15ème législature

Question N° 2855
de M. Laurent Garcia (Mouvement Démocrate et apparentés - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Cohésion des territoires
Ministère attributaire > Intérieur (Mme la ministre auprès du ministre d'État)

Rubrique > marchés publics

Titre > Recours au bail emphytéotique administratif

Question publiée au JO le : 14/11/2017 page : 5483
Réponse publiée au JO le : 05/06/2018 page : 4816
Date de changement d'attribution: 28/11/2017
Date de renouvellement: 20/03/2018

Texte de la question

M. Laurent Garcia attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur les conséquences de l'ordonnance n° 2005-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui a supprimé, depuis le 1er avril 2016, la possibilité pour les communes et les PME de recourir aux baux emphytéotiques administratifs (BEA) pour l'exécution de leurs travaux. Or le BEA s'est avéré pendant dix ans un outil particulièrement nécessaire pour la construction et la rénovation de maisons de retraite médicalisées et de bâtiments affectés aux services de sécurité (gendarmeries et services départementaux d'incendie et de secours). Aucun produit de substitution ne permet aux collectivités de compenser les restrictions posées sur l'usage du BEA : le marché de partenariat (beaucoup trop lourd et contraignant pour les collectivités territoriales et possible qu'au-dessus d'un seuil trop élevé) ne peut remplir cette fonction. En effet, les conditions du recours au marché de partenariat ont été aggravées par la mise en place d'une obligation complexe d'évaluation préalable difficile à réaliser : au moment de l'engagement de la procédure d'un marché de partenariat, il est quasi impossible à l'acheteur de démontrer que le recours à un tel contrat présentera un bilan plus favorable sur le plan financier que celui des autres modes de réalisation du projet puisque, à ce stade, l'acheteur n'a pas connaissance des offres de prix des entreprises. De plus, les seuils fixés pour recourir au marché de partenariat sont trop élevés ce qui pénalise les opérations plus modestes plus facilement accessibles aux PME. Il lui demande en conséquence s'il envisage de modifier l'article 1311-2 du code général des collectivités territoriales de façon à permettre aux acheteurs soumis à l'ordonnance n° 2005-899 du 23 juillet 2015 de recourir à nouveau au bail emphytéotique administratif sur un bien immobilier leur appartenant pour l'exécution de travaux ou l'entretien de leur parc immobilier.

Texte de la réponse

L'article 101 de l'ordonnance no 2015-899 relative aux marchés publics a modifié les dispositions des articles L. 2122-6 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), en disposant qu'une autorisation d'occupation du domaine public ainsi qu'un bail emphytéotique administratif (BEA) « ne peut avoir pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d'une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, pour le compte ou pour les besoins d'un acheteur soumis à l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou d'une autorité concédante. » En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, d'une part, distinguer les instruments d'occupation domaniale et les contrats de la commande publique, et d'autre part, prohiber explicitement toute utilisation du BEA en tant qu'instrument de la commande publique. Cette interdiction, qui vise également à lever une insécurité juridique, liée au risque de requalification du BEA en marché ou en délégation de service public, parachève une évolution, tant de la jurisprudence que du droit positif. Dans son arrêt du 10 juin 1994, Commune de Cabourg (n° 141633), le Conseil d'Etat avait notamment posé comme principe qu'un BEA adossé à un contrat de la commande publique (marché public, délégation de service public notamment) devait faire l'objet d'une publicité et d'une mise en concurrence préalables. L'article L. 1311-2 du CGCT, dans sa rédaction issue de la loi no 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI II), avait consacré cette interprétation en disposant que les BEA devaient faire l'objet de telles formalités « le cas échéant », c'est à dire chaque fois que le droit national ou le droit européen de la commande publique l'exigent. De même, par analogie avec la cession immobilière avec obligation pour l'acquéreur de réaliser des travaux, il est vraisemblable que même si l'on appliquait l'article L. 1311-2 du CGCT dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 23 juillet 2015 précitée, le juge administratif requalifierait un BEA en marché public si l'objet principal du contrat visait à la réalisation d'un ouvrage (par exemple, tribunal administratif de Montpellier, 21 septembre 2017, Association Les amis de Jean Moulin). Il n'est donc pas envisageable, à supposer que l'avantage économique sur le long terme soit établi, de modifier l'article L. 1311-2 du CGCT pour réintroduire, pour les communes, le droit de conclure des BEA pour l'exécution de travaux ou l'entretien de leur parc immobilier.