15ème législature

Question N° 30694
de M. Dominique Potier (Socialistes et apparentés - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Réforme des labels AB et HVE

Question publiée au JO le : 30/06/2020 page : 4493
Réponse publiée au JO le : 04/08/2020 page : 5316
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Dominique Potier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'utilité d'enrichir les labels Agriculture Biologique (AB) et la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) de la prise en compte de la lutte contre le changement climatique et de la dimension sociale. La création du label bio en 1985 par les pouvoirs publics procède d'une reconnaissance d'initiatives successives de la société civile. L'Etat reconnaît ainsi le long combat des pionniers de l'agriculture biologique. Ce label est centré sur trois principes : garantir des produits naturels et authentiques, respecter le bien-être animal, interdire l'utilisation des produits chimiques de synthèse et d'organismes génétiquement modifiés (OGM). Ces principes inspirent ensuite la règlementation européenne qui se construit en deux temps : l'adoption d'un réglement pour les productions végétales en 1991, élargi au secteur animal en 1999. La certification HVE est une des propositions issues du Grenelle de l'environnement. Plus inclusive de pratiques agronomiques diverses elle procède à l'inverse du label AB d'obligations de résultats et non de moyens. Pour atteindre le niveau 3 de la certification l'exploitant choisit d'être évalué sur une des deux options proposées. L'option A est composée d'indicateurs thématiques composites portant sur la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et la gestion de l'irrigation. L'option B concerne des indicateurs globaux : pourcentage de la surface agricole utilisée (SAU) en infrastructures agro-écologiques, pourcentage de la SAU en prairies permanentes de plus de cinq ans et poids des intrants dans le chiffre d'affaires. Restée marginale dans sa mise en œuvre, elle connaît un regain d'intérêt depuis les États Généraux de l'Alimentation en 2017 et apparaît dans la loi EGALim (loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018) comme la marque territoriale de l'agroécologie, au sens de l'article 1 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Ces deux référentiels participent de façon complémentaire à la transition agricole et alimentaire en offrant un langage commun aux citoyens et à l'ensemble des acteurs des filières agro-alimentaires. Ils nous affranchissent de la dépendance aux seules allégations commerciales des puissances privées et sont les instruments indispensables aux politiques publiques territoriales, nationales et de la future Politique Agricole et Alimentaire Commune que nous appelons de nos vœux. Ce caractère stratégique nous oblige à nous assurer qu'ils reflètent fidèlement l'intention de leurs concepteurs et répondent aux défis du temps présent. Or ce n'est plus le cas. Nous observons à titre d'exemple une croissance de la production AB qui s'accommode de transport d'intrants organiques sur des distances insensées, de modes d'élevage industrialisés ou encore de serres chauffées. Par ailleurs, sur le plan social, nous importons des aliments produits dans des conditions de travail indignes, des marges indécentes sont captées par certains distributeurs tandis qu'une part des conversions sont le fait d'entreprises qui s'accaparent le foncier au mépris de l'esprit des lois foncières. Il y a urgence car ces pratiques émergentes peuvent devenir exponentielles, guidées par le seul appât du gain d'un marché pourtant né d'un idéal de partage et de respect du vivant. Hors contrôle, elles risquent de dénaturer la réalité de l'AB et la promesse de la HVE. L'inclusion de mesures du bilan carbone sur l'ensemble du système d'exploitation et du cycle de vie des aliments est désormais indispensable pour la crédibilité des allégations environnementales. Des critères sociaux de commerce équitable et de pratiques permettant le renouvellement des générations doivent également être explorés au nom du juste partage de la valeur ajoutée et de la dimension humaine indissociable de la conversion écologique. Par ailleurs, et à l'occasion d'une telle réforme, deux pistes méritent d'être explorées. La première est vise une simplification par l'alignement réglementaire de la taxonomie permettant l'automaticité de la certification HVE3 pour les produits labellisés AB. La seconde est l'étude de l'extension à l'échelle européenne de la démarche HVE, dans la dynamique « One Health » initiée par l'INRA avec 18 autres instituts européens de recherche agronomique. Cette dernière perspective permettrait à la HVE, le cas échéant, d'être une réponse à la faible efficience des mesures agroenvironnementales (MAE). Elle pourrait ainsi devenir une alternative performante aux paiements pour services environnementaux (PSE) car mobilisant pleinement le potentiel d'innovation entrepreneuriale. Il lui demande donc s'il envisage d'engager au niveau national une proposition d'évolution du label AB complétant les normes écologiques existantes et incluant des normes sociales, et d'en porter le plaidoyer à l'échelle européenne dans le cadre du Green Deal. Il lui demande également, en veillant à leur bonne articulation, d'engager sur les mêmes champs une réforme réglementaire de la certification HVE dans une visée française puis européenne.

Texte de la réponse

Le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil en date du 30 mai 2018 rappelle dans ses considérants tous les principes qui régissent l'agriculture biologique au niveau européen. Le considérant (1) précise bien que « la production biologique est un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques en matière d'environnement et d'action pour le climat, un degré élevé de biodiversité, la préservation des ressources naturelles et l'application de normes élevées en matière de bien-être animal et des normes de production élevées répondant à la demande exprimée par un nombre croissant de consommateurs désireux de se procurer des produits obtenus grâce à des substances et à des procédés naturels. La production biologique joue ainsi un double rôle sociétal : d'une part, elle approvisionne un marché spécifique répondant à la demande de produits biologiques émanant des consommateurs et d'autre part, elle fournit des biens accessibles au public qui contribuent à la protection de l'environnement et du bien-être animal ainsi qu'au développement rural. » De plus, comme le souligne le considérant (3), « la demande croissante de produits biologiques exprimée par les consommateurs crée des conditions propices au développement et à l'expression du marché de ces produits, et donc à l'augmentation du revenu des agriculteurs pratiquant la production biologique. » Par conséquent, le bien-être animal, la protection de l'environnement et une rémunération décente du travail des agriculteurs font bien partie des principes de base qui sous-tendent l'agriculture biologique au niveau européen. Dans un contexte d'évolution dynamique du secteur biologique, le nouveau règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil a été élaboré afin de remplacer la réglementation précédente (règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil). Néanmoins, cette révision réglementaire n'est toujours pas achevée. La Commission et les États membres sont encore en train d'élaborer de concert les actes dits secondaires comme le prévoit le considérant (11) du règlement (UE) 2018/848. Toutes les annexes du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil doivent être actualisées et mises à jour. La question d'une éventuelle évolution et des conditions d'utilisation du logo agriculture biologique (AB) français est bien inscrite dans le plan Ambition Bio 2022 qui, à l'axe 6, prévoit d'expertiser les conditions d'adaptation du logo AB. Des réflexions démarrent à ce sujet à l'Agence Bio en lien avec l'institut national de l'origine et de la qualité et les pouvoirs publics, propriétaires de la marque. D'autre part, la certification haute valeur environnementale (HVE) est un dispositif public récent, opérationnel depuis février 2012. Elle valorise les exploitations qui s'engagent volontairement dans des pratiques agroécologiques. Depuis les états généraux de l'alimentation et l'inscription de la HVE dans l'article L. 611-6 du code rural, la HVE connaît un important dynamisme. La démarche est en plein développement ; des filières entières s'engagent dans le dispositif. Plusieurs distributeurs et entreprises de transformation agroalimentaires ont déjà mis au point leurs premières gammes de produits issus d'exploitations certifiées HVE (vins, légumes, fruits, pain …), ce qui génère actuellement une forte demande au niveau de l'amont agricole. Le nombre d'exploitations certifiées HVE connaît ainsi actuellement une importante augmentation (5 399 exploitations certifiées HVE au 1er janvier 2020 contre 1 518 au 1er janvier 2019). La HVE montre bien que concilier les contraintes de production des agriculteurs et la demande des citoyens est possible. Il est important de garder à ce stade un référentiel stable afin de fidéliser les exploitants et faire connaître le dispositif auprès des consommateurs. Toutefois, afin d'adapter au mieux le référentiel en fonction de l'expérience acquise, des travaux ont d'ores et déjà été initiés au sein de la commission nationale de la certification environnementale pour identifier les freins et, le cas échéant, prendre en compte les spécificités de certaines productions et ainsi participer à dynamiser leur engagement dans ce dispositif.