15ème législature

Question N° 30176
de Mme Caroline Janvier (La République en Marche - Loiret )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé (M. Taquet)
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > enfants

Titre > Disparitions d'enfants

Question publiée au JO le : 09/06/2020 page : 3965
Réponse publiée au JO le : 29/09/2020 page : 6707
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Caroline Janvier interroge M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé sur la problématique des disparitions d'enfant en France et sur les moyens apportés aux différentes structures compétentes pour éclaircir de façon croissante ces disparitions inquiétantes. Près de 51 000 enfants ont en effet disparu au cours de l'année 2019, à un rythme moyen d'une disparition toutes les dix minutes, soit 144 enfants par jour, et plusieurs milliers de ces disparitions n'ont à ce jour pas été résolues. Le phénomène des disparitions d'enfant, particulièrement médiatisé il y a quelques décennies, est aujourd'hui moins connu du grand public, ce qui limite l'efficacité des recherches. Elle interroge ainsi M. le secrétaire d'État sur le renforcement des moyens mis en œuvre afin de retrouver le tiers d'enfants dont la disparition n'est jamais résolue et d'accélérer la résolution du second tiers d'enfants, retrouvés quant à eux en l'espace d'un trimestre. Elle l'interroge également sur l'éventualité d'une campagne de communication destinée à faire connaître le 116 000, numéro européen destiné à ces disparitions d'enfants, dans le cadre éventuel d'une campagne de communication plus large portant sur l'ensemble des numéros utiles au grand public (disparitions d'enfants mais également violences intrafamiliales ou encore enfants maltraités).

Texte de la réponse

A titre liminaire, il doit être précisé en premier lieu que le volume des disparitions de personnes est mesuré par les forces de l'ordre au regard des inscriptions au fichier des personnes recherchées (FPR), puisque tout signalement (qu'il fasse l'objet d'une procédure administrative ou judiciaire) y est inscrit, selon diverses catégories (fugues de mineurs, évasions d'aliénés, enlèvements parentaux et détournements de mineurs, risques suicidaires, personnes susceptibles d'être victimes d'un crime ou d'un délit). En second lieu, s'agissant du chiffre de « près de 51 000 » enfants disparus en 2019 évoqué dans la question écrite et du fait que « plusieurs milliers de ces disparitions n'ont à ce jour pas été résolues », il convient de préciser que les éléments statistiques du ministère de l'intérieur permettent d'établir que 51 287 signalements de disparition de mineur ont bien été effectués en 2019 auprès des services de la police nationale (75 %) ou de la gendarmerie nationale (25 %). Toutefois, ces chiffres reflètent des situations de disparition très diverses et les éléments évoqués dans la question écrite en matière d'élucidation apparaissent erronés. Parmi ces signalements, 49 846, soit 97 %, sont relatifs à des fugues (dont 14 000 à 15 000 sont en cours à l'instant T). Le chiffre de 49 846 correspond au cumul des signalements effectués dans l'année, dont certains peuvent être liés au même mineur (exemple : fugues à répétition de mineurs placés en foyer). Ainsi, un individu ayant fugué une fois par mois peut être comptabilisé 12 fois. La quasi totalité de ces faits est résolue très rapidement. Parmi les disparitions enregistrées en 2019, 522 sont liées à l'action d'un parent, laquelle, sauf éléments contraires relevés au moment du signalement ou au cours de l'enquête, ne porte a priori pas atteinte à l'intégrité de l'enfant, mais aux droits de l'autre parent. Moins de 2 % des faits (918) sont des disparitions de mineurs particulièrement inquiétantes dans la mesure où est suspecté un risque immédiat pour l'intégrité physique, soit parce qu'il présente des intentions suicidaires (266 cas), soit parce qu'il est susceptible d'être victime d'un crime ou d'un délit (652). Ces éléments sont appréciés par l'enquêteur qui prend la déclaration de disparition, sous le contrôle du parquet. Environ 1 %, soit entre 2 et 10 de ces affaires à caractère criminel, reste non résolu dans l'année, mais peut être élucidé l'année suivante. Elles font systématiquement l'objet d'une enquête. Le dispositif juridique de traitement des disparitions est composé d'un cadre issu de l'article 26 de la loi n° 95-75 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, organisant une procédure administrative s'appliquant aux mineurs (mais aussi aux majeurs protégés ou aux majeurs) dont les services de police et de gendarmerie estiment que la disparition présente un caractère inquiétant ou suspect. Ce dispositif, impliquant notamment un avis au parquet et une inscription au fichier des personnes recherchées, est moins utilisé depuis la création d'un nouveau cadre juridique d'enquête en 2002. En effet, la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a instauré un cadre permettant une enquête de police judiciaire en cas de disparition inquiétante (articles 74-1 et 80-4 du code de procédure pénale). La disparition d'un mineur est donc systématiquement considérée comme inquiétante. Tous les moyens de l'enquête judiciaire peuvent être mis en œuvre pour la recherche du disparu. À tout moment de cette procédure, si des éléments laissant présumer que la disparition résulte effectivement d'un crime ou d'un délit apparaissent, le cadre judiciaire de droit commun (enquête de flagrance, enquête préliminaire ou information judiciaire) doit être adopté. Des moyens importants et spécialisés sont mis en œuvre par les forces de l'ordre en matière de recherche des mineurs disparus. Pour ce qui concerne la police nationale, les signalements des disparitions de mineurs sont généralement recueillis par les commissariats. En fonction des circonstances, un service territorial spécialisé, de sécurité publique ou de police judiciaire, peut être saisi par le parquet. Lors de la déclaration au commissariat, un processus rigoureux de questionnement est utilisé par le policier afin de cerner le caractère de la disparition et de recueillir le maximum d'informations utiles aux recherches. Par ailleurs, les services territoriaux de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) proposent un soutien psychologique en portant à la connaissance de la famille les coordonnées des associations d'aide aux victimes spécialisées et le cas échéant du psychologue ou de l'intervenant social en poste au commissariat. La sécurité publique prend en compte la détresse des proches et y répond par un réel soutien dès la réception de la déclaration de disparition et par une information régulière sur le déroulement des investigations. Un lien permanent est mis en place avec les services enquêteurs et une information régulière sur l'évolution de l'enquête est apportée. Le correspondant « aide aux victimes » est généralement l'interlocuteur privilégié des familles et des associations. Il les tient informées de l'évolution des recherches. Dès la création en 2004, de « SOS Enfants disparus », la direction centrale de la sécurité publique attirait l'attention de ses services sur l'existence de ce numéro azur, et l'importance à accorder à tout signalement de disparition de mineurs. En 2009, la DCSP déclinait par note de service (NDS n° 77 du 9 juin 2009) la convention-cadre du 20 mai 2009, dont le ministère de l'intérieur était signataire, relative à la mise en place du numéro d'appel européen « 116 000 », s'engageant à soutenir la diffusion de ce numéro gratuit. Depuis, l'affiche du « 116 000 » est apposée à l'accueil des commissariats de police. Au niveau central, l'office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) a repris, à sa création en 2006, les missions dévolues antérieurement à l'office central chargé des disparitions inquiétantes de personnes. L'OCRVP est notamment chargé de certaines recherches concernant des personnes majeures et mineures disparues dans des conditions inquiétantes, quelle que soit la cause de la disparition, mais également des diligences à réaliser au regard des découvertes de cadavres non identifiés. Il est par ailleurs compétent en matière d'enlèvements et séquestrations. Dans ces domaines, l'office a pour mission d'animer et de coordonner, à l'échelon national et au plan opérationnel, les investigations entrant dans son champ de compétence. L'OCRVP représente la France dans les instances internationales dédiées aux disparitions de personnes, notamment au sein du réseau d'experts policiers reconnu par le conseil de l'Union européenne. Cet office comprend plusieurs groupes spécialisés, notamment un groupe chargé d'enquêtes judiciaires en matière de disparitions inquiétantes, saisi régulièrement d'affaires complexes ou anciennes non résolues, le plus souvent en co-saisine avec les services territoriaux de la DCPJ ou avec des services de la gendarmerie nationale. Des dispositifs d'aide à l'enquête de l'ensemble des services de police et gendarmerie en matière de disparitions inquiétantes sont également mis en œuvre au sein de l'office, qui a à sa charge la centralisation et la diffusion de l'information, la transmission des diffusions nationales urgentes, la rédaction des circulaires de recherche et la coopération policière internationale. Un soutien opérationnel au quotidien est à la disposition de tous les enquêteurs de France. Un guide de recherche des personnes disparues a été élaboré et distribué au sein de tous les services de police et de gendarmerie en version papier en 2003. Il fait depuis l'objet de réactualisations régulières par la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale, en lien avec l'OCRVP, et est accessible sur l'intranet de la police nationale. Des formations dédiées à la recherche de personnes disparues sont également organisées par la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale. L'OCRVP apporte en outre son assistance aux services territoriaux de police et de gendarmerie en réalisant des rapprochements par l'intermédiaire de la base SALVAC (système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes), grâce à laquelle sont enregistrés et analysés tous les faits relatifs à des crimes de sexe et de sang, sans mobile apparent ni lien entre la victime et l'auteur. Les disparitions qui ne sont pas résolues rapidement font l'objet de cette démarche. Au regard de la mission de l'OCRVP de centralisation des informations relatives aux disparitions et aux découvertes de cadavres sous X, un fichier de rapprochement entre individus disparus et personnes découvertes sous X (vivantes ou décédées) est en cours d'élaboration. L'office est en outre en lien régulier avec les gestionnaires du fichier des personnes recherchées, dont une nouvelle version entrée en service en 2017 a été modifiée notamment afin d'améliorer le traitement des disparitions. Le dispositif « alerte enlèvement », mis en place en 2006 par le biais d'une convention signée par le ministre de la justice et le ministre de l'intérieur, permet de mettre en œuvre rapidement des moyens d'ampleur dans des cas particuliers de disparitions très inquiétantes de mineurs. Une nouvelle circulaire de 2017 du ministère de la justice prévoit l'application de ce plan sur décision du procureur de la République, avec l'aval du procureur général et de la chancellerie, en cas d'enlèvement ou de soustraction d'un mineur dont l'urgence et la dangerosité sont établies. Une diffusion nationale d'un message par le biais de nombreux partenaires, institutionnels, médiatiques ou privés, est alors déclenchée. L'office a développé de nombreux partenariats dans le but de favoriser le traitement des enquêtes en matière de disparitions : ministère des solidarités et de la santé, hôpitaux, ordres des professions médicales et notamment des dentistes, instituts médico-légaux, laboratoires d'analyses biologiques et de police scientifique, etc. Enfin, l'office est l'interlocuteur privilégié des associations d'aide aux familles de disparus. Des relations régulières existent avec l'APEV (aide aux parents d'enfants victimes), par exemple lors de la mise à jour des affiches diffusant les photos d'enfants disparus. Un protocole d'accord a par ailleurs été signé en 2012 entre le ministère de l'intérieur, représenté par l'OCRVP et le centre français de la protection de l'enfance « Enfants disparus », intégré depuis 2018 dans la fondation « Droit d'enfance », qui coordonne désormais l'activité du « 116 000 Enfants Disparus » et en particulier la réception des appels et l'accompagnement des familles. Dans ce cadre, l'autorisation de l'OCRVP est nécessaire avant toute diffusion d'avis de recherche d'un mineur par la fondation. L'OCRVP participe aux campagnes d'information des associations, par exemple à la journée mondiale des enfants disparus programmée chaque année le 25 mai. S'agissant de la gendarmerie nationale, la direction générale de la gendarmerie nationale a actualisé sa doctrine en la matière via la diffusion, en septembre 2019, de nouvelles directives à destination de toutes les unités pour rappeler le cadre juridique d'une disparition inquiétante, les actes élémentaires à réaliser par les premiers intervenants et pour orienter la manœuvre de recherches opérationnelles et les investigations judiciaires. Comme le prévoit l'article 74-1 du code de procédure pénale dans le cas de disparitions de mineurs, la gendarmerie procède systématiquement à l'ouverture d'une enquête judiciaire de disparition inquiétante. Dès l'alerte donnée, plusieurs actions sont conduites de manière simultanée et consignées dans cette procédure judiciaire. Il est procédé immédiatement à l'audition de la personne donnant l'alerte et au transport sur les derniers lieux où le mineur a été vu. Les recherches opérationnelles sont menées de front avec l'enquête judiciaire, depuis le dernier endroit où la personne a été signalée. Pour les disparitions de mineurs particulièrement inquiétantes, tout le spectre des moyens disponibles est mis en œuvre : moyens organiques du groupement, réservistes, escadrons de gendarmerie mobile, chiens de piste, hélicoptères, plongeurs, sonar, drones, etc. Les recherches s'organisent avec la mise en place d'un quadrillage de la zone d'intérêt. Les établissements de santé sont contactés. L'engagement d'unités de recherches (brigades ou sections de recherches) est décidé dès que nécessaire en lien avec l'autorité judiciaire. La remontée et la diffusion d'informations étant capitales, l'inscription du mineur au fichier des personnes recherchées est immédiatement réalisée et la brigade départementale de renseignement et d'investigations judiciaires s'assure des demandes de diffusion. Parallèlement, les constatations et les actes de criminalistiques sont réalisés sur les lieux supposés de la disparition et au domicile du mineur. A cette occasion, des effets personnels du mineur sont saisis aux fins de recueillir des éléments susceptibles de participer à l'identification du mineur disparu (empreintes digitales, ADN). Outre les perquisitions jugées utiles, toutes les personnes susceptibles d'apporter des éléments sont entendues (famille, amis, témoins, etc.) et les investigations techniques dans le domaine de la téléphonie et de l'informatique susceptibles d'orienter les investigations sont réalisées avec le concours d'enquêteurs spécialisés. De même, la gendarmerie nationale entretient avec le Droit d'enfance (coordonnateur du « 116 000 ») des relations de partenariat visant à mieux se connaître et mieux se coordonner en particulier en situation d'urgence.