15ème législature

Question N° 30221
de M. Bruno Bilde (Non inscrit - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > ordre public

Titre > Sur la multiplication des matches de football sauvages

Question publiée au JO le : 09/06/2020 page : 3945
Réponse publiée au JO le : 15/09/2020 page : 6351
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Bruno Bilde interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'organisation de matches de football dans certains quartiers au mépris de la loi et en violation des consignes sanitaires en vigueur depuis le 11 mai 2020. En effet, dimanche 24 mai 2020, 400 personnes se sont réunies au stade Paco-Mateo de Strasbourg, suscitant l'indignation et l'inquiétude légitimes des autorités de santé à l'aune des ravages de l'épidémie de coronavirus dans le département du Bas-Rhin, qui a déjà fait plus de 1 000 victimes. Lundi 25 mai 2020 au Havre, une centaine d'individus ont été évacués d'un stade après une intrusion illégale. Mardi 26 mai 2020, un match de football opposant des jeunes du quartier de la Grande Borne à Grigny à ceux de la cité des Tarterêts de Corbeil-Essonnes a rassemblé entre 300 et 500 spectateurs, en générant des scènes de liesse et des regroupements jusqu'à tard dans la soirée. À la suite de cette énième provocation, la procureure d'Évry a rappelé que les organisateurs encouraient une peine d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende pour mise en danger de la vie d'autrui. Les participants à ces attroupements risqueraient théoriquement une amende de 135 euros. Théoriquement car ceux qui par leur irresponsabilité insultent le dévouement exemplaire des personnels soignants et piétinent les efforts de la majorité des Français savent pertinemment qu'ils ne seront jamais inquiétés par la police et encore moins par la justice. En effet, les policiers en effectifs insuffisants sont la plupart du temps dans l'impossibilité de disperser les contrevenants. Ils ont par ailleurs reçu des directives pour éviter de faire appliquer la loi comme le révèlent des témoignages relayés dans la presse : « S'il n'y a pas de débordement, on ne va pas aller en provoquer un, même s'il y a un non-respect des gestes barrières ». Cette politique de l'autruche s'inscrit dans la continuité de la scandaleuse « doctrine Nuñez » publiée dans le Canard enchaîné au milieu du confinement : « Ce n'est pas une priorité que de faire respecter dans certains quartiers les fermetures de commerces et de faire cesser les rassemblements ». Comment accepter ce laxisme quand, en parallèle, une dame de 79 ans était verbalisée dans le Tarn pour avoir voulu saluer son mari à travers la fenêtre de son Ehpad ou qu'une famille se voyait infliger une amende pour s'être rendue à un enterrement dans le Calvados ? Comment tolérer les agissements antirépublicains de certains individus qui peuvent avoir de graves conséquences sanitaires et, en même temps, interdire la pratique des sports collectifs et les rassemblements de plus de 10 personnes à la majorité silencieuse et respectueuse ? La République, ce n'est pas la politique du deux poids, deux mesures. La République, ce n'est pas le régime des exceptions et du cas par cas. La République est incompatible avec le concept de zones de non-droit. Il lui demande quand il va, une bonne fois pour toutes, faire appliquer les lois de la République partout en France, tout le temps et à chacun.

Texte de la réponse

Face à l'épidémie de covid-19, les forces de l'ordre se sont mobilisées pour faire respecter les règles du confinement décidées par le Président de la République le 16 mars 2020 et les mesures induites par l'état d'urgence sanitaire. Elles sont restées mobilisées au-delà du 11 mai, continuant d'agir avec discernement et en privilégiant la pédagogie. Elles ont activement contribué par leur action depuis le début de la crise sanitaire à lutter contre l'épidémie. Dans l'ensemble, les Français ont très largement respecté les préconisations sanitaires. Certaines dérives et des violations des règles n'en ont pas moins été observées. Dans le domaine du sport par exemple, alors que les activités sportives individuelles pratiquées en extérieur ont été autorisées à partir du 11 mai, les sports collectifs n'ont été autorisés qu'à partir du 22 juin tandis que restaient interdits les rassemblements de plus de 10 personnes dans l'espace public sans accord préfectoral (les stades restant fermés au public jusqu'au 11 juillet). Or, certains matchs de football « sauvages » ont été organisés après le 11 mai. Ils ont systématiquement donné lieu à une intervention policière. S'agissant par exemple des faits évoqués dans la question écrite, les précisions suivantes peuvent être apportées. A Strasbourg, le 24 mai 2020, un équipage de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) détectait un regroupement de personnes près du stade Paco Mateo. A 18h30, une évaluation de la situation faisait apparaître qu'une rencontre de football réunissait plus de 500 personnes dans ce stade municipal, sans que la ville n'en ait été informée. Le rassemblement touchant à sa fin, il n'était pas jugé nécessaire de mobiliser en urgence des forces mobiles. Pour autant, les forces de l'ordre procédaient à l'évacuation et, en vue d'une identification des acteurs de ce rassemblement, une surveillance vidéo était immédiatement mise en place jusqu'à la dispersion totale du public à 19h. Ces moyens techniques permettaient à la sûreté départementale d'identifier les joueurs, l'arbitre et l'organisateur. Ce dernier était placé en garde à vue le 19 juin. Les joueurs disposant d'une licence encourent pour leur part des sanctions sportives des instances fédérales. La réponse de l'Etat a dissuadé l'organisation de nouvelles rencontres de football « sauvages ». Au Havre, le 25 mai aux alentours de 19h30, la police était requise pour la présence d'une centaine d'individus dans le stade Jacques Percepied. Plusieurs équipages se rendaient sur place et constataient la présence de jeunes gens jouant au football. Au vu du nombre de personnes présentes et de leur jeune âge, les policiers décidaient de procéder à un avertissement oral et de leur rappeler les règles sanitaires applicables. L'ensemble des individus étaient évacués sans incident à 20h45. Tenant compte de cet incident, des instructions spécifiques étaient adressées à la compagnie d'intervention, à la brigade anti-criminalité et à l'unité canine légère sur la manière de gérer de tels matchs « sauvages », notamment dans les quartiers sensibles. Lors d'ultérieures interventions policières pour des faits semblables, la seule arrivée des forces de l'ordre suffisait à provoquer une dispersion des individus, toujours relativement jeunes, sans qu'aucune verbalisation ne puisse être effectuée. Dans l'Essonne, le 26 mai, environ 300 personnes assistaient, au stade Condorcet de Grigny, à un match de football opposant des jeunes du quartier de La Grande Borne (Grigny) à ceux du quartier des Tarterêts de Corbeil-Essonnes. Vers 20h40, un riverain appelait la police et un équipage se rendait sur place. La configuration des lieux et le nombre limité de policiers disponibles ne permettaient pas de mettre fin au match et de disperser la foule. Les policiers effectuaient en revanche des surveillances afin de prévenir tout trouble à l'ordre public. Le match se terminait vers 22h30 et la foule quittait le stade sans incident. Une enquête était ouverte pour mise en danger de la vie d'autrui. Des recherches sur les réseaux sociaux et l'exploitation des vidéos ne permettait pas d'identifier formellement des individus mais permettait de constater que les participants étaient munis de chasubles démontrant ainsi une organisation préalable. Il peut être noté que le gardien du stade, après avoir constaté le rassemblement, a immédiatement avisé ses supérieurs puis s'est enfermé chez lui par peur de la foule, sans prévenir les services de police. Deux membres des services municipaux confirmaient ne pas être au courant de l'organisation de cet événement avant que le gardien ne les contacte. Ils prévenaient le maire de la commune vers 22h05. A ce stade de l'enquête, après la découverte d'une annonce du match publiée sur un compte Instagram, une réquisition à cette société a été faite afin d'identifier le profil ayant posté le message. A ce jour, aucune réponse à cette réquisition n'est encore parvenue aux services de police. Afin de prévenir que de tels faits ne se reproduisent, la municipalité de Grigny a retiré toutes les cages de but des terrains de football. Une surveillance renforcée des terrains de sport par les services de police a également été mise en œuvre afin de détecter le plus en amont possible ces rassemblements et permettre une dispersion des groupes avant que la foule ne soit trop importante. Face à ce type de situation, la police nationale est donc systématiquement intervenue, adaptant comme en chaque circonstance son action en fonction du contexte. En tout état de cause, aucun laxisme ne saurait être reproché aux forces de police, qui n'ont jamais cessé d'être mobilisées pour faire respecter les règles de l'état d'urgence sanitaire : entre le 17 mars et le 10 mai, les services de police ont par exemple procédé au contrôle de 9,8 millions de personnes. Lorsqu'en particulier des troubles, voire de véritables guet-apens ont pu se produire à l'occasion de contrôles dans certains quartiers sensibles, les forces de police sont systématiquement intervenues pour interpeller les auteurs de violences et de désordres et rétablir l'ordre public. Tel a été le cas par exemple dans l'Essonne, où les services de la DDSP, régulièrement renforcés par des forces mobiles, ont maintenu pendant toute la durée du confinement une action soutenue dans les quartiers sensibles, notamment lors d'épisodes de violences urbaines. Il convient également de souligner que, pour prévenir les rassemblements « sauvages » (matchs de foot, barbecues, rassemblements festifs, etc.), les services de police ont été particulièrement vigilants et organisés, à l'instar de l'action conduite par la DDSP de l'Essonne (veille des réseaux sociaux, déploiement d'effectifs en amont pour interdire l'accès à certains sites pressentis de rassemblement, intervention sur place en cas de rassemblement pour inviter, par le dialogue et si nécessaire par la contrainte, à la dispersion, ou pour mener des constatations en vue d'une procédure judiciaire ultérieure).