Application de l'article 12 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage
Question de :
Mme Delphine Batho
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Écologie Démocratie Solidarité
Mme Delphine Batho interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur l'application de l'article 12 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Cet article a modifié l'article L. 121-4 du code de la consommation pour reconnaître comme trompeuses les pratiques commerciales qui ont pour objet « dans une publicité, de donner l'impression, par des opérations de promotion coordonnées à l'échelle nationale, que le consommateur bénéficie d'une réduction de prix comparable à celle des soldes, tels que définis à l'article L. 310-3 du code de commerce, en dehors de leur période légale mentionnée au même article L. 310-3. » En vertu de ce nouveau dispositif, les opérations commerciales telles que le Black Friday sont dorénavant considérées comme des pratiques commerciales trompeuses. Les pratiques trompeuses sont reconnues comme des pratiques commerciales déloyales qui sont interdites en vertu des dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation. Les articles L. 132-1 à L. 132-9 du code de la consommation énoncent les sanctions applicables à l'encontre d'une pratique commerciale trompeuse. Les peines encourues sont un emprisonnement de deux ans et amende de 300 000 euros. Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. Cette disposition a été adoptée par le législateur à l'initiative de Mme la députée pour lutter contre la pratique déloyale que constitue par exemple le Black Friday, importé des États-Unis depuis 2013 et fondé sur la valorisation publicitaire de la surconsommation dont le bilan environnemental est désastreux. Cette opération contourne de façon manifeste la législation encadrant les soldes, en laissant supposer de façon trompeuse aux consommateurs qu'ils bénéficient de réductions de prix considérables, qui dans la plupart des cas sont factices. Aussi, elle le prie de bien vouloir lui indiquer les dispositions prises par le Gouvernement pour veiller à l'application effective de l'article 12 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Elle le prie en particulier de préciser les actions d'ores et déjà engagées pour sensibiliser les opérateurs commerciaux, notamment les opérateurs du commerce en ligne, au respect de cette nouvelle législation et les moyens qui seront donnés à la DGCCRF pour en vérifier le respect.
Réponse publiée le 3 mai 2022
Les contrôles des pratiques commerciales déloyales, qu'elles soient trompeuses ou agressives, constituent une priorité d'action de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) afin d'assurer au consommateur un haut niveau de protection de ses intérêts économiques. À ce titre, ses services d'enquêtes contrôlent régulièrement les opérations promotionnelles telles que les « ventes privées », « Black Friday » ou tout autre type d'opération de réduction de prix qui sont appréhendées à l'aune des dispositions interdisant et réprimant les pratiques commerciales trompeuses. Ainsi, la dernière enquête nationale dédiée à la vérification des pratiques promotionnelles des entreprises, réalisée en 2019, a donné lieu au contrôle de 2 544 établissements, dont 910 ont fait l'objet de suites administratives et contentieuses. Parmi ces suites, 140 procès-verbaux ont été dressés à l'encontre de sociétés à partir de la constatation de pratiques commerciales trompeuses sur le caractère promotionnel du prix. Cette qualification juridique repose sur une analyse, au cas par cas, en vue de vérifier si l'avantage promotionnel proposé au consommateur repose ou non sur une réalité économique et si la décision commerciale du consommateur a été biaisée du fait d'allégations, présentations ou informations fausses ou de nature en erreur. L'ajout à la liste des pratiques commerciales trompeuses prévue par l'article L. 121-4 du code de la consommation des pratiques ayant pour objet « dans une publicité, de donner l'impression, par des opérations de promotion coordonnées à l'échelle nationale, que le consommateur bénéficie d'une réduction de prix comparable à celle des soldes, tels que définis à l'article L. 310-3 du code de commerce, en dehors de leur période légale mentionnée au même article L. 310-3 » ne permet pas de se dispenser de cette analyse au cas par cas, une telle interdiction n'étant pas conforme au droit européen si elle conduisait à l'interdiction générale et absolue de telles opérations promotionnelles. Ainsi, à l'occasion d'une opération commerciale telle que le « Black Friday », comme à l'occasion des soldes, le caractère illusoire des réductions de prix proposées aux consommateurs doit être établi à partir, notamment, de l'impossibilité pour les professionnels de justifier que les prix pratiqués antérieurement permettent d'affirmer que ces consommateurs bénéficient effectivement des avantages promotionnels annoncés. La lutte contre les annonces de faux rabais sera encore facilitée par la transposition en droit national, d'ici au 28 novembre 2021 au plus tard, des dispositions de la directive européenne n° 2019/2161 du 27 novembre 2019 dite « Omnibus » visant à mieux encadrer les annonce de réduction de prix, ces dernières ne pouvant être pratiquées qu'à partir du prix le plus bas pratiqué par un professionnel dans la période de trente jours précédant l'opération promotionnelle. La préservation du pouvoir d'achat des consommateurs fait partie du plan de lutte contre les fraudes que la DGCCRF a retenu dans son plan stratégique au titre de l'année 2021. À ce titre, ses services d'enquêtes restent pleinement mobilisés pour rechercher et constater de telles infractions durant toute l'année et, particulièrement pendant les périodes les plus propices à la mise en avant de telles opérations commerciales telles que le « Black Friday », pour s'assurer que les consommateurs ne sont pas trompés sur l'importance des remises annoncées par les professionnels.
Auteur : Mme Delphine Batho
Type de question : Question écrite
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Dates :
Question publiée le 23 juin 2020
Réponse publiée le 3 mai 2022