15ème législature

Question N° 30609
de Mme Cécile Untermaier (Socialistes et apparentés - Saône-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > Prolongation automatique durée détention provisoire

Question publiée au JO le : 23/06/2020 page : 4334
Réponse publiée au JO le : 22/12/2020 page : 9610
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de renouvellement: 01/12/2020

Texte de la question

Mme Cécile Untermaier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la prolongation automatique des détentions provisoires pendant la crise de covid-19. En effet, alors que ces détentions provisoires sont encadrées par des délais très stricts dont les renouvellements sont soumis au contrôle d'un juge, de nombreux détenus ont vu leur titre de détention prolongé, sans débat. L'article 16 de l'ordonnance 2020-303 du 25 mars 2020 a prévu que « les délais maximums de détention provisoire (...) étaient prolongés de plein droit », d'une durée variant entre 2 et 6 mois selon la peine encourue. Cette disposition a soulevé une difficulté majeure d'interprétation, qui a entraîné des divergences d'analyse par les juridictions de première instance. Certains juges d'instruction et juges des libertés et de la détention, parfois au sein d'une même juridiction, ont considéré que la prolongation de la détention provisoire automatique ne s'appliquait en aucun cas, d'autres pour toutes les détentions provisoires en cours, d'autres enfin lorsque le mandat de dépôt prenait fin pendant la période de l'état d'urgence sanitaire. Si le contexte sanitaire a pu expliquer le ralentissement de l'activité des juridictions avec un télétravail malaisé à mettre en place en l'absence de dématérialisation des procédures civiles, la difficulté de tenir des audiences physiques, il n'explique pas la prolongation automatique d'une mesure privative de liberté, pour plusieurs mois, sans examen de la situation de la personne concernée, ne serait-ce qu'au regard des conditions sanitaires des établissements pénitentiaires. Depuis, des mesures ont été prises mettant un terme à ce dispositif. Mais il importe d'aller au bout de l'analyse et en conséquence elle lui demande de bien vouloir lui communiquer le nombre de détenus concernés par ces prolongations de plein droit et si possible, par juridiction.

Texte de la réponse

Le ministère de la justice ne dispose pas des données relatives au nombre de détenus ayant fait l'objet d'une prolongation de plein droit de leur détention provisoire sur le fondement de l'article 16 de l'ordonnance 2020-303 du 25 mars 2020. La préoccupation constante du Gouvernement a été de concilier au maximum la nécessité d'adapter les règles de fond de la procédure pénale dans une période exceptionnelle et inédite de crise sanitaire nationale avec la nécessaire garantie des libertés individuelles. A ce titre, si l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 a permis, à compter du 26 mars, des prolongations de plein droit des détentions provisoires afin de limiter la réunion des juridictions répressives au strict nécessaire, la loi du 11 mai 2020 a restreint dans son article 16-1 ces prolongations de plein droit aux titres de détention dont l'échéance intervenait durant la période de confinement et imposé que les détentions criminelles, au cours de l'instruction qui avaient fait l'objet d'une telle prolongation durant cette période, fassent l'objet d'une nouvelle décision de la juridiction compétente prise après un débat contradictoire. Dans la mesure où il n'était pas possible de rattraper les retards résultant des annulations et renvois d'audiences intervenus pendant la période de confinement, qui ont nécessairement eu des effets « en cascade », l'article 16-1 a toutefois maintenu après le 11 mai et jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire, l'application du régime dérogatoire de l'article 16 pour les délais de détention en matière d'audiencement, sous réserve de l'exigence d'une décision expresse de prolongation par la juridiction compétente. Par deux arrêts rendus le 26 mai 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation a exigé un examen du juge plus rapproché en matière correctionnelle que celui prévu par l'article 16-1. La juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention devait ainsi rendre, dans un délai rapproché courant à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit,  une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention. La direction des affaires criminelles et des grâces a adressé dès le 26 mai 2020 aux procureurs généraux et procureurs de la République une dépêche relative aux incidences de ces arrêts sur les détentions provisoires en cours.