15ème législature

Question N° 29105
de Mme Valérie Boyer (Les Républicains - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > assurance maladie maternité

Titre > Utilisation des données de l'assurance maladie

Question publiée au JO le : 05/05/2020 page : 3213
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Question retirée le: 06/10/2020 (fin de mandat)

Texte de la question

Mme Valérie Boyer attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les solutions alternatives au traçage numérique ou « tracking » envisagé par le Gouvernement. En effet, ce traçage - qui consiste en un suivi des déplacements des Français grâce à l'aide des nouvelles technologies (portables, applications, GPS...) - soulève de nombreuses interrogations en termes de respect des libertés individuelles ou encore d'accessibilité à ces ressources technologiques. De plus, ce traçage a une portée limitée puisqu'il ne délivre que des informations purement géographiques. Enfin, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique lors de son audition au Sénat le lundi 20 avril 2020, la mise en place de ce traçage sera dépendante de nombreuses contraintes techniques et devra passer par des GAFAM tels que Google ou encore Apple. La France dispose pourtant de ressources incroyables afin de suivre l'évolution de l'épidémie en France, telles que les systèmes de l'assurance maladie. Ils représentent une base de données exhaustive avec des milliards d'informations. Le système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (Sniiram) contient plus de 10 milliards d'informations sur les prescriptions de médicaments, les consultations, les tarifs, les maladies. Toutes les feuilles de soins sont conservées au sein de ce système, ce qui représente au total 1,2 milliard de pages par an. Il contient « des données de consommation médicale qui concernent toute la population ». De plus, il est envisageable de recouper ces données avec d'autres fichiers tels que les fichiers hospitaliers ou encore les données de mortalité de l'Inserm. Cependant, l'accès à ces données reste très encadré et circonscrit à des cas très précis. Il s'agit d'un système unique au monde qui pourrait constituer un support très efficace afin de suivre l'évolution du covid-19 en France et d'éviter la résurgence des contaminations post-confinement, d'autant plus que ces données sont la propriété de l'assurance maladie et n'appartiennent ni à une entreprise ni aux GAFAM. À l'heure où le Gouvernement annonce la fin du confinement pour le 11 mai 2020, il semble nécessaire de mettre en place des stratégies claires sur différents sujets majeurs tels que les masques ou les tests. Premièrement, concernant les masques, il serait possible de les distribuer en officine, comme le réclame notamment la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), sur présentation de la carte vitale et de la carte d'identité, afin de suivre méticuleusement leur distribution au sein de la population française. Aujourd'hui il est nécessaire que les Français utilisent des masques afin d'appréhender sereinement la sortie du confinement. C'est notamment ce que réclament certains professionnels de la santé comme le professeur Philippe Juvin, chef du service d'urgences à l'hôpital Georges-Pompidou à Paris, et bon nombre de Français. Certains maires ont d'ailleurs réclamé que les masques soient obligatoires et organisent leur distribution dans les communes. Cependant, depuis le début de la crise, la France doit faire face à une grande pénurie de masques, une pénurie qui concerne les masques sanitaires - dont le personnel soignant manque cruellement - et qui les a très vite rendus inaccessibles à la population. En effet, début mars 2020, la réserve d'État ne contenait que 140 millions de masques chirurgicaux. Et si la France est aujourd'hui capable de fabriquer 8 millions de masques par semaine (le double d'avant la crise), elle reste toujours très dépendante des importations qui représentent 81 millions de masques par semaine pour couvrir les besoins des personnels de santé français. En parallèle, même si la France est parvenue à structurer une nouvelle filière de masques « alternatifs » ou « grand public » de 15 millions de masques par semaine d'ici la fin avril 2020, l'effort devra être poursuivi et amplifié dans les semaines à venir. C'est la raison pour laquelle, face à la pénurie, les collectivités locales se sont substituées à l'État à la fois pour les professionnels de santé, les établissements de santé, les professionnels du social et même les forces de l'ordre. Elles ont commandé et acheté sur leurs propres deniers des masques pour les distribuer à ces différents personnels. En parallèle, elles se sont lancées dans la confection et la commande de masques « alternatifs » ou « grand public », avec le soutien de nombre d'entreprises privées françaises dont il faut saluer la créativité, la réactivité et l'engagement. Ces masques ne présentent pas une protection identique à celle des masques FFP2 ni même chirurgicaux, mais ils sont fabriqués en suivant tout un référentiel de fabrication de masques à usage non sanitaire appelés « masques barrières ». Ils sont conformes aux normes de l'Association française de normalisation (AFNOR), notamment la norme AFNOR SPEC S76-001:20206, et agréés par la direction générale de l'armement (DGA). Compte tenu de la pénurie actuelle de masques FFP2 et chirurgicaux qui sont et seront dédiés aux professionnels de santé, il semble essentiel de permettre la distribution de ce dernier type de masques (« alternatifs ») par les pharmacies, d'autant plus que la France bénéficie d'un réseau de pharmacies d'officine exceptionnel avec des professionnels de santé hautement qualifiés. Ce réseau est dense : une pharmacie pour 2 500 habitants et près de 22 000 officines sur le territoire. Il s'agit de structures de proximité très fréquentées. Près de 6 millions de personnes en France franchissent chaque jour les portes de ces officines. C'est pourquoi les pharmacies sont les mieux placées pour distribuer ou vendre ces masques, alternatifs mais homologués (norme Afnor S76-001), à un prix déterminé par le Gouvernement, ou parfois mis à disposition par certaines collectivités. C'est un produit à vocation sanitaire qui permet de garantir la santé des Français et qui n'a donc pas vocation à être distribué par la grande distribution. Aujourd'hui, le seul fichier qui regroupe l'ensemble des assurés sociaux en France métropolitaine et dans les DOM-TOM est celui de l'assurance maladie. Toutes les personnes vivant en France disposent d'une carte vitale, soit en tant qu'assuré social soit en tant qu'ayant droit (comme les mineurs ou certains conjoints). La carte vitale est un document complet et précis qui comporte l'identité de l'assuré social (nom, prénom, date de naissance), souvent une photo ainsi que son numéro d'assuré social (le NIR). Elle permet aux professionnels de santé d'avoir accès aux données du patient pour des opérations de paiement. C'est d'ailleurs le paiement qui active la carte vitale (consultations, médicaments, actes...) même si l'assuré social ne débourse pas d'argent directement, soit parce que la prestation n'est pas payante, soit parce qu'il y a tiers payant. De cette façon, il serait possible de connaître précisément la distribution de masques via l'assurance maladie. Il est donc possible d'organiser et de suivre cette distribution de masques grâce aux cartes vitales sans créer un traçage onéreux via des GAFAM, qui pourrait être attentatoire aux libertés individuelles et à l'éthique. Deuxièmement, les tests de dépistage quant à eux sont déjà accessibles aux personnes sur présentation d'une prescription médicale délivrée à l'hôpital ou par un médecin en ville (ordonnance). Dans tous les cas, il y a une trace sur la carte vitale puisque ces tests sont payants et pris en charge par la sécurité sociale. Là aussi, la sortie du confinement sera intimement liée au dépistage des Français comme l'ont déclaré le Président de la République puis M. le Premier ministre. Le 25 mars 2020, Françoise Barré-Sinoussi, la nouvelle présidente du Comité analyse, recherche et expertise (Care), rappelait en effet que « les tests vont être importants en période de l'après confinement de façon à éviter le redémarrage d'une épidémie ». Là encore, la carte vitale est le moyen le plus sûr et le plus efficace afin de connaître la quantité de tests effectués, les personnes qui ont été dépistées et même pour les raccrocher à leur adresse (puisque l'adresse est reliée au numéro d'inscription au répertoire des personnes physiques, le NIR). L'utilisation des cartes vitales pourrait permettre l'élaboration d'une politique de santé publique de masse : suivre la distribution des masques sur le territoire et la réalisation de tests de dépistage sur la population. Troisièmement, s'agissant d'un éventuel traçage, la France doit rester éthique et souveraine avec la solution technologique mise en œuvre dont elle est déjà dotée : les fichiers de l'assurance maladie. Comme pour les masques, la clé d'entrée, si cette mesure était choisie, serait alors le numéro de sécurité sociale, qui permettrait de s'inscrire sur une application en liaison avec l'assurance maladie. Au traçage gouvernemental proactif, il serait préférable d'élaborer un traçage médical rétroactif qui ne serait pas opéré par une application ou une autorité gouvernementale. Les données seraient anonymisées et uniquement utilisables dans une perspective de santé publique, au même titre que les données médicales soumises aux articles L. 1111-7 et L. 1111-8 du code de la santé publique. De plus, ce « traçage » ne concernerait pas les actions futures. Une enquête serait ouverte tous les quinze jours précédant une contamination pour prévenir les personnes ayant pu croiser une personne infectée. Les données stockées seraient envoyées à l'assurance maladie avec alerte pour les personnes éventuellement contaminées. Cette base de données temporaire aurait une durée de vie légale limitée et devra être hébergée sur des serveurs extérieurs à l'État. Il s'agirait d'un réseau éthique indépendant des GAFAM ou autre prédateur des données de santé. Ce système existe déjà, c'est l'assurance maladie, le modèle français. Ces ressources pourraient permettre de conduire des actions de santé publique dans l'intérêt de tous. Seule l'assurance maladie assure la précision des informations, le caractère anonyme de l'utilisation de ces données ainsi que l'indépendance sanitaire de la France. En effet, elle est en capacité de ne pas passer par les GAFAM puisque l'assurance maladie est propriétaire de ces informations et ne les a jamais diffusées ni vendues. Aussi, elle aimerait savoir ce que le Gouvernement envisage de faire afin de suivre l'évolution de l'épidémie en France et s'il serait possible d'utiliser les données de l'assurance maladie.

Texte de la réponse