Question de : M. Jacques Marilossian
Hauts-de-Seine (7e circonscription) - La République en Marche

M. Jacques Marilossian appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le statut du lanceur d'alerte. Dans son rapport annuel d'activité pour l'année 2019, le Défenseur des droits détaille les failles du dispositif adopté dans le cadre de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite loi « Sapin 2 ». Le dispositif permet de protéger tout lanceur d'alerte face aux représailles professionnelles et aux sanctions civiles, et comprend également un mécanisme d'irresponsabilité pénale dans le cas de la divulgation d'un secret protégé. Le Défenseur des droits estime que ce dispositif doit être renforcé. Celui-ci est mal connu des employeurs publics et privés, car seulement 255 dossiers ont été enregistrés en trois ans par l'institution. Le dispositif serait aussi insuffisamment sécurisé pour les citoyens. Selon le Défenseur des droits, le parcours du lanceur d'alerte demeure très « difficile » car « la législation est complexe, et les conditions à remplir pour bénéficier du régime de protection sont nombreuses ». Par exemple, un lanceur d'alerte peut perdre le bénéfice du régime de protection s'il ne respecte pas la procédure d'alerte interne. C'est aussi le cas si la confidentialité des informations qu'il détient n'est pas garantie. Il souhaite savoir si le Gouvernement compte retravailler ce dispositif pour le rendre plus accessible et plus protecteur pour les citoyens souhaitant faire un signalement.

Réponse publiée le 15 décembre 2020

Le dispositif général de protection des lanceurs d'alerte, inspiré de la Recommandation CM/Rec (2014) 7 du Conseil de l'Europe du 30 avril 2014, a été créé par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, également appelée « Sapin II », et la loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte. Selon ces dispositions, le Défenseur des droits peut être saisi, par écrit, afin d'orienter toute personne signalant une alerte vers les autorités compétentes et d'assurer la protection de ses droits et libertés contre toute mesure de rétorsion ou de représailles. Le droit français sera amené à évoluer pour tenir compte de la directive UE 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union, publiée au journal officiel de l'Union européenne le 26 novembre 2019. Elle doit être transposée avant le 17 décembre 2021 pour le secteur public ainsi que les entreprises de plus de 249 travailleurs du secteur privé et avant le 17 décembre 2023 pour les entités juridiques du secteur privé comptant 50 à 249 travailleurs. Deux types d'évolutions doivent être distingués : les évolutions imposées par la directive et les évolutions qui se présentent sous forme d'options. Au titre des évolutions obligatoires, de nombreuses dispositions de la législation nationale devront être révisées, notamment pour que, en conformité avec l'article 10 de la directive, le lanceur d'alerte puisse, le cas échéant, procéder à un signalement externe, sans être astreint à effectuer préalablement un signalement interne. Dans le respect des conditions fixées par la directive, le fait pour un lanceur d'alerte de porter son signalement directement au niveau du canal externe, et même, sous certaines conditions, de divulguer son alerte par voie de presse ne pourra le priver a priori de la protection qu'elle institue. L'accessibilité de la procédure sera donc renforcée. Le droit français devra également intégrer de nouveaux standards pour le traitement de l'alerte, en interne et en externe, notamment pour garantir la confidentialité des informations communiquées et de l'identité de l'auteur du signalement, ainsi que son information tout au long de la procédure. La directive contient enfin des dispositions pour favoriser l'information du public sur la procédure d'alerte et la protection des auteurs de signalements. Dans le cadre de l'exercice de transposition, il reviendra au législateur d'adopter un dispositif équilibré combinant la nécessaire protection des lanceurs d'alerte, qui œuvrent au service de l'intérêt général, y compris des entreprises, avec des processus de signalement et de divulgation protecteurs des intérêts légitimes, tels que ceux protégés par le secret défense, médical ou de l'avocat. Les différents choix à opérer à l'occasion de cette transposition s'appuieront sur l'expérience acquise dans la mise en œuvre des différents dispositifs nationaux existants, mais également sur les suggestions de l'ensemble des personnes intéressées. Ces discussions porteront notamment sur le rôle du Défenseur des droits dans le dispositif à venir, dès lors qu'au rang des options ouvertes par la directive figure la possibilité de désigner, d'une part, une autorité compétente unique au titre du canal externe, habilitée à recevoir l'ensemble des signalements, et d'autre part, une autorité compétente, pouvant être la même, pour mettre en œuvre les mesures de soutien du lanceur d'alerte et d'information du public. Le Défenseur des droits sera interrogé dans le cadre des travaux de transposition de la directive. Ceux-ci seront ainsi l'occasion de parfaire le fonctionnement des différents aspects du dispositif français, d'y intégrer les nouvelles garanties issues de la directive et d'aboutir à un ensemble équilibré entre les intérêts des différentes parties prenantes. C'est par des règles et procédures accessibles, précises et claires que la nouvelle législation assurera la protection légitime des lanceurs d'alerte, tout en prévenant l'émergence d'une société de suspicion.

Données clés

Auteur : M. Jacques Marilossian

Type de question : Question écrite

Rubrique : Crimes, délits et contraventions

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 7 juillet 2020
Réponse publiée le 15 décembre 2020

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