15ème législature

Question N° 29136
de Mme Agnès Thill (Non inscrit - Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > élus

Titre > Responsabilité des élus lors de la réouverture des établissements scolaires

Question publiée au JO le : 05/05/2020 page : 3169
Réponse publiée au JO le : 11/08/2020 page : 5448
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Agnès Thill interroge Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la responsabilité des élus locaux dans la réouverture de tout ou partie des classes de leurs écoles. En effet, la question se pose de l'éventuelle mise en cause de la responsabilité des décideurs locaux au cas où, à la faveur des réouvertures de classes, de nouveaux cas d'infection viendraient à se déclarer parmi les enfants fréquentant les établissements concernés, pouvant aller jusqu'à entraîner des décès. Il est imaginable que des recours indemnitaires soient intentés contre les communes et intercommunalités responsables, voire des recours en vue d'engager la responsabilité pénale de ceux qui auront permis la fréquentation des écoles concernées en décidant de les rouvrir, même s'il sera difficile de démontrer que l'infection aura effectivement eu lieu dans un établissement scolaire concerné par une décision de réouverture. Les questions de responsabilité pénale des élus dans des affaires de ce genre devraient être évaluées sur la base de la grille d'analyse issue de la loi Fauchon du 10 juillet 2000. Cette loi qui a modifié l'article 121-3 du code pénal pour y ajouter que « les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ». De nombreux maires s'inquiètent de ce que la responsabilité des réouvertures de classes leur soit ainsi transmise dans une période où c'est traditionnellement l'État qui intervient pour donner des directives permettant d'assurer la sécurité sanitaire des citoyens. Par conséquent, Mme la députée désire savoir si leur responsabilité pourrait être engagée dans des cas tels que celui évoqué ci-dessus. Dans l'affirmative, elle demande dans quelle mesure une protection particulière de l'État pourrait être mise en œuvre à leur intention afin de ne pas faire peser une charge supplémentaire sur les élus.

Texte de la réponse

L'ouverture ou la fermeture d'une école relève de la compétence de l'Etat et des autorités académiques. A cet égard, le protocole relatif à la réouverture et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires, diffusé dès le début du déconfinement par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, précisait les modalités pratiques de réouverture et de fonctionnement des écoles après la période de confinement, dans le respect des prescriptions émises par les autorités sanitaires. Le respect de ce protocole permettait ainsi la réouverture des écoles sans risque pour la santé et la sécurité des élèves et des personnels. La maire a, d'une part, en tant que gestionnaire, la responsabilité de mettre en œuvre, pour ce qui le concerne, le protocole diffusé par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. D'autre part, en tant qu'autorité chargée de l'ordre public sur le territoire de sa commune, il lui revient de décider de la fermeture d'une école du fait du risque pour la sécurité sanitaire des élèves sur le fondement de son pouvoir de police administrative générale qu'il tire de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il démontrerait, par le biais de justifications étayées et dûment documentées, l'existence de circonstances locales rendant impossible le respect des règles sanitaires définies dans le protocole sanitaire. Dans l'hypothèse où la responsabilité administrative d'une commune serait recherchée du fait de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, celle-ci ne pourrait être engagée qu'en cas de faute. En l'espèce, et sous réserve de l'appréciation du juge administratif, une telle faute du maire ne semble pas pouvoir être établie dès lors que les recommandations sanitaires, telles que précisées par l'État, ont été mises en œuvre. En outre, en ce qui concerne la responsabilité pénale du maire à qui l'on reprocherait d'avoir commis une infraction non intentionnelle, telle que l'homicide involontaire, celle-ci ne peut être engagée, en application de l'article 121-3 du code pénal, qu'en cas de faute d'une certaine gravité. Il doit ainsi être démontré que le maire a, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer. De plus, afin de tenir compte des préoccupations des élus locaux du fait de leur rôle important dans la mise en œuvre du déconfinement, l'article L. 3136-2 du code de la santé publique, issu de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, prévoit que « l'article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l'auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l'état d'urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu'autorité locale ou employeur ». Ainsi, et sous réserve de l'appréciation du juge pénal, la responsabilité pénale d'un maire qui a respecté les recommandations sanitaires disponibles au jour de l'ouverture d'une école n'apparaît pas pouvoir être engagée. Enfin, afin d'accompagner les élus locaux dans la mise en œuvre du déconfinement, les préfets ont été invités, en lien avec les autorités académiques, à engager un dialogue avec les maires pour évaluer précisément les besoins et les difficultés locales en matière d'accueil des élèves. L'objectif est de rechercher un accord systématique entre les élus locaux gestionnaires d'établissements scolaires et les services de l'État, tout en garantissant la réouverture des écoles dans les meilleures conditions sanitaires possibles.