15ème législature

Question N° 29089
de M. Alexis Corbière (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > arts et spectacles

Titre > M. le ministre de la culture, il faut sauver le monde des arts et du spectacle

Question publiée au JO le : 05/05/2020 page : 3171
Réponse publiée au JO le : 26/01/2021 page : 674
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Alexis Corbière attire l'attention de M. le ministre de la culture sur les conséquences de la crise sanitaire et des mesures de confinement sur les artistes et le secteur culturel. Cette période est par ailleurs marquée par le besoin fort de divertissements, essentiels pour briser l'isolement, mais aussi et surtout du travail de celles et ceux qui, au moyen de l'art, interrogent le présent et forgent de nouveaux imaginaires. En raison de cette crise, on ne compte plus les évènements annulés ou repoussés. Le 28 avril 2020, devant l'Assemblée nationale, M. le Premier ministre a annoncé que les cinémas et les théâtres resteront fermés jusqu'au 2 juin 2020. Les autres évènements, tels que les festivals, sont quant à eux annulés jusqu'en septembre 2020. Les artistes de tous les champs, littéraire, théâtral, cinématographique, pictural, musical, sont placés en situation de grande précarité et s'inquiètent à juste titre pour leur avenir et celui de leur art. Ces difficultés valent pour toute la filière culturelle et ceux et celles qui y travaillent : salles de spectacle, librairies, galeries, certaines sociétés de distribution notamment. M. le député en est particulièrement inquiet dans sa circonscription où il est régulièrement interpellé. Les villes comme Montreuil et Bagnolet accordent en effet une place toute particulière à la création et à la diffusion du spectacle vivant comme à toutes les formes d'arts. Pour se faire le relais de nombreux témoignages qui lui sont parvenus, il souhaite attirer son attention sur plusieurs points. Conséquence directe du confinement, le « spectacle vivant » est aujourd'hui à l'arrêt, entraînant une catastrophe économique pour tous ceux qui participent de l'œuvre créatrice : artistes, techniciens, intermittents, constructeurs de décors, costumières mais aussi pour les personnels de service ou des entreprises de nettoyage. Ces salariés, indépendants ou précaires sont pour la plupart d'entre eux sans filet de sécurité. Dans l'impossibilité de travailler depuis le 14 mars 2020, tous sont placés dans l'incertitude quant à « l'après-crise » et à leur survie économique. Leurs conditions de vie dépendent entièrement du bon redémarrage du secteur culturel, pour lequel il n'est possible d'anticiper ni une date bien précise, ni les conditions. Les dates perdues ne se retrouveront pas à moins de les substituer à d'autres créations, les saisons des théâtres et salles de spectacles étant en très grande partie déjà bouclées. Pour les intermittents, même un report de leur date anniversaire n'éviterait pas des conséquences durables désastreuses. Plus encore qu'en temps « ordinaire », les librairies, notamment les plus modestes aux trésoreries fragiles, subissent les déflagrations de la crise du covid-19. À leur interruption complète d'activité s'ajoute la concurrence de grands groupes tels qu'Amazon, Netflix, la Fnac, qui profitent des fermetures pour augmenter leurs parts de marché, parfois au détriment de ceux qui y travaillent au risque de leur santé. Cela vaut aussi pour le secteur cinématographique, ses artistes et leurs films. C'est le cas du Méliès, à Montreuil et du Cin'Hoche à Bagnolet, tous deux cinémas publics dont les salles sont fermées depuis le 14 mars 2020. Comment réparer les dégâts des films bloqués dans leur sortie ? Le report de ces sorties risque de produire un écrasement des films d'art et d'essai français et internationaux par l'embouteillage des blockbusters, mettant en péril toute la chaîne du cinéma, particulièrement les plus audacieux. La donne est la même pour les théâtres, tels que « L'Échangeur » à Bagnolet ou encore le nouveau théâtre de Montreuil, centre dramatique national. Toutes ces difficultés s'ajoutent à celles préexistantes à la crise sanitaire qui se sont traduites par des mouvements de grève des intermittents, de l'Opéra de Paris et de bien d'autres composantes du secteur artistique et culturel. Or la richesse du monde des arts ne participe pas seulement du rayonnement du pays, sinon on pourrait se contenter de ce que M. le ministre appelle l'excellence, mais de l'ambition d'émancipation pour le peuple et d'invention d'imaginaires nouveaux dont on a tant besoin particulièrement aujourd'hui. Pour éviter l'effondrement de ce secteur, l'urgence commande des mesures ambitieuses à la hauteur des menaces qui pèsent sur ce secteur. Certaines mesures pourraient être prises dans l'immédiat telles que le décret d'une « année blanche » pour les intermittents du spectacle et leur indemnisation par l'Unedic sur la base de l'exercice précédent. Comme le propose Samuel Churin, de la Coordination des intermittents et précaires, ainsi que la CGT spectacles, les droits des intermittents doivent en effet être prolongés sur toute la période d'impossibilité de travailler, allongée d'un an. L'instauration d'une taxe au moins exceptionnelle, sur les bénéfices des industries culturelles et des GAFAM, dont les chiffres d'affaires ont bondi pendant le confinement, serait également une piste à explorer. Cette taxe serait un point d'appui majeur pour permettre la relance du secteur et le soutien aux artistes, dans le respect de leur autonomie intellectuelle et artistique et en ayant la préoccupation de l'irrigation de tout le territoire. D'une manière plus générale, la sortie de crise doit être l'occasion de replacer la création et l'invention au centre de la production culturelle. À cette fin, il est urgent d'affirmer les principes du service public de la culture comme fondement de la politique culturelle. Pour mener à bien cet objectif, il importe de restituer les moyens financiers publics, amputés ces dernières années, au budget national de la culture pour renforcer l'aide aux artistes. À une échelle plus locale, cette décision pourrait se traduire par l'élaboration de mesures d'encouragement pour les collectivités territoriales qui soutiendraient l'effort budgétaire en faveur du monde des arts. En effet, les collectivités locales sont les plus importants subventionneurs de l'activité artistique en France. Leur rôle dans « l'après-crise » et le redémarrage du secteur artistique et culturel est donc incontestable. Au vu des enjeux liés à ce dossier, il semble nécessaire qu'un échange direct soit ouvert entre les artistes, leurs coordinations, leurs collectifs, les syndicats, les élus locaux, le Gouvernement et tout acteur susceptible d'aider à la sauvegarde du monde des arts et des spectacles. Il devient urgent que le Gouvernement prenne les mesures à la hauteur de l'enjeu pour éviter la disparition des savoirs et de la richesse attachés à ce secteur. Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Texte de la réponse

Le monde culturel a été durement touché depuis le début de la pandémie avec l'arrêt total de toute activité de spectacle vivant pendant toute la durée du premier confinement, puis de nouveau depuis la fin du mois d'octobre 2020. Le retour de l'activité se fera de manière limitée et celui du public sera très progressif lorsque les conditions sanitaires seront réunies. Le Gouvernement a pris des mesures sectorielles et générales afin de compenser les pertes subies pour les artistes et les producteurs et diffuseurs, à la suite de l'arrêt d'activité. Près de 187 M€ ont été mobilisés par le ministère de la culture en 2020 pour soutenir les entreprises, compagnies, intermittents, artistes-auteurs touchés par la crise sanitaire sur le secteur de la création. Des fonds d'urgence ont été abondés à hauteur de 135 M€ pour soutenir les entreprises privées et compagnies non subventionnées du spectacle vivant musical et non musical. Le secteur subventionné a également bénéficié d'un soutien complémentaire à hauteur de 22 M€ en faveur des labels, réseaux et équipes les plus fragilisés par la crise. Par ailleurs, plus de 3 M€ d'aides d'urgence ont été versées en soutien aux artistes plasticiens et lieux d'exposition dans le domaine des arts visuels. Un dispositif d'aide a été mis en place à hauteur de 5 M€ pour effacer les encours de dettes de droits d'auteurs des entreprises de spectacle vivant en difficulté financière et permettre également de soutenir les artistes-auteurs fragilisés par la crise. Concernant plus spécifiquement les festivals, dont la majorité a dû faire l'objet d'annulations cet été, 10 M€ ont été mobilisés dans le cadre d'un fonds dédié pour soutenir financièrement près de 385 organisateurs de festivals annulés, reportés, ou devant faire face à des mesures de restrictions de jauge. Afin de tenir compte à la fois de la période d'arrêt de l'activité, mais également des conditions de reprise progressives, le Président de la République, sur proposition du ministère de la culture, a annoncé la prolongation des droits des intermittents jusqu'au 31 août 2021. 10 M€ ont été versés par le ministère pour abonder un fonds d'urgence spécifique (FUSSAT) géré par le Groupe Audiens afin d'aider les artistes et techniciens du spectacle vivant exclus du dispositif de l'année blanche accordée aux intermittents. Sur le plan fiscal, la taxe sur les spectacles n'est plus recouvrée depuis le 17 mars 2020 et le Gouvernement a porté au projet de loi de finances pour l'année 2021 un projet d'évolution des critères du crédit d'impôt spectacle vivant afin de faciliter les conditions d'accès au dispositif et ne pas pénaliser les producteurs. Les mécanismes de résolution financière de certains contrats en cas de force majeure, initiés pour une période allant du 12 mars au 15 septembre 2020 ont par ailleurs été redéployés : une ordonnance du 16 décembre 2020 permet à l'entrepreneur de spectacles vivant de proposer, en lieu et place du remboursement de toute somme versée et correspondant en tout ou partie au montant des billets, un avoir que le client pourra utiliser. Le ministère de la culture continue d'œuvrer aux côtés des professionnels pour les accompagner dans la reprise future de leurs activités malgré les contraintes sanitaires toujours très fortes et évolutives. Les fiches spécifiques de reprise d'activité exposent précisément les recommandations sanitaires qui découlent des contraintes liées à la pandémie et sont mises à jour régulièrement selon les évolutions réglementaires. Elles sont disponibles sur le site du ministère de la culture. Un travail interministériel est en cours afin d'anticiper les difficultés que pourraient rencontrer les intermittents du spectacle dont le niveau d'activité professionnelle aura été le plus altéré par les restrictions sanitaires à l'issue de l'année blanche. Dans le cadre des concertations avec les organisations représentatives du secteur qui se déroulent actuellement, les questions qui ont trait à l'emploi, aux droits sociaux et à la protection des artistes auteurs sont évoquées.