15ème législature

Question N° 31157
de M. Bruno Fuchs (Mouvement Démocrate et apparentés - Haut-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Commerce illégal d'or du Sahel vers les Émirats Arabes Unis

Question publiée au JO le : 14/07/2020 page : 4856
Réponse publiée au JO le : 20/10/2020 page : 7310

Texte de la question

M. Bruno Fuchs attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le commerce illégal d'or dans la bande sahelo-saharienne et sur son impact sécuritaire négatif dans la région. De récentes études révèlent que le trafic d'or est devenu une importante source de financement pour les groupes terroristes présent dans la région sahélo-saharienne, au même titre que le trafic d'armes ou de drogues. Ainsi, le rapport final S/2019/636 du groupe d'experts des Nations unies sur le Mali datant d'août 2019 souligne une mainmise des groupes djihadistes sur la production aurifère aux frontières entre le Burkina-Faso et le Togo ou entre le Burkina-Faso et le Nigéria. L'or transite ensuite illégalement par le Togo ou la Libye pour alimenter le marché mondial. Une étude de l'OCDE intitulée « Évaluation des chaînes d'approvisionnement en or produit au Burkina Faso, au Mali et au Niger » réalisée en 2018 fait elle aussi état d'un contrôle du commerce de l'or par les djihadistes et alerte sur « un certain nombre d'interférences des groupes armés non-étatiques / terroristes dans la production et le commerce de l'or ». En sus, M. Oumarou Idani, ministre burkinabé chargé de la production minière, estime que sur les 9,5 tonnes d'or qui sont exportées du Burkina-Faso chaque année, entre 200 et 400 kilos seulement sont légalement déclarées à l'exportation, témoignant d'un commerce qui échappe aux autorités étatiques. Les différents travaux sur la question montrent que si les activités illégales liées à la contrebande de l'or ont cours dans tout le continent africain, elles sont particulièrement importantes dans les pays du Sahel. Par ailleurs, une enquête de l'agence Reteurs intitulée « Gold worth billions smuggled out of Africa » publiée en avril 2019 met en lumière qui sont les bénéficiaires du trafic illégal d'or en Afrique. Ainsi, les Émirats Arabes Unis auraient significativement augmenté le volume des importations en or ces dernières années. En 2016, les Émirats Arabes Unis ont importé 446 tonnes d'or d'Afrique (contre 67 en 2006) devant les premiers importateurs d'or africain au monde, loin devant la Chine. On peut observer une concomitance entre l'accroissement des importations aurifères pour ce pays et l'émergence de tensions et du groupe djihadistes dans la région sahélienne. Plus encore, le rapport de l'agence Reuteurs souligne que pour l'ensemble des États africains pour lesquels des données sont disponibles, le total des exportations légales d'or était moins important que les importations déclarées par les Émirats Arabes Unis. On observe donc que d'immenses quantités d'or sont importées de manière informelle et dans la plus grande opacité vers Dubaï. Le bénéfice tiré de l'exploitation illégale de mines d'or en Afrique par les Émirats Arabes Unis pose question, notamment au regard du soutien qu'apporte cet Etat à la coalition « G5 Sahel » qui vise à éradiquer le terrorisme et l'instabilité provoquée par les différents groupes djihadistes en présence. Il semble paradoxal que les Émirats Arabes Unis ait un rôle prépondérant dans la lutte armée contre le terrorisme, dans le développement économique de la région et dans les efforts de paix tout en tirant profit d'un commerce informel échappant aux États et détenu en grande partie par des groupes terroristes. Cette situation met à mal les efforts militaires et diplomatiques de la France au Sahel. Elle est tout aussi préjudiciable pour le développement économique ou le respect des droits de l'homme dans la région. Ainsi, il lui demande comment la France compte agir pour mettre fin à la contrebande d'or dans le Sahel et comment elle compte influer sur l'ensemble des parties prenantes au G5 Sahel pour qu'elles poursuivent toutes ce même objectif.

Texte de la réponse

L'exploitation et le commerce illégal d'or constituent effectivement une des sources de financement pour les groupes terroristes ou de grand banditisme qui évoluent au Sahel. Dans le cadre de sa coopération au développement, la France soutient des initiatives visant à appuyer les pays du G5 Sahel à mieux encadrer le secteur aurifère. Par exemple, au Burkina Faso, un projet du Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI), d'un montant de 800 000 euros, apporte un soutien à l'Agence nationale d'encadrement des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées (ANEEMAS) pour promouvoir de meilleures pratiques sur les plans socio-économique et environnemental. Par ailleurs, la France apporte son soutien aux services de lutte contre les trafics : police et douanes. Au Mali elle met à disposition des experts, propose des formations et offre des matériels. Au Niger elle déploie, depuis 2015, une assistance technique auprès de la Direction générale des douanes, afin de soutenir la mobilisation des recettes et de renforcer la lutte contre les trafics. La France soutient les ministères des finances sahéliens en matière d'efficacité, transparence et redevabilité de la mobilisation des recettes liées au secteur extractif. Au Mali (3e producteur d'or sur le continent), le programme d'amélioration des finances publiques est financé, sur le programme 209 du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, à hauteur de 10 millions d'euros, par l'Agence Française de Développement (AFD) et mis en œuvre par Expertise France sur la période 2019-2022. Il prévoit un effort sur la taxation, donc le contrôle, de l'orpaillage traditionnel. Au Niger, l'AFD conduit un projet d'appui à la mobilisation des ressources intérieures de 5 millions d'euros, soutenant les régies publiques (douanes, impôts, Trésor) dans la mise en œuvre du Programme de réforme des finances publiques qui concerne, au premier chef, le secteur minier. Conformément à sa stratégie pour le Sahel, qui prend en compte les aspects multidimensionnels de la crise sahélienne, la France s'attache à promouvoir une meilleure gouvernance et une gestion plus transparente des industries extractives, dans le cadre de l'Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), dont tous les Etats du G5 Sahel sont membres. La France a par ailleurs soutenu le Niger afin qu'il puisse remplir les critères d'exigence pour réintégrer l'ITIE, ce qui a été approuvé en février dernier. A ce titre, la France échange avec les Emirats Arabes Unis dans le cadre de la résolution de la crise sahélienne, notamment dans le cadre de la Coalition pour le Sahel, et en ce qui concerne le soutien à la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S). Le ministre d'État émirien à la Coopération internationale, M. Reem al Hashimy, a participé à la première réunion ministérielle de la Coalition pour le Sahel qui s'est tenue par visioconférence le 12 juin dernier. Coprésidée par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, son homologue mauritanien, et M. Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne et Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, cette réunion a permis d'élargir la Coalition pour le Sahel au-delà des partenaires européens, avec la participation de 60 représentants d'États et d'institutions internationales (ONU, Union européenne, Union africaine, CEDEAO, UEMOA, Banque mondiale, Banque africaine de développement), dont 35 ministres des affaires étrangères et 10 secrétaires d'État.