'inventaire des savoir-faire et des pratiques agricoles, alimentaires, culinaires et gastronomiques, qui, d'année en année, sont plus nombreuses à rejoindre l'Inventaire national du patrimoine culturel immatériel, tenu par la direction générale des patrimoines et ouvrant droit à l'attribution, à leurs détenteurs, de l'emblème « Patrimoine culturel immatériel en France ». À l'international, depuis 2010, le dossier français a inspiré une vingtaine d'autres candidatures auprès de l'UNESCO dans le domaine des patrimoines alimentaires, culinaires et gastronomiques, dont les éléments sont aujourd'hui reconnus sur la Liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l'humanité, avec souvent pour point commun les mêmes angles de la dimension sociale et du partage. Cette reconnaissance a de fait affirmé, avec une force inédite et au-delà des frontières nationales, la dimension sociale, culturelle et patrimoniale de l'alimentation : les aspects culturels et éducatifs du patrimoine gastronomique européen ont fait l'objet d'une résolution du Parlement européen, le 12 mars 2014, sur le fondement d'un texte préparé par sa commission Culture, s'appuyant sur la double inscription de la Diète méditerranéenne (Italie) et du Repas gastronomique des Français (France), par l'UNESCO. Cette place spécifique de la gastronomie française dans le monde s'est d'ailleurs trouvée confortée, dès l'année suivante, au sein du pavillon France de l'Exposition universelle de Milan (« Nourrir la planète »). Enfin, les activités de valorisation passent aussi par la formation, en France, de chefs étrangers, qui transmettent, dans leur pays d'origine, les savoirs et savoir-faire ainsi acquis. Dix ans après l'inscription du repas gastronomique des Français au Patrimoine culturel immatériel de l'Humanité, une évaluation positive peut donc être faite du rayonnement de la cuisine française, en France comme à l'international, grâce à cette démarche menée alors et accompagnée sans interruption depuis, avec la coordination de la MFPCA. C'est d'ailleurs le sens que la direction générale des patrimoines donnera au « Rapport périodique » qu'elle devra constituer prochainement sur l'élément, afin de le transmettre réglementairement à l'UNESCO avant le 15 décembre 2021. Dans toutes ses dimensions, le repas gastronomique est d'abord entendu comme une source de plaisir et une invitation au partage ; c'est donc en faisant vivre ce rituel que les Français trouveront le goût de toujours mieux se nourrir au quotidien. Cette approche est toujours fragile et le travail de sensibilisation et de transmission, indispensable pour faire vivre cette reconnaissance, ne doit pas se relâcher. Il est ainsi souhaitable que le « Forum pour la gastronomie et l'alimentation durables », projeté à Paris début juin 2020, à l'initiative du Président de la République, et reporté d'une année en raison du contexte pandémique, place au cœur des échanges et des enjeux de son colloque international associé ce qui est d'abord une expression de la culture française.
Auteur : M. Didier Martin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 14 avril 2020
Réponse publiée le 8 septembre 2020