15ème législature

Question N° 29506
de Mme Marie-France Lorho (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > traités et conventions

Titre > Accord conclu entre l'Union européenne et le Mexique

Question publiée au JO le : 12/05/2020 page : 3331
Réponse publiée au JO le : 03/08/2021 page : 6213
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les conséquences dans le monde agricole de l'accord conclu entre l'Union européenne et le Mexique le 28 avril 2020. L'accord conclu entre l'Union européenne et le Mexique va engendrer une exemption des droits de douane dans le cadre des échanges de biens et notamment de produits agricoles. De nombreux acteurs de la filière agricole française se sont interrogés sur le bienfondé de l'ouverture du marché européen à 20 000 tonnes de viandes bovines mexicaines non conformes aux normes particulièrement strictes imposées par l'UE et dont les droits de douane seraient extrêmement réduits. Comme de coutume, les agriculteurs français risquent de se voir opposer une concurrence étrangère déloyale. Cet accord, qui n'en est pas au stade de l'adoption, semble contredire les propos d'Emmanuel Macron, qui déclarait récemment au Financial Times que « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, à d'autres, est une folie ». Dans cette perspective, elle lui demande quelle position il compte adopter pour défendre les agriculteurs français dont la production est ici concurrencée de manière déloyale par un accord européen.

Texte de la réponse

La modernisation de l'accord d'association Union européenne-Mexique, en vigueur depuis 2000, a été engagée en 2016 et conclue politiquement en 2018. L'objectif de cette modernisation est notamment de rendre l'accord plus conforme à notre vision actuelle des relations commerciales internationales. Cette version modernisée permettra notamment de renforcer les garanties données à nos entreprises en termes de protection de la propriété intellectuelle. Elle permettra également d'obtenir un engagement, à la demande de la France, sur le respect effectif de l'Accord de Paris, car il est indispensable aujourd'hui que notre politique commerciale soit alignée sur notre engagement climatique, et d'inclure des dispositions novatrices en matière de lutte contre la corruption et de protection des investissements européens. Les principaux paramètres de l'accord ont été publiés peu après la fin des négociations en avril 2018. D'un point de vue commercial, nous échangeons pour près de six milliards d'euros de biens par an avec le Mexique, avec un excédent commercial de plus d'un milliard d'euros en 2019. La modernisation de l'accord va nous permettre de renforcer ces échanges et de parvenir à une plus grande ouverture des marchés publics mexicains à nos entreprises. Au total, l'équilibre de l'accord est positif pour l'économie française et ne fait pas peser de risque significatif sur nos secteurs sensibles. Dans le domaine agricole, nous avons attaché une importance particulière à la protection des filières sensibles dont nous connaissons les difficultés. S'agissant de la viande bovine, l'accord ouvrira, à terme, un quota à droits réduits (7,5%) de 10 000 tonnes de bœuf et 10 000 tonnes d'abats, à comparer à une consommation européenne de 8 millions de tonnes par an. Ces volumes ne paraissent pas de nature à déstabiliser nos filières. En tout état de cause, nous disposerons d'une clause de sauvegarde : nous pourrons suspendre les importations préférentielles en provenance du Mexique en cas de hausse soudaine des flux mettant en danger nos producteurs et destabilisant le marché européen. La modernisation de l'accord ouvrira également d'importants débouchés pour les produits agricoles et agroalimentaires français en supprimant notamment les droits de douanes mexicains : pour le bœuf (30 000 T à droit nul contre des droits de douane de 20-25% en vigueur), pour le poulet à haute valeur ajoutée (20 000 T à droit nul pour les cuisses, libéralisation complète pour le reste, contre entre 45% et 75% de droits avant la modernisation) ; pour le porc (10 000 T à droit nul pour les filets, libéralisation complète pour le reste contre 20% de droits avant la modernisation) ; pour les pâtes (jusqu'à 20% avant la modernisation) ou encore les fromages bleus (jusqu'à 20% avant la modernisation). Par ailleurs, les fromages affinés (jusqu'à 45% des droits de douane aujourd'hui) seront exemptés de droits jusqu'à 20 000 T, et jusqu'à 5 000 T pour les fromages frais et transformés. Le commerce des vins et spiritueux sera également facilité. En outre, 340 indications géographiques européennes supplémentaires dont 75 françaises (comté, morbier, etc.) seront désormais protégées au Mexique. La modernisation de l'accord peut également être jugée satisfaisante en matière sanitaire et phytosanitaire. Aucun produit non-conforme aux règles européennes n'est autorisé à l'importation sur le marché européen, avant ou après cet accord. Si le Mexique n'exporte pas de viande bovine vers l'UE aujourd'hui, c'est parce qu'il ne dispose pas d'une filière de production de viande bovine sans hormones reconnue par l'UE et permettant d'exporter vers l'UE. L'accord ne changera rien à cet égard : les produits du Mexique, comme tous les produits importés dans l'UE, doivent déjà et devront continuer à respecter les normes européennes, notamment l'absence d'utilisation d'hormones de croissance. À partir de janvier 2022, les conditions d'élevage des animaux à l'origine des denrées alimentaires devront respecter les mêmes contraintes en matière d'usage d'antibiotiques que les animaux élevés dans l'UE. La France s'attache à ce que la nouvelle politique commerciale européenne serve de levier pour promouvoir un commerce responsable, durable et équilibré, en accord avec ses engagements sociaux, climatiques et environnementaux. En matière agricole, cela passe notamment par la mise en œuvre de nouvelles mesures "miroir" par l'UE dans sa réglementation agricole, sanitaire et environnementale, pour imposer leur respect par les filières exportatrices vers l'UE.  La France sera particulièrement vigilante à la bonne mise en oeuvre de l'accord UE-Mexique modernisé une fois celui-ci entré en vigueur, notamment en matière agricole. Le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, lors de son entretien du 22 mars 2021 avec la ministre mexicaine de l'économie, a ainsi tout particulièrement souligné l'importance de respecter les engagements pris en matière de protection de l'environnement, de développement durable et de respect des normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l'UE.