15ème législature

Question N° 31459
de M. Sylvain Brial (Libertés et Territoires - Wallis-et-Futuna )
Question écrite
Ministère interrogé > Mer
Ministère attributaire > Mer

Rubrique > outre-mer

Titre > Autorité sur l'espace maritime des îles de Wallis et Futuna.

Question publiée au JO le : 28/07/2020 page : 5061
Réponse publiée au JO le : 24/11/2020 page : 8441
Date de signalement: 17/11/2020

Texte de la question

M. Sylvain Brial appelle l'attention de Mme la ministre de la mer sur la traité des Nations unies sur la haute mer et ses conséquences pour le territoire des îles de Wallis et Futuna. Ce traité qui arrive à sa phase conclusive pourrait placer la haute mer comme « bien commun de l'humanité ». Cette disposition placerait la gestion des pêches dans le cadre d'une gestion commune. Le député attire l'attention de la ministre sur le fait que le territoire de Wallis et de Futuna ne peut accepter de voir son autorité contestée sur son espace maritime. Il lui rappelle le rejet de l'accord sur la pêche par les autorités locales en 2015 à la veille de sa signature. Il lui rappelle également le litige entre les autorités locales et le Gouvernement concernant une ordonnance pouvant mettre en cause l'autorité des pouvoirs traditionnels sur l'espace maritime. Il lui demande quelle information a été donnée aux autorités locales sur le sujet et quand une consultation locale sera menée pour connaître l'opinion des chefferies locales. Il souhaite qu'un travail en commun puisse être mené sur le sujet.

Texte de la réponse

Aux termes de l'article 7 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles de Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer, la République assure les relations et communications extérieures du territoire. C'est à l'administrateur supérieur sur place qu'il revient d'informer les autorités locales sur les sujets « relations extérieures ». Le préfet administrateur supérieur de Wallis-et-Futuna, en lien avec le ministère des outre-mer et l'ambassadeur chargé des océans, tiendra informé les autorités locales de la négociation sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine au-delà des juridictions (Biodiversity Beyond National Jurisdiction : BBNJ). Le projet de traité peut être consulté sur le site des Nations unies au : https://undocs.org/en/a/conf.232/2020/3 La France reste vigilante sur l'effet de ces négociations sur l'outre-mer, et la collectivité de Wallis-et-Futuna sera consultée sur le projet de loi de ratification du traité. Par sa résolution 72/249, l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a lancé en 2017 les négociations d'un nouveau traité juridiquement contraignant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine au-delà des juridictions « BBNJ ». Depuis, les négociations se déroulent sous la forme d'une conférence intergouvernementale (CIG). La dernière des quatre sessions de négociation prévues, CIG4 en 2021, devra finaliser et soumettre à l'AGNU le texte final. Ce traité vise à établir un cadre de gouvernance global et portera sur quatre piliers principaux :la mise en place d'outils de gestion par zone, dont l'établissement d'aires marines protégées ;des études d'impact environnemental pour les activités au-delà des juridictions nationales ;la création d'un régime d'accès et de partage des avantages issus des ressources génétiques marines au-delà des juridictions nationales ;le transfert de technologies marines et le renforcement des capacités des pays en développement. Les pays développés portent essentiellement les deux premiers thèmes alors que pour les pays en développement, le G77, l'enjeu majeur de la négociation concerne la reconnaissance du statut de patrimoine commun de l'humanité pour les ressources génétiques marines et l'établissement d'un régime d'accès et de partage des avantages issus de la commercialisation des produits. Pour le G77, ce statut juridique, qui existe pour les ressources minérales dans les fonds marins, permettrait un partage bénéficiant à l'humanité entière et non seulement aux pays qui disposent des technologies marines. Une telle reconnaissance remettrait en cause la convention sur le droit de la mer, ce qui est inacceptable pour les pays développés et pour la France, car cette proposition aurait, en effet, un impact sur les ressources halieutiques (la pêche). Une solution alternative de nature politique devra donc être trouvée pour aller dans le sens de la demande du G77, tout en prenant en compte le fait que la négociation "BBNJ" n'a pas de mandat pour modifier la convention sur le droit de la mer et les régimes juridiques existants des fonds marins et de la colonne d'eau. La résolution AGNU limite le champ d'application du futur accord aux quatre piliers spécifiques énoncés ci-dessus. Par conséquent, la France considère que la solution politique serait que l'océan au-delà des juridictions nationales soit considéré comme un bien commun de l'humanité et non comme un patrimoine commun, terminologie qui aurait des implications juridiques. Ce concept n'est pas un nouveau statut juridique, mais une incitation morale adressée aux États visant à une plus grande protection des espaces marins tout en respectant l'équilibre des droits et des obligations existantes. La référence à l'océan comme bien commun de l'humanité semble une alternative politique réalisable et pourrait figurer dans le préambule du futur traité et non dans la partie opérationnelle, pour marquer qu'il ne s'agit pas d'attribuer des droits sur l'océan et sur ses ressources (dont la pêche), mais de susciter une mobilisation globale forte en termes de protection et de gestion collective plus efficace dans l'intérêt de l'humanité. À ce stade, les vues divergent et ce concept n'est pas acté dans la négociation. Sur la question relative à la « pêche », la position de l'Union européenne et de la France est ferme : le traité « BBNJ » ne portera pas sur la gestion de la pêche. Une clause de coopération entre l'organe de décision « BBNJ » et les organisations régionales de pêche est en train d'être négociée afin de faciliter la communication et d'assurer le respect des mandats respectifs des organisations régionales. La compétence pêche « sous juridiction » relève de la collectivité Wallis-et-Futuna. Le traité « BBNJ » s'appliquera au-delà des juridictions nationales et ne pourra empiéter sur les compétences détenues par la collectivité en la matière (article 74 de la Constitution). À Wallis-et-Futuna, l'article 12 de la loi du 29/7/1961 renvoie pour la détermination des compétences de l'assemblée territoriale, à l'article 40 du décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l'assemblée territoriale. Au titre 11, la collectivité est compétente pour délibérer dans les domaines relevant de l'agriculture, forêts, régime des eaux non maritimes, protection des sols, protection de la nature et des végétaux, lutte phytosanitaire. L'État n'est donc pas compétent pour légiférer en matière d'environnement à Wallis-et-Futuna. Seules certaines dispositions issues de conventions internationales y sont applicables (articles L631-1 à L635-5 et R631-1 à R635-7 du titre III livre VI du code de l'environnement). À ce titre, cette collectivité a publié son propre code de l'environnement par délibération modifiée du 2 octobre 2006. En outre, eu égard au 13° de cet article 40, Wallis-et-Futuna est compétente pour ce qui relève de la pêche maritime, sans qu'il puisse être porté atteinte aux dispositions de la loi du 1er mars 1888 relative à l'exercice de la pêche dans les eaux sous souveraineté ou juridiction française s'étendant au large des côtes des territoires d'outre-mer, au régime des eaux territoriales, aux lois et règlements généraux relatifs à la pêche hauturière ; pêche fluviale. L'État reste, néanmoins, le garant de la souveraineté et de la protection des intérêts nationaux. Sur la question des « pouvoirs traditionnels sur l'espace maritime » et la négociation « BBNJ », les discussions soulevées par les pays du Pacifique dans ce cadre portent sur une forme de reconnaissance des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques marines au-delà des juridictions nationales. Si les termes « pouvoirs traditionnels » sont employés dans le contexte du dispositif national APA (accès et partage des avantages) qui prévoit, en effet, la consultation des communautés d'habitants pour l'utilisation de leurs connaissances et savoirs traditionnels, le contexte est différent dans le cadre de la négociation « BBNJ ». La France considère que les connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques détenues par les populations locales en outre-mer sont déjà couvertes par le traité de Nagoya (2010), transposé en droit français via les dispositions de la loi nationale sur la biodiversité (2016) et que le dispositif applicable aux connaissances traditionnelles doit être spécifique et respecter les compétences des collectivités d'outre-mer sur cette question. La consultation des populations locales, prévue dans la loi biodiversité (2016), est obligatoire. Sur l'ordonnance pouvant mettre en cause l'autorité des pouvoirs traditionnels sur l'espace maritime, cela ne semble pas relever des thématiques traitées dans la négociation « BBNJ » dont le contenu n'est donc pas de nature à motiver un travail en commun entre la collectivité et le ministère de la mer sur cette thématique. L'ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française a vocation à consolider le droit applicable aux espaces maritimes, qui se trouvait être particulièrement fragmenté.