Question écrite n° 30552 :
Mesures pour éliminer les discriminations des contrôles de confinement

15e Législature

Question de : Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise

Mme Danièle Obono interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les mesures pour éliminer les effets discriminatoires des contrôles de confinement et des verbalisations. Pendant la période de confinement, le pouvoir octroyé aux forces de l'ordre pour verbaliser les personnes ne respectant pas les conditions a donné lieu à des situations anormales. De nombreuses personnes ont déploré les conditions et motifs de leur verbalisation. Le 10 avril 2020, plusieurs associations, syndicats et avocats lui ont adressé une lettre pour attirer son attention sur les risques d'interprétations erronées ou excessives des consignes gouvernementales par les forces de l'ordre. Dans une autre lettre ouverte du 13 mai 2020, vingt-quatre associations et syndicats ont exprimé leurs inquiétudes relatives à une mise en œuvre discriminatoire de ces sanctions. Ils notent aussi que « les verbalisations pèsent de manière disproportionnée sur les populations ciblées, pour beaucoup socialement et économiquement défavorisées. Le montant unique de 135 euros d'amende pour non-respect du confinement peut représenter une part significative du budget de certaines familles, les plaçant devant le dilemme insupportable de payer la verbalisation ou de satisfaire des besoins primaires, s'exposant dans ce cas à une majoration de l'amende ». Ces faits sont d'autant plus inquiétants que les voies de recours pour contester le bien-fondé de ces verbalisations sont complexes et, vu les règles probatoires entourant les verbalisations, il est particulièrement difficile pour une personne verbalisée de réussir à démontrer que celle-ci était injustifiée. De surcroît, faute de suspension en cas de contestation, tout recours contre une amende perçue comme injustifiée risque d'entraîner une majoration significative, qui peut intervenir après 45 jours. Au vu de cette situation, Mme la députée estime qu'il est urgent de mettre en place des mesures pour éliminer les impacts néfastes et discriminatoires des contrôles du confinement et des verbalisations. Ces mesures devraient a minima prendre la forme d'une mise en place d'une procédure de plainte facilitée auprès d'un organisme indépendant qui serait chargé de prendre en compte les circonstances individuelles. Considérant que les risques d'interprétation étaient très élevés, Mme la députée estime qu'une annulation de toutes les verbalisations serait une mesure concourant à la paix sociale. Elle souhaiterait donc savoir quelles mesures elle va mettre en place pour faire face à cette situation inquiétante.

Réponse publiée le 22 septembre 2020

La menace sanitaire grave que représente le virus Covid-19 a conduit le Gouvernement à adopter des mesures visant à prévenir et limiter les conséquences de la propagation de ce virus. La crise majeure que traverse notre pays au plan sanitaire a également fait apparaître la nécessité de développer des moyens d'ampleur à la disposition des autorités exécutives pour faire face à l'urgence, dans un cadre juridique renforcé et plus facilement adaptable aux circonstances, notamment locales. C'est ainsi qu'ont été édictées les contraventions sanctionnant le non-respect des mesures de confinement, destinées à garantir le respect de ces mesures dans un souci de lutte contre l'épidémie. Ces dispositions parfois contestées ont néanmoins été validées par le Conseil constitutionnel. En effet, par une décision n° 2020-846/847/848 QPC du 26 juin 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le renvoi opéré, au sein du quatrième alinéa de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique, au 2° de l'article L. 3131-15 du même code, qui réprime le délit de violations réitérées de l'interdiction de sortie hors du domicile édictée pendant l'état d'urgence sanitaire. Il a ainsi validé dans le même temps le régime des contraventions dont elles sont le support. Le Conseil a jugé notamment que ce délit ne méconnaissait pas le principe de légalité des délits et des peines, celui de la présomption d'innocence, ni les droits de la défense. Il a par ailleurs encadré les éléments constitutifs de cette infraction en indiquant qu'une même sortie ne pouvait être verbalisée à plusieurs reprises. Il a considéré que l'infraction n'avait rien de discriminatoire en ce qu'elle sanctionnait de manière identique des personnes se trouvant dans des situations identiques, à savoir sans attestation de sortie sur l'honneur. Ce contrôle formel n'était pas un contrôle de l'opportunité des motifs figurant sur l'attestation. Par ailleurs, la situation des personnes verbalisées a été prise en compte durant cette période. Les délais de contestations ont été allongés dans le temps de l'urgence sanitaire, les règles dérogatoires de procédure pénale instaurées par l'ordonnance 2020-303 du 25 mars 2020 ayant prévu un doublement des délais de recours non encore échus au 12 mars 2020. Ainsi le délai de contestation de l'avis de contravention est passé de 45 à 90 jours et celui de l'avis d'amende forfaitaire majorée de 30 à 60 jours. Les officiers du ministère public et les tribunaux de police chargés du traitement de ces contestations sauront avec discernement et dans le respect des règles de procédure pénale, apprécier la caractérisation de l'infraction et la situation des personnes verbalisées. Il n'est donc pas envisagé la création d'un organisme indépendant ni l'annulation de l'ensemble des verbalisations.

Données clés

Auteur : Mme Danièle Obono

Type de question : Question écrite

Rubrique : Discriminations

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 23 juin 2020
Réponse publiée le 22 septembre 2020

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