15ème législature

Question N° 30795
de Mme Naïma Moutchou (La République en Marche - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > impôt sur les sociétés

Titre > Transmission à titre gratuit de droits sociaux dans l'optique d'intêret général

Question publiée au JO le : 30/06/2020 page : 4511
Date de changement d'attribution: 21/05/2022
Question retirée le: 21/06/2022 (fin de mandat)

Texte de la question

Mme Naïma Moutchou appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le cas des transmissions à titre gratuit de droits sociaux, ayant précédemment donné lieu à l'application du report d'imposition de la plus-value en application de l'article 150-0 B ter du CGI, au profit d'organismes sans but lucratif, lesquels les revendent ensuite pour financer des projets d'intérêt général, potentiellement de grande ampleur. Depuis 2013, les lois de finances successives, le Conseil constitutionnel et la jurisprudence du Conseil d'État tendent à encadrer ces opérations de restructuration lorsque celles-ci s'inscrivent dans un cadre patrimonial pour les chefs d'entreprise désirant la céder ou la transmettre, dans l'objectif de limiter alors certaines optimisations fiscales en matière d'impôt de plus-value principalement. Dans ce contexte, il apparaît alors que le cadre fiscal général applicable entraîne certaines incertitudes lorsque ces opérations s'inscrivent dans un contexte philanthropique, alors qu'il s'agit ici de permettre le financement de missions d'intérêt général. Tel est notamment le cas du régime de report d'imposition applicable aux opérations « d'apport-cession », prévu à l'article 150-0 B ter du CGI. Résultant de la loi de finances rectificative pour 2012, ce régime prévoit, en cas d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés et contrôlée par l'apporteur, que la plus-value latente de ce dernier est alors placée en report automatique d'imposition, jusqu'à la survenance de certains évènements dans un délai déterminé mettant fin au report. Tel est le cas par exemple d'une cession par la société bénéficiaire de l'apport des titres reçus, dans un délai de trois ans à compter de l'opération. Par exception, le report est maintenu dans ce cas, si la société s'engage à réinvestir au moins 60 % du produit de la vente dans un délai de deux ans, dans des actifs économiques éligibles définis précisément. Le II de l'article 150-0 B ter prévoit certes l'hypothèse dans laquelle, après l'apport, l'apporteur transmet par donation les titres qu'il a reçus en échange de son apport. Conformément à l'article 150-0 A, le donateur se trouve exonéré de toute imposition dès lors que la transmission est réalisée à titre gratuit et soumise aux droits de mutation, ce qui « purge » la plus-value. Néanmoins, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-775 du 12 avril 2019, le II de l'article 150-0 B ter dispose que « la plus-value en report est imposée au nom du donataire et dans les conditions de l'article 150-0 A » du CGI, en cas de cession à titre onéreux des titres donnés dans un délai de 18 mois (désormais de cinq ou dix ans), ou lorsque les conditions du réinvestissement ne sont pas respectées, et a fortiori si le réinvestissement n'est pas réalisé. La lecture du deuxième alinéa du II de l'article 150-0 B ter du CGI, disposant que « la plus-value en report est imposée au nom du donataire et dans les conditions de l'article 150-0 A », soulève une ambiguïté dans le cas particulier où le donataire serait un organisme d'intérêt général comme une fondation reconnue d'utilité publique ou un fonds de dotation. En effet, conformément à leur régime fiscal résultant du 5 de l'article 206 du CGI, ces organismes sans but lucratif au sens fiscal sont exonérés de toute imposition sur leurs gains en capital et ne relèvent pas de l'article 150-0 A applicable aux seules personnes physiques. Une interprétation littérale de l'alinéa 2 du II de l'article 150-0 B ter, en ce qu'il renvoie de manière générale à l'article 150-0 A, pourrait laisser penser que la plus-value en report est imposée dans ces conditions, quel que soit le régime fiscal du donataire. Or, d'une part la lecture des débats parlementaires ayant introduit cet alinéa à l'article 13 du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (amendement n° 318, projet n° 403) montre que cette disposition a été adoptée comme une clause anti-abus dans le cas de schémas patrimoniaux intéressant les personnes physiques (l'essentiel de ce projet de loi était de lutter contre des schémas d'optimisation patrimoniale). Toutefois, ce dispositif d'apport-cession suivi d'une donation au profit d'organismes d'intérêt général présente aujourd'hui un réel intérêt face à la raréfaction des ressources de ces organismes, et ne correspond pas aux situations abusives que cette disposition entendait limiter. Au demeurant, un organisme sans but lucratif n'est pas en mesure de remplir les obligations déclaratives applicables qui ne concernent que l'impôt sur le revenu. Ceci souligne bien que cette disposition a été conçue dans un contexte concernant exclusivement des personnes physiques, mais n'interdit pas pour autant ce type d'opération en faveur d'organismes d'intérêt général. D'autre part, la CJUE a récemment rappelé que « le report du fait générateur de l'imposition de la plus-value afférente aux titres échangés implique nécessairement que l'imposition de cette plus-value suive les règles fiscales et le taux à la date où intervient le fait générateur » (CJUE, 18 septembre 2019, aff. 662/18 AQ et 672/18 DN). Le report du fait générateur entraîne selon la CJUE que les règles fiscales applicables sont celles en vigueur au jour de l'évènement mettant fin au report. L'ensemble de ces éléments devrait donc permettre de considérer qu'en cas d'expiration du report après la donation à une fondation ou un fonds de dotation, il sera fait application du régime fiscal personnel du donataire au jour du fait générateur, la référence à l'article 150-0 A ne s'expliquant que par le contexte de lutte contre les schémas abusifs ne visant que les personnes physiques. C'est pourquoi Mme la députée l'interroge sur l'interprétation à retenir dans cette hypothèse et de confirmer que dans ce cadre-là, d'une part l'organisme sans but lucratif non assujetti à l'impôt sur les sociétés n'est redevable d'aucune imposition conformément à son régime fiscal propre et, d'autre part, que le donateur qui s'est dépouillé de ses titres n'est lui-même redevable d'aucune imposition à proportion de la donation, au même titre qu'une donation préalable à la cession. Par ailleurs, elle l'interroge aussi sur le sort de l'obligation de réinvestissement de la société bénéficiaire de l'apport des titres si tout ou partie des titres de celle-ci font l'objet d'une donation à un organisme d'intérêt général : soit alors même que les titres apportés avaient déjà été cédés et que courait l'obligation de réinvestissement ; soit alors que le délai de 3 ans n'était pas encore expiré et que la société bénéficiaire de l'apport des titres cède tout ou partie des titres apportés.

Texte de la réponse