15ème législature

Question N° 30
de M. Régis Juanico (Nouvelle Gauche - Loire )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Travail
Ministère attributaire > Travail

Rubrique > travail

Titre > pénibilité au travail

Question publiée au JO le : 13/07/2017
Réponse publiée au JO le : 13/07/2017 page : 1440

Texte de la question

Texte de la réponse

PÉNIBILITÉ AU TRAVAIL


M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Monsieur le Premier ministre, à l'âge de trente-cinq ans, l'écart d'espérance de vie entre un cadre et un ouvrier est de six ans pour les hommes, de trois ans pour les femmes. Cette inégalité sociale majeure se traduit très concrètement. Les salariés exposés à des conditions de travail pénibles bénéficient de leur retraite moins longtemps que les autres et dans un état de santé plus dégradé. La pénibilité au travail est une réalité quotidienne pour des millions de salariés. Personne ne peut le nier, pas même le Président de la République.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité – C3P – est une grande avancée sociale en faveur des ouvriers. Fruit d'un long travail parlementaire avec les organisations syndicales, voté par la précédente majorité, mis en œuvre progressivement depuis 2015, adapté et simplifié pour une meilleure application dans les petites entreprises, le C3P concilie prévention et réparation. À ce jour, 800 000 salariés ont ouvert un compte.

Monsieur le Premier ministre, vous venez d'annoncer une remise en cause du C3P. Premier recul, vous changez la nature du dispositif : quatre critères sur dix sont sortis du compte pénibilité : la manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l'exposition aux risques chimiques, à l'origine de nombreux cancers d'origine professionnelle. C'est un retour en arrière à la loi Woerth-Fillon de 2010 : une vision médicalisée, a posteriori et restrictive de la pénibilité, contraire à une politique de prévention et qui limitera le nombre de bénéficiaires.

Second recul, les entreprises n'assumeront plus par des cotisations spécifiques le financement du compte pénibilité confié à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de l'assurance-maladie. Toute incitation financière à diminuer la pénibilité au travail, au plus près du terrain, disparaît.

Monsieur le Premier ministre, vous avez donné satisfaction sur toute la ligne aux organisations patronales les plus hostiles au compte pénibilité, et qui n'ont cessé de faire obstruction à sa mise en place. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR.)

Mme Danièle Obono. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le député, vous avez raison sur le premier point, mais vous faites erreur sur le second. Oui, partir deux ans plus tôt à la retraite à taux plein, parce que l'on a connu des conditions physiques pénibles dans sa vie professionnelle est un élément de justice sociale. Cela a été voté dans le passé. Le Premier ministre l'a confirmé, nous ne changeons rien à ce dispositif de justice sociale et aux dix facteurs de risques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.)

Néanmoins, les modalités d'application étaient – pardonnez-moi le terme – ubuesques, voire kafkaïennes pour les TPE et les PME.

Mme Véronique Louwagie. Très bien !

Mme Muriel Pénicaud, ministre . Imaginez que l'on demandait, à partir d'une déclaration dont la date limite était le 30 septembre 2017, à un agriculteur ou à un artisan de chronométrer chaque jour le temps pendant lequel ses salariés portaient des charges. C'était inapplicable et cela angoissait beaucoup les PME ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et sur quelques bancs du groupe LR.)

M. Gilles Lurton. C'était une usine à gaz !

Mme Muriel Pénicaud, ministre . Ce que nous souhaitons faire – et je soumettrai cette proposition, la semaine prochaine, au Conseil d'orientation des conditions de travail pour une mise en œuvre sous forme d'ordonnances dans le cadre du projet de loi pour le renforcement du dialogue social, en cours de discussion à l'Assemblée –, c'est maintenir le dispositif, mais externaliser l'évaluation de l'exposition aux quatre derniers facteurs de risques, en soumettant les salariés à des examens médicaux objectifs. Cette évaluation est aujourd'hui inapplicable dans les petites entreprises et apporte de la complexité sans justice sociale supplémentaire.

M. Olivier Faure. Cela n'a rien à voir !

Mme Muriel Pénicaud, ministre . En outre, la loi précédente prévoyait un système de comptage de points. Certains des salariés aujourd'hui exposés auraient dû attendre dix-sept ans pour pouvoir partir. Avec cette réforme, ce sont 10 000 salariés qui pourront partir en retraite à taux plein dès l'année prochaine.

M. Régis Juanico. C'est faux !

Mme Muriel Pénicaud, ministre . Cela renforce la justice sociale et réduit la complexité de la procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)