15ème législature

Question N° 28541
de M. Sébastien Nadot (Non inscrit - Haute-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > audiovisuel et communication

Titre > Crise du coronavirus et souveraineté française dans le cinéma et l'audiovisuel

Question publiée au JO le : 21/04/2020 page : 2882
Réponse publiée au JO le : 19/01/2021 page : 518
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Sébastien Nadot interroge M. le ministre de la culture sur la souveraineté culturelle française en matière de cinéma et d'audiovisuel. La France comme le reste du monde traverse une crise sans précédent à la fois sanitaire, économique et sociale, qui fragilise des millions de citoyens. Dans cette période de crise, plusieurs phénomènes interpellent concernant le cinéma et l'audiovisuel. Le succès des plateformes payantes d'abord, essentiellement américaines, grands vainqueurs de ce confinement forcé et qui échappent à l'impôt en France. Deuxième phénomène, les formidables succès d'audience des films français sur les chaînes nationales gratuites, preuve de la vivacité et de la nécessité de cette expression culturelle dans le cœur des spectateurs hexagonaux. À ce titre, le service public audiovisuel - à travers France Télévisions notamment - joue dans cette crise un rôle exemplaire de cohésion sociale et culturelle. Malheureusement, en ce moment, l'industrie du cinéma est entièrement sinistrée avec toutes ses salles fermées et ses tournages arrêtés. Un grave danger guette le troisième cinéma du monde, le cinéma français. Les premières réponses mises en place par le Centre national du cinéma sont pertinentes, et la demande unanime de la profession pour un fonds dédié à la survie d'une myriade de petites entreprises en danger l'est également. Mais l'inquiétude vient aussi de la possibilité de revente des catalogues d'œuvres cinématographiques françaises : Canal+, détenu par sa maison mère Vivendi, envisage de libérer sa fréquence hertzienne, au même moment où le chinois Tencent a préempté une partie du capital d'Universal Music - également filiale de Vivendi. La possibilité de revente de ce pilier central du cinéma français et de son catalogue à un opérateur étranger est désormais sur la table : Canal+ pourrait devenir chinois, ou américain. Quant aux plateformes, dans l'attente d'une loi audiovisuelle qui pourrait ne jamais voir le jour, elles vont pouvoir accentuer leurs avantages, à savoir des situations fiscales toujours plus favorables et un manque total d'obligations envers les pays et les citoyens qui les enrichissent. Les risques de se retrouver très vite face à une industrie culturelle nationale ayant perdu toute souveraineté sont très élevés. Aussi, il lui demande s'il ne pense pas qu'un décret interdisant la revente de catalogues d'œuvres cinématographiques françaises à un opérateur non-européen doit être édicté. Enfin, il souhaite savoir s'il ne serait pas urgent de transposer la directive européenne SMA, qui seule pourra permettre de faire contribuer les plateformes à la diversité culturelle, à la création indépendante dans les pays où elles proposent leurs services et tirent des ressources grâce aux Français.

Texte de la réponse

Les sociétés de production cinématographique et audiovisuelle génèrent, au fil de leurs productions, des catalogues d'œuvres constitués d'une part de l'ensemble matériel des supports des différentes œuvres et d'autre part de l'ensemble des droits qui leur sont associés. Le risque de montée en capital ou de rachat, par des entreprises ou des fonds d'investissement provenant d'États tiers à l'Union européenne, de sociétés françaises disposant d'un important catalogue d'œuvres existe. Des dispositifs protègent les biens culturels ou les actifs stratégiques, mais ni le régime de protection des biens culturels en vigueur, ni celui de contrôle des investissements étrangers ne permettent d'assurer une protection pleine et entière des catalogues français sous leurs aspects à la fois corporels et incorporels. Le Gouvernement envisage d'instaurer un dispositif de protection de ces éléments par voie législative. S'agissant de la transposition de la directive européenne 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (dite directive services de médias audiovisuels ou directive SMA), la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (DDADUE), adoptée par le Parlement le 18 novembre 2020 et promulguée le 3 décembre 2020, a habilité le Gouvernement à transposer la directive SMA par ordonnance et à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi pour procéder aux adaptations du droit existant rendues nécessaires par cette transposition. L'ordonnance du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (SMA) a ainsi étendu l'obligation de contribution au développement de la production, notamment indépendante, d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles aux services relevant de la compétence d'un autre État membre que la France. L'ordonnance poursuit ainsi deux objectifs : assurer la pérennité du système français de financement de la production, notamment indépendante, et garantir l'équité entre diffuseurs français et plateformes mondiales. Dans ce cadre, une phase intense de discussions avec l'ensemble des acteurs a été menée par le ministère de la culture au cours des derniers mois sur les critères du nouveau régime de contribution à la production d'œuvres européennes et françaises. Le projet de décret d'application relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) qui en résulte fixe un niveau d'ambition, avec 20 ou 25 % du chiffre d'affaires des plateformes réalisé en France qui devra être consacré à la production cinématographique et audiovisuelle. Une part substantielle de cette contribution devra par ailleurs être dédiée à des œuvres patrimoniales d'expression originale française et à la production indépendante. Ce projet de décret a été transmis pour avis au Conseil supérieur de l'audiovisuel et notifié à la Commission européenne au titre de la procédure prévue par la directive 2015/1535, le 18 décembre 2020.