Rubrique > justice
Titre > Mise en œuvre DataJust
Mme Josiane Corneloup attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la publication au Journal officiel d'un décret posant les bases de la justice prédictive en matière de dommages corporels. Ce texte publié le 29 mars 2020 suscite beaucoup d'inquiétudes pour de nombreux juristes. Son objet, tel que décrit par l'article 1, est de permettre au ministère de la justice de concevoir un algorithme appelé DataJust sur la base des décisions rendues en matière de préjudice corporel par les cours d'appel et les cours administratives d'appel entre 2017 et 2019. On y voit quatre objectifs, à savoir procéder à des évaluations rétrospectives et prospectives des politiques publiques en matière de responsabilité civile ou administrative ; élaborer un référentiel indicatif d'indemnisation des préjudices corporels ; informer les parties pour favoriser un règlement amiable des litiges et informer les juges amenés à statuer sur ce type de contentieux. Or le projet initial de décret s'orientait dans deux directions, permettant une aide à la recherche afin de trouver les décisions les plus pertinentes et un référentiel sur le préjudice corporel à destination des victimes. Avec une telle rédaction, le décret n'autorise pas le référentiel mais la conception de l'algorithme. C'est un problème qui est source de nombreuses inquiétudes et questions. Ce décret suscite alors deux questions, la première est de savoir si l'on fait usage du numérique dans un objectif de qualité ou s'il s'agit de gérer la pénurie de moyens. La deuxième interroge sur la place de l'avocat dans le dispositif, car derrière la création d'un référentiel grâce à l'intelligence artificielle se profile la possibilité pour les compagnies d'assurance d'invoquer le barème pour régler les dossiers hors de tout processus judiciaire, autrement dit la déjudiciarisation. C'est d'ailleurs l'objectif poursuivi et il est précisé dans les quelques lignes de présentation du décret qu'il a notamment pour finalité « l'information des parties et l'aide à l'évaluation du montant de l'indemnisation à laquelle les victimes peuvent prétendre afin de favoriser un règlement amiable des litiges ». Or il faut rappeler que la Cour de cassation a réaffirmé le monopole de l'avocat dans la phase précontentieuse de la liquidation des préjudices corporels, un algorithme pourrait se substituer aux conseils d'un avocat. L'une des difficultés réside également dans le fait que cela va accentuer l'effet barème. On va se retrouver avec des moyennes, des écarts-type sans plus pouvoir traiter les cas exceptionnels qui nécessitent l'intervention d'un avocat. Nombreux sont les juristes qui affirment que les décisions de préjudice corporel sont très complexes. Même entre spécialistes, ils ont parfois du mal à les comprendre. Par ailleurs, il est annoncé que ce système va se fonder sur les décisions judiciaires et administratives, le problème c'est qu'elles n'utilisent pas nécessairement les mêmes références ni le même vocabulaire. En d'autres termes, la comparaison va être impossible ! En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer comment sera mis en place ce barème en matière de réparation des préjudices corporels, sur quelles bases. Elle la prie également de bien vouloir lui donner son avis sur la création d'un fichier comportant des données personnelles hors le cadre du RGPD.