15ème législature

Question N° 3017
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > élevage

Titre > Position de la France CETA

Question publiée au JO le : 21/11/2017 page : 5653
Réponse publiée au JO le : 23/01/2018 page : 583

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la position de la France au regard des dangers pour les éleveurs français et européens de l'entrée en vigueur du CETA, et des négociations en cours avec le MERCOSUR. Malgré l'absence de ratification par les Parlements nationaux du CETA, sa mise en application est particulièrement alarmante pour les filières d'élevage et en particulier la filière bovine française. Car le volet agricole du texte d'accord, qui se veut un véritable « modèle » préfigurant d'autres accords commerciaux, ne comporte aucune réelle garantie quant au respect des normes européennes ou de la qualité des productions. L'ouverture du marché européen, sans droits de douanes, à 65 000 tonnes de viandes bovines canadiennes produites au sein de feedlots en est l'exemple le plus frappant. L'obsession libérale qui a accompagné les négociations et la conclusion de ce traité vient ainsi impacter directement l'ensemble des éleveurs. Ainsi, personne n'a pu à ce jour démontrer l'intérêt pour les Européens de disposer de viande bovine canadienne, transitant sur des milliers de kilomètres et aux normes environnementales et de qualité bien inférieures, alors que les productions communautaires et locales sont reconnues. À ce titre, les propos tenus, le 10 octobre 2017, par M. Phil Hogan devant les commissions des affaires européennes et des affaires économiques de l'Assemblée nationale révèlent une nouvelle fois l'ampleur de l'abandon politique de la France sur ce dossier. Le commissaire européen chargé de l'agriculture a reconnu que la filière bovine serait une des grandes perdantes de cet accord tout en invitant les agriculteurs « à ne pas craindre la concurrence des marchés mondiaux ». À plusieurs reprises, il a répété qu'il s'agissait d'un secteur « sensible », précisant, pour se justifier, que le CETA serait « un accord exigeant en matière de normes ». Sa tentative de minimiser les conséquences pour les éleveurs s'est rapidement heurtée aux réalités de ce traité, tout en ajoutant que « les négociations avec le MERCOSUR sont en cours et représentent 8 fois les enjeux financiers du CETA » et en répétant que « in fine, ce seront les États membres qui signeront, ou pas, ces accords ». M. Hogan a finalement justifié le vrai fond de cet accord : « Il faut faire des compromis et des concessions en matière agricole pour que les secteurs financiers et industriels, créateurs d'emplois en France comme ailleurs en Europe, bénéficient également de ces accords », allant jusqu'à « espérer que les avancées obtenues dans l'accord avec le Japon puissent compenser les pertes consenties dans le CETA » et « peut-être de rééquilibrer certaines concessions que nous pourrons faire dans le cadre d'un accord avec le MERCOSUR » ! Aussi, il lui demande, au regard de la gravité désormais reconnue des conséquences du CETA pour le secteur agricole, mais aussi comme modèle des futurs accords, notamment avec le MERCOSUR, s'il compte au final refuser la signature de cet accord.

Texte de la réponse

L'accord économique et commercial global avec le Canada (AECG/CETA) est entré en application provisoire le 21 septembre 2017. Il sera soumis au Parlement français en 2018. Dans le cadre du CETA, l'Union européenne a octroyé un contingent supplémentaire de viande bovine de 45 840 tonnes dans les six ans. Ce volume supplémentaire constitue de la part des Européens une concession importante : elle est la contrepartie d'un meilleur accès au marché canadien pour les entreprises françaises, notamment pour les fromages qui ont obtenu avec le CETA un contingent total de 18 500 tonnes, et de la protection de 175 indications géographiques dont 42 françaises (dont « Cantal », « Fourme d'Ambert », « Saint-Nectaire », « Bleu d'Auvergne »). Pour l'année 2017, les importations de viande bovine résultant de l'accord seront de 60 tonnes, soit une part très faible du volume théorique de contingent annuel. L'ensemble des importations de viande canadienne devra respecter les préférences collectives européennes pour entrer sur le marché européen : seules seront admises les viandes issues de bêtes, nées, élevées et abattues au Canada. Les viandes issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance anabolisante utilisées comme facteur de croissance resteront strictement interdites. De même, seules les techniques de décontamination des carcasses employées au sein de l'Union européenne pourront être utilisées par les abattoirs canadiens. Afin d'assurer une mise en œuvre exemplaire du CETA, le Gouvernement a installé une commission d'experts indépendants pour mesurer l'impact de l'accord sur l'environnement, le climat et la santé. Suite aux recommandations de cette commission, le Gouvernement a adopté en ce sens le 25 octobre 2017 un plan d'actions. Ce plan permettra d'assurer un suivi de l'impact économique de l'accord sur les filières agricoles, de renforcer la traçabilité des produits importés au travers de programmes d'audits sanitaires et phytosanitaires. Il vise à vérifier, en outre, que l'application du CETA, dont la lettre respecte strictement les choix de société du consommateur européen, est effectivement conforme aux préférences collectives françaises. Par ailleurs, ce plan rappelle que le principe selon lequel tout produit qui rentre dans l'Union européenne doit respecter les règles du marché intérieur, en particulier les normes sanitaires et phytosanitaires, est pour la France non-négociable. Il vise également à améliorer la prise en compte des enjeux sanitaires et de développement durable dans l'ensemble des accords commerciaux afin d'assurer une meilleure cohérence entre la politique commerciale et le modèle de production agricole français, sûr pour le consommateur et engagé dans une transition écologique. S'agissant des négociations avec le marché commun du sud (Mercosur), le Gouvernement demande fermement un meilleur traitement des filières agricoles sensibles, dont la filière bovine, au travers de la définition par produit et pour l'ensemble des négociations en cours et à venir, d'un plafond global de concessions, soutenable pour les filières impactées et selon la capacité d'absorption du marché européen. Toute concession commerciale devra, par ailleurs, s'accompagner pour le consommateur de garanties, à la fois sanitaires et sur les modes de production, équivalentes à celles offertes par le cadre européen. La France, soutenue par d'autres États membres, considère que la conclusion de l'accord UE-Mercosur est tributaire de l'équilibre nécessaire entre ouverture et protection, à la fois des filières agricoles et des concitoyens. Enfin, l'Union européenne vient enfin de conclure en décembre 2017 un accord commercial avec le Japon dans lequel elle a obtenu un contingent de 43 500 tonnes de viande de bœuf dès l'application de l'accord (qui pourrait intervenir en 2019) et qui augmentera jusqu'à 53 000 tonnes dans les quinze ans ensuite. La réouverture du marché turc en fin d'année 2017 pour le bovin vif constitue également une opportunité pour la filière.