Reconnaissance a posteriori d'enfants et authenticité des actes de naissance
Publication de la réponse au Journal Officiel du 11 septembre 2018, page 8044
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants
M. Jean-Christophe Lagarde interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la reconnaissance a posteriori d'enfants de personnes d'origine étrangère ayant été naturalisées. En effet, plusieurs officiers d'état civil français constatent une recrudescence des reconnaissances émises par des personnes récemment naturalisées avec pour seule preuve des actes de naissance de pays d'origine, dont ils ne peuvent vérifier l'authenticité. Or dans certains cas, c'est plus d'une dizaine de personnes qui sont reconnues a posteriori, ce nombre peut monter jusqu'à quarante dans les cas les plus extrêmes. On mesure combien la loi est ici contournée pour permettre l'attribution de la nationalité française ou l'accès à un titre de séjour. Car cette situation soulève deux questions. D'une part, la non-déclaration délibérée d'enfants déjà nés, souvent de très longue date, lors du dépôt de dossier de naturalisation. Cette absence de déclaration pourrait être de nature à remettre en cause la naturalisation. D'autre part, on doit se pencher sur l'authenticité des actes de naissance communiqués a posteriori. Il pourrait par exemple faire l'objet de demandes de tests de paternité de la part de l'État avant que ces reconnaissances ne soient enregistrées. En conséquence, il souhaite connaître les outils qu'il entend mettre à disposition de l'administration pour vérifier l'authenticité des actes de naissance et par conséquent de la filiation afin d'éviter toutes tentatives de fraude. Il souhaite également savoir si le Gouvernement envisage de nécessaires modifications législatives relatives aux déclarations frauduleuses ou défaillantes découvertes a posteriori d'une demande de naturalisation.
Réponse publiée le 11 septembre 2018
La prévention de la fraude et la lutte contre celle-ci sont des priorités du Gouvernement dans l'élaboration et la mise en œuvre des règles d'accès au séjour en France et d'acquisition de la nationalité française. Pour mesurer les effets d'une reconnaissance du lien de filiation par une personne récemment naturalisée et l'incidence de la découverte d'une fraude, il convient de distinguer trois cas : - celui où l'enfant, né et/ou reconnu avant la naturalisation de son parent, avait été déclaré par celui-ci dans son dossier de demande de naturalisation ; - celui où l'enfant, né avant la naturalisation, n'est pas mentionné dans le dossier de demande de naturalisation du parent mais est signalé par ce parent après celle-ci (peu importe alors que la reconnaissance soit antérieure ou postérieure à la naturalisation : l'administration n'avait pas connaissance de l'existence de l'enfant au moment de l'accès du parent à la nationalité) ; - celui où l'enfant est né après la naturalisation du parent et se voit ensuite reconnu par celui-ci. S'agissant du premier cas la naturalisation d'un majeur, parent d'enfants mineurs, confère à ceux-ci la nationalité française par effet collectif de la naturalisation de leur père ou de leur mère, à condition que cette filiation ait été mentionnée dans le dossier de demande de naturalisation et que les enfants soient à la charge du postulant. Dans le second cas la reconnaissance de paternité postérieure à la naturalisation, d'un enfant né avant celle-ci, n'a aucun effet automatique sur la nationalité de l'enfant. L'article 21-22 prévoit certes que « la naturalisation peut être accordée à l'enfant mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française, s'il justifie avoir résidé avec ce parent pendant les cinq années précédant la demande ». Toutefois, s'il apparaît que la prétendue filiation procède d'une reconnaissance frauduleuse, cela fera obstacle à la naturalisation de l'enfant. La découverte a posteriori d'enfants ayant un lien de filiation avec un étranger naturalisé, en particulier s'ils vivent à l'étranger, peut conduire l'administration à estimer que le postulant n'a en réalité pas transféré en France le centre de ses intérêts affectifs et matériels, ce qu'exige le code civil avec la notion de résidence, et engager le retrait du décret de naturalisation du parent en application de l'article 27-2 du code civil, dans un délai de deux ans à compter de la connaissance de la fraude par les services en charge de la naturalisation. Dans le troisième cas, lorsque les officiers d'état civil et les agents des préfectures sont confrontés à des reconnaissances d'enfants nés en France postérieurement à la naturalisation du parent déclarant, il convient de se demander si la reconnaissance présente un caractère frauduleux, c'est-à-dire si elle a pour seul but de permettre à l'autre parent étranger d'obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, en application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et par voie de conséquence une protection contre une mesure d'éloignement. Dans ce cas, il est possible pour le préfet d'écarter l'acte de reconnaissance produit à l'appui d'une demande de titre français pour l'enfant ou d'un titre de séjour pour sa mère. Il faut toutefois qu'il établisse par des indices sérieux et concordants que la reconnaissance n'a eu d'autre objectif que d'attribuer la nationalité française à un enfant ou de régulariser le séjour de sa mère sur le territoire (Conseil d'État, 10 juin 2013, no 358835). Par ailleurs, la reconnaissance d'un enfant aux seules fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement ou aux seules fins d'acquérir ou de faire acquérir la nationalité française, est sanctionnée par une amende de 15 000 euros et 5 années d'emprisonnement (article L. 623-1 du CESEDA). Il n'apparaît en tout état de cause pas approprié de soumettre le parent déclarant à un test préalable de paternité dès lors qu'un acte de reconnaissance peut valablement établir la filiation en l'absence de tout lien biologique.
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question écrite
Rubrique : État civil
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 29 janvier 2018
Dates :
Question publiée le 21 novembre 2017
Réponse publiée le 11 septembre 2018