15ème législature

Question N° 30216
de M. Fabien Gouttefarde (La République en Marche - Eure )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > lois

Titre > Contrôle de conventionnalité - CEDH

Question publiée au JO le : 09/06/2020 page : 3937
Réponse publiée au JO le : 05/01/2021 page : 93
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Fabien Gouttefarde interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le taux de condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme sur le fondement de la non-conformité à la Convention de dispositions législatives adoptées par amendements adoptés sans avoir été examinés préalablement par le Conseil d'État. En effet, lorsqu'un ministère désire proposer un texte de loi, il doit, après avoir fait son travail de rédaction et après avoir obtenu l'accord des autres ministères concernés, saisir le Conseil d'État en application de l'article 39 de la Constitution, dont le rôle est notamment d'éclairer le Gouvernement sur la conformité du futur texte législatif au regard de l'ordre juridique international et européen. Malgré ce mécanisme, il peut y avoir des « carences de conventionalité » dans le texte finalement publié au Journal officiel. En effet, le Conseil d'État n'examine que le projet de loi que le Gouvernement lui soumet. Mais ce même projet de loi peut, lors du débat parlementaire, « grossir » largement, du fait de l'adoption d'amendements sans qu'il y ait toujours un contrôle systématique de la conformité des dispositions votées dans le cadre d'amendements aux stipulations conventionnelles. Cette absence de conformité suite au travail parlementaire, outre le symbole que cela renvoie, affaiblit la crédibilité de la loi en cas de condamnation par une juridiction nationale ou par la Cour européenne des droits de l'Homme. Aussi, il l'interroge pour connaître, durant ces 10 dernières années, quels ont été les cas où un projet ou une proposition de loi, ayant fait l'objet d'un contrôle de conventionalité par le Conseil d'État dans son rôle de conseil du Gouvernement, s'est vu opposer une décision de non-conformité à la Convention européenne des droits de l'Homme par une instance juridictionnelle (nationale ou CEDH), du fait des amendements qui auraient été apportés au texte après le travail préalable du Conseil d'État sur la base de l'article 39 de la Constitution.

Texte de la réponse

La Convention européenne des droits de l'Homme (Convention EDH) permet à l'État de conclure un règlement amiable avec le requérant qui l'accepte (art.39 de la Convention). Dans cette hypothèse, l'État s'engage généralement à verser une satisfaction équitable au requérant sans que cela ne signifie qu'il reconnaisse avoir violé la Convention EDH. Le règlement amiable conduit à la radiation de l'affaire du rôle de la Cour, et la procédure en cause est couverte par la confidentialité. Depuis le 1er janvier 2019, la Cour EDH a modifié sa procédure afin de favoriser le recours au règlement amiable. À cette fin, elle propose une phase d'échange amiable entre les parties, sous l'égide du greffe, après communication de l'affaire au Gouvernement, mais avant la phase d'observation contentieuse (alors qu'auparavant ces deux phases n'étaient pas distinguées). Cette phase amiable concerne la quasi-intégralité des affaires et s'applique à la France. Il convient de préciser qu'en cas d'échec de la procédure de règlement amiable, en particulier en l'absence d'accord sur le montant de la satisfaction équitable, le gouvernement a la possibilité de procéder par déclaration unilatérale. Dans cette hypothèse, le gouvernement reconnaît la violation de la Convention et propose une somme au titre de la satisfaction équitable. La Cour rend ensuite, soit une décision de radiation - si elle estime que, du fait de la déclaration unilatérale, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête - soit un arrêt de violation. Le Gouvernement français examine systématiquement l'opportunité de conclure un tel règlement amiable, chaque ministère concerné par l'affaire étant appelé à s'exprimer sur le sujet. Depuis 2007, la France conclut entre 5 et 10 règlements amiables ou déclarations unilatérales chaque année. À titre de comparaison, la Cour a rendu 19 décisions et arrêts contre la France en 2019. En matière pénale, le recours aux procédures de règlement amiable et de déclaration unilatérale se heurte toutefois en pratique à l'impossibilité pour le requérant d'obtenir une révision de son procès devant les juridictions internes. L'article 662-1 du Code de procédure pénale limite en effet le réexamen d'une décision pénale définitive aux cas de violations de la Convention européenne des droits de l'Homme constatées par un arrêt de la Cour (entre autres conditions).