15ème législature

Question N° 30608
de Mme Aude Luquet (Mouvement Démocrate et apparentés - Seine-et-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Création de l'algorithme DataJust

Question publiée au JO le : 23/06/2020 page : 4334
Réponse publiée au JO le : 06/10/2020 page : 6903
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Aude Luquet interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le décret créant l'outil DataJust. Le 27 mars 2020, un décret publié au Journal officiel a autorisé le ministère de la justice à développer un algorithme destiné à l'élaboration d'un référentiel d'indemnisation des préjudices corporels grâce à la collecte de l'ensemble des décisions rendues en appel par les juridictions administratives et les formations civiles des juridictions judiciaires entre les années 2017 et 2019 liées à des dossiers d'indemnisation de victimes depuis 2017. Cet outil servirait à guider les juges dans leur décision. Un certain nombre d'avocats craignent un risque d'uniformisation des indemnisations avec des juges qui ne tiendraient plus compte de l'histoire et de la singularité de chaque victime. Ainsi, elle lui demande comment le ministère entend garantir que cet instrument ne rendra pas inéquitables les décisions de justice et ne remettra pas en cause la singularité de chaque victime.

Texte de la réponse

Il convient de rassurer les professionnels de la justice sur la teneur de ce décret, dont la parution durant la période d'urgence sanitaire tient au calendrier d'examen du texte par le Conseil d'Etat. Cette parution est donc sans lien avec la crise sanitaire, s'agissant d'un projet sur lequel le ministère de la justice a, au demeurant, communiqué amplement depuis son lancement. Le décret n° 2020-356 du 27 mars 2020 portant création du traitement automatisé de données à caractère personnel "Datajust"vise, ainsi qu'il est souligné, à évaluer la possibilité d'élaborer un référentiel indicatif d'indemnisation des chefs de préjudices corporels extra-patrimoniaux, tels que les souffrances endurées ou le préjudice esthétique. La création d'un tel référentiel est en effet envisagée dans l'avant-projet de réforme de la responsabilité civile, qui a fait l'objet d'une large consultation publique en 2016 et qui est appelé à être débattu au Parlement. Il s'agirait d'un référentiel purement indicatif et qui aurait vocation à être réévalué régulièrement. Il répond à l'absence, pour l'heure, d'outil officiel, gratuit et fiable à disposition des publics concernés (victimes, assureurs, fonds d'indemnisation, avocats, magistrats). Il faut rappeler que divers référentiels"officieux" sont aujourd'hui utilisés par les praticiens. Ce projet novateur repose sur une méthode inductive, puisqu'il propose de partir de l'observation fine des trois dernières années de jurisprudence des juridictions administratives et judiciaires et de recourir, pour ce faire, aux technologies d'intelligence artificielle, en collaboration avec des magistrats. Loin de remplacer les professionnels du droit par des algorithmes, ce référentiel indicatif vise à mieux les informer, ainsi que les victimes qu'ils sont amenés à conseiller, sur le montant de la réparation que ces victimes sont susceptibles d'obtenir devant les juridictions - à l'instar du référentiel inter-cours ou des bases de données de jurisprudence actuellement utilisées par les praticiens. Mais cette indemnisation restera intégrale, ce point est essentiel. Loin de figer les indemnisations ou de porter atteinte à l'individualisation de la réparation, ce projet vise, in fine, à permettre une plus juste indemnisation des victimes dans le respect total de l'indépendance du juge. Le décret du 27 mars dernier est enfin très circonscrit, puisqu'il encadre uniquement le développement informatique de l'algorithme destiné à créer ce référentiel indicatif pour une période de temps limitée à deux années. Cette étape doit permettre au ministère de la justice d'évaluer la faisabilité technique du projet. Si les travaux à mener s'avèrent concluants, un second décret viendra ensuite encadrer la mise à disposition au public, en conformité avec les règles prévues pour la mise œuvre de l'open data des décisions de justice. Une consultation aura alors lieu sur ce second projet de décret.