Question écrite n° 29645 :
Référentiels sectoriels RSE dans les appels d'offres

15e Législature

Question de : Mme Stéphanie Kerbarh
Seine-Maritime (9e circonscription) - La République en Marche

Mme Stéphanie Kerbarh attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les enjeux liés aux référentiels sectoriels de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans le cadre des appels d'offres des marchés publics et privés. En effet, depuis 2008, la branche professionnelle des métiers de la propreté mène un véritable programme d'accompagnement des entreprises dans leur engagement RSE. 465 entreprises qui emploient 350 000 salariés ont ainsi été accompagnées pour mettre en place leur démarche. Or la RSE est une condition importante de différenciation pour l'attribution des marchés mais qui reste, souvent, non suivie lors de la réalisation de la prestation et aucune contrepartie sur les prix de vente n'est observée, décourageant ainsi les efforts entrepris. Ainsi, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement est prêt à prendre en compte les enjeux RSE sectoriels dans les critères RSE fixés dans les appels d'offres des marchés publics et privés et à encourager les systèmes d'évaluation des entreprises en s'appuyant sur ces mêmes référentiels sectoriels portés par les branches professionnelles et partagés avec leurs parties prenantes.

Réponse publiée le 9 mars 2021

Au niveau national comme européen, les entreprises sont encouragées à prendre davantage en considération les effets de leur activité sur la société en intégrant volontairement les préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités et leurs relations avec leurs parties prenantes. La France s'est progressivement dotée d'un cadre législatif et réglementaire en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) reposant notamment sur un dispositif de reporting extra financier des entreprises. La loi PACTE du 22 mai 2019 a encore renforcé la RSE en prévoyant que toute société doit être gérée dans son intérêt social en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité et en introduisant la possibilité pour une société de préciser sa raison d'être ainsi qu'un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qu'elle se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité. Parallèlement, la plateforme nationale d'actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises réunit depuis 2013 un large éventail de parties prenantes (entreprises, partenaires sociaux, organisations de la société civile, réseaux d'acteurs, chercheurs et institutions publiques). Elle constitue une plateforme nationale de dialogue et de construction de propositions qui entend notamment promouvoir la RSE tant à travers les politiques publiques qu'à travers le soutien aux initiatives volontaires des acteurs privés, valoriser les pratiques exemplaires et favoriser la concertation des parties prenantes en amont et en appui aux négociations de normes internationales. Afin de mobilier et encourager les entreprises dans leurs démarches de responsabilité sociétale, pour étayer son diagnostic et formuler des propositions, la plateforme a en particulier lancé une expérimentation de labels sectoriels adaptés aux très petites entreprises, aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire. Dans ce cadre, les donneurs d'ordres privés disposent d'une grande liberté d'initiative et d'action pour prendre en compte, le cas échéant en s'appuyant sur ces travaux, les enjeux relevant de la RSE dans leurs appels d'offres. Les possibilités en la matière pour les acheteurs publics font pour leur part l'objet d'un encadrement plus contraint. La directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, transposée au travers du code de la commande publique, impose que les spécifications techniques (article 42) et les critères d'attributions (article 67) soient liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. De même, les critères de candidature en matière sociale et environnementale fixés par l'acheteur et auxquels les opérateurs économiques doivent satisfaire ne peuvent concerner que leur capacité à exécuter correctement le marché ou viser à vérifier qu'ils respectent les législations fiscales et sociales qui leur sont applicables. Le second alinéa du considérant (97) de cette directive précise ainsi que « (…) la condition de l'existence d'un lien avec l'objet du marché exclut les critères et conditions relatifs à la politique générale de l'entreprise, qui ne peuvent être considérés comme un élément caractérisant le processus spécifique de production ou de fourniture des travaux, produits ou services achetés. Les pouvoirs adjudicateurs ne devraient dès lors pas être autorisés à exiger des soumissionnaires qu'ils aient mis en place une politique particulière de responsabilité sociale ou environnementale de l'entreprise. ». Un acheteur ne peut donc prévoir, pour attribuer un marché public, un critère portant sur la politique générale des entreprises en matière de RSE. Le Conseil d'Etat a ainsi jugé qu'il n'est pas possible d'utiliser un critère relatif à la politique générale de l'entreprise en matière sociale, apprécié au regard de l'ensemble de son activité et indistinctement applicable à l'ensemble des marchés de l'acheteur, indépendamment de l'objet ou des conditions d'exécution propres au marché en cause (CE, 25 mai 2018, n° 417580). Le code de la commande publique permet toutefois de prendre en considération les objectifs de RSE. L'article L. 2111-1 du code de la commande publique impose en effet à l'acheteur, lorsqu'il détermine la nature et l'étendue de ses besoins, de prendre en compte « les objectifs de développement durable dans leur dimension économique, sociale et environnementale ». Il peut dès lors recourir à des critères portant sur des considérations sociales et environnementales, pour autant qu'il soit en mesure de justifier du lien entre ces critères et l'objet du marché. Le Conseil d'Etat a ainsi précisé, dans l'arrêt précité, que « l'acheteur peut, pour sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse, mettre en œuvre des critères comprenant des aspects sociaux, […] à la condition, notamment, qu'ils soient liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution ; qu'à cet égard, des critères à caractère social, relatifs notamment à l'emploi, aux conditions de travail ou à l'insertion professionnelle des personnes en difficulté, peuvent concerner toutes les activités des entreprises soumissionnaires, pour autant qu'elles concourent à la réalisation des prestations prévues par le marché »  Enfin, à noter que l'article 15 du projet de loi Climat et Résilience, issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, impose aux acheteurs publics de prendre en compte les considérations liées aux aspects environnementaux dans les critères de choix des offres et dans les conditions d'exécution des marchés, en l'étendant aux clauses des marchés. Ainsi les objectifs environnementaux seront obligatoirement pris en considération à tous les stades de la vie d'un marché : au moment de la préparation du marché et de l'expression des besoins, au moment du choix de l'offre et au moment de l'exécution du contrat. Le nouveau plan national d'action pour les achats publics durables, pour la période 2021-2025, qui sera adopté en début d'année prochaine, permettra d'intégrer plusieurs propositions de la Convention citoyenne et surtout de donner aux acheteurs les moyens de remplir les obligations rappelées ci-dessus. Les Cahiers des clauses administratives générales vont prochainement être révisés afin d'inciter davantage les acteurs à intégrer des clauses sociales et environnementales.  

Données clés

Auteur : Mme Stéphanie Kerbarh

Type de question : Question écrite

Rubrique : Marchés publics

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie, finances et relance

Dates :
Question publiée le 19 mai 2020
Réponse publiée le 9 mars 2021

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