15ème législature

Question N° 28582
de M. Bastien Lachaud (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > culture

Titre > Situation des artistes-auteurs face au confinement

Question publiée au JO le : 21/04/2020 page : 2883
Réponse publiée au JO le : 01/12/2020 page : 8661
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Bastien Lachaud alerte M. le ministre de la culture sur la situation économique préoccupante des artistes-auteurs, confronté à la crise du coronavirus. La crise sanitaire du covid-19 se double d'un désastre économique pour de nombreux artistes-auteurs - qu'ils soient par exemple plasticiens, graphistes ou photographes - dont les revenus chutent voire disparaissent pour les mois de mars et d'avril 2020. Leur domaine, la création, est au cœur du secteur de la culture, qui pâtit de plein fouet de la situation. En même temps, elle est sa branche la plus précaire. Aussi, si la situation professionnelle des artistes-auteurs est détériorée, l'ensemble de la culture en souffre et y perd. Il est urgent de protéger au maximum ces hommes et ces femmes, pour eux d'abord, et pour les amateurs d'art ensuite. En temps normal, les artistes-auteurs ont déjà une situation précaire pour la majorité d'entre eux. L'un, habitant de la circonscription de M. le député, témoignait : « Lorsque nous ne gagnons rien (expositions, ventes, ateliers), nous ne gagnons rien. Aucune sécurité ». Même son de cloche chez cet artiste basé en Maine-et-Loire : « Nous n'avons pas de statut pour nous protéger ». Les artistes-auteurs n'ont pas de chômage ni de subventions pour les aider à vivre. C'est ce que constate le rapport Racine « L'auteur et l'acte de création » remis à M. le ministre de la culture en janvier 2020, qui reconnaît les difficultés des artistes-auteurs : « La mission relève ainsi un phénomène déjà ancien de fragilisation des conditions de vie et de création des artistes-auteurs, aggravé récemment par des facteurs conjoncturels, tandis que les artistes-auteurs demeurent insuffisamment organisés pour faire entendre leur voix et que les pouvoirs publics ne les prennent qu'imparfaitement en considération dans leurs politiques ». Avec le confinement, leur inquiétude quotidienne s'est accrue. L'artiste pantinois continue « quasiment toutes nos activités ont été annulées, et nos revenus avec. Nombre d'entre nous n'a pas d'autre revenu que celui d'artiste-auteur ». Même son de cloche chez son confrère, qui affirmait peu ou prou la même chose : « je n'ai pas d'activité artistique en cours, car suspendues, donc aucun revenu (ventes pendant les expositions, par exemple) jusqu'à nouvel ordre, c'est à dire la reprise du travail en intérim pour ce qui me concerne, ce qui veut dire aucune rentrée d'argent avant juillet ou août... Pour nous artistes plasticiens, tu es prof ou tu es pauvre ». À cause des difficultés à vivre pour les professionnels de ce domaine, plusieurs artistes cumulent ainsi deux emplois, même si cela n'est pas systématique comme il est rapporté plus haut, celui d'artiste et parfois celui de professeurs quand des postes se libèrent, ou à défaut des métiers « alimentaires » sans lien avec la culture. Actuellement donc, les institutions, entreprises et associations qui font travailler les artistes sont fermées, par respect des mesures sanitaires. Les musées et galeries d'art ne proposent plus d'expositions, les œuvres ne sont donc plus montrées, les vernissages ont été annulés, et il en va de même des concours organisés par les acteurs publics ainsi que des résidences d'artistes. Il est essentiel que le Gouvernement prenne en compte la spécificité de leur situation et propose des mesures qui répondent efficacement à leur absence brutale de revenus. Les aides proposées par le Gouvernement rejoignent dans leur immense majorité les aides économiques allouées aux autres secteurs. Il est possible par exemple pour un artiste de demander le report de ses cotisations sociales. Ils ont aussi accès au fonds national de solidarité d'un milliard d'euros. Mais la gestion de ce fonds demeure opaque. Ensuite, les conditions d'éligibilité de cette aide, les mêmes selon les différents secteurs, à défaut de précision contraire de M. le ministre de la culture, n'apparaissent pas adaptées à la situation des artistes-auteurs. En effet, cette aide est proposée aux « entrepreneurs et professions libérales qui font moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires ainsi qu'un bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 euros et qui subissent une fermeture administrative ou qui connaissent une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019 ». Les artistes-auteurs ne sont pas concernés par une fermeture de leur lieu de travail. Il faut noter cependant qu'à cause du confinement, il est de fait plus dur de justifier ses déplacements et donc de se rendre sans heurts sur son lieu de travail, c'est-à-dire l'atelier pour les artistes. L'autre condition, non cumulative, est la comparaison entre le chiffre d'affaires du mois de mars 2020 et celui de mars 2019. Elle ne prend pas en compte le fait que les revenus des artistes ne sont pas réguliers mensuellement, et qu'ils varient considérablement d'une année à l'autre. Il est possible qu'un artiste vende une pièce 10 000 euros en mars 2019, et rien en mars 2020, et inversement. Ainsi, cette comparaison est impropre à leur situation particulière, faite de revenus épisodiques soumis aux aléas des ventes. Il souhaite donc savoir comment le Gouvernement entend prendre en compte la situation particulière des artistes-auteurs - recul de la signature de contrats, recul des ventes par l'annulation d'expositions ou encore annulation d'intervention dans des établissements - dans le calcul des aides qui leur seront allouées via le fonds national de solidarité. Enfin, il souhaite savoir, de manière plus générale, comment la transparence de gestion de ce fonds sera garantie.

Texte de la réponse

Le ministère de la culture est sensible aux inquiétudes relatives à la situation des artistes auteurs dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19. Ceux-ci ont été particulièrement touchés dans leur activité de création. Les ventes et la diffusion d'œuvres ont considérablement chuté pendant le confinement et les revenus annexes, dont ceux liés à l'éducation artistique qui étaient essentiels pour bon nombre d'entre eux, ont disparu dès avant la période de confinement, supprimant tout filet économique de sécurité. La crise sanitaire est ainsi venue percuter un secteur fragile, déjà en proie à d'importantes difficultés sociales ayant donné lieu à l'annonce d'un plan d'action par le ministère de la culture, à la suite de la remise du rapport Racine le 18 février dernier. Sensible à leur situation, le Gouvernement a pris dès le début les mesures qui s'imposaient pour limiter les impacts sociaux de la crise sanitaire sur les artistes-auteurs. Ainsi, tous les artistes-auteurs, quel que soit leur statut ou leur secteur d'activité, sont bien éligibles au fonds de solidarité mis en place par l'État et les régions de mars a juin 2020. Les difficultés opérationnelles ont été levées, témoignant d'une bonne prise en compte par les services de l'État de leurs spécificités. Des mesures sectorielles, complémentaires et subsidiaires, ont été mises en place par les différents opérateurs nationaux, en lien avec le ministère de la culture, pour ceux ne pouvant avoir accès à la mesure générale. Le Président de la République, sur la proposition du ministère de la culture, a annoncé son souhait de renforcer les soutiens apportés aux artistes-auteurs : ainsi, le fonds de solidarité mis en place par l'État est pour ces derniers prolonge jusqu'a la fin de l'année 2020. Les artistes-auteurs bénéficieront également d'une mesure d'exonération de leurs cotisations sociales dues au titre de l'année 2020, pour un montant total évalué à une centaine de millions d'euros. Enfin, le projet de budget pour 2021 prévoit 2 millions d'euros de mesures nouvelles destinées à la mise en œuvre du plan artistes-auteurs, marquant la volonté du Gouvernement d'accompagner le premier maillon de la chaîne de création. Pour l'avenir, le ministère de la culture reste très mobilisé sur la situation des artistes auteurs et le Gouvernement veillera à ce qu'elle ne se dégrade pas, ce que le déploiement du plan de relance devrait permettre.