15ème législature

Question N° 32092
de M. Hubert Wulfranc (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Citoyenneté

Rubrique > réfugiés et apatrides

Titre > Moyen de paiement pour les bénéficiaires de l'allocation pour demandeur d'asile

Question publiée au JO le : 08/09/2020 page : 5896
Réponse publiée au JO le : 08/06/2021 page : 4718
Date de changement d'attribution: 15/09/2020
Date de signalement: 19/01/2021

Texte de la question

M. Hubert Wulfranc interroge M. le ministre de l'intérieur sur les facultés de paiement ouvertes aux bénéficiaires de l'allocation pour demandeur d'asile accordée aux réfugiés le temps de l'examen de leur dossier de demande. Les dispositions du décret n° 2018-1359 du 28 décembre 2018 codifiées à l'article D. 744-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoient la possibilité de verser l'ADA par alimentation d'une carte de paiement ou d'une carte de retrait. Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de I'intégration (OFII) a fait le choix du passage d'une carte de retrait à une carte exclusivement dédiée au paiement à compter du 5 septembre 2019. La gestion de cette carte de paiement a été confiée à la société « Up » dans le cadre d'un marché public. Cette nouvelle carte génère aujourd'hui de nombreuses difficultés quotidiennes pour les allocataires de cette aide. Alors que la précédente carte permettait de réaliser des retraits d'espèces au distributeur automatique de billets, cette fonctionnalité a été supprimée dans le cadre du dernier appel d'offre réalisé par l'Agence des services de paiements de l'État pour le compte de l'OFII. Plusieurs associations, qui estiment que le passage d'une carte de retrait à une carte de paiement entraîne une dégradation des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ont saisi le Défenseur des droits pour l'alerter sur les difficultés occasionnées par ce nouveau dispositif, tant à l'égard des demandeurs d'asile que des gestionnaires de structures d'hébergement. Dans le même sens, des réclamations de demandeurs d'asile ont également été adressées au Défenseur des droits. Concrètement, il est bien souvent impossible de régler de petites dépenses courantes avec cette carte de paiement, du fait d'un montant minimum d'achat imposé par les commerçants ou pour des raisons techniques liées à l'incompatibilité des terminaux de paiement. D'autres commerçants refusent les paiements effectués avec cette carte du fait du taux de commission particulièrement élevé facturé aux commerçants par la société prestataire Up (3 % du montant contre 0,25 à 0,35 % pour une carte bancaire classique). À défaut de pouvoir retirer des espèces aux distributeurs automatiques de billets, les titulaires de la carte de paiement de l'ADA sont invités à se tourner vers les commerçants qui pratiquent le cash back, à savoir la remise d'espèces contre un paiement par carte dans le cadre d'un achat. Cette pratique, légale, reste peu usitée en France du fait des réticences de nombreux commerçants et induit nécessairement l'achat d'un article ou parfois, le prélèvement d'une commission par le commerçant. En recherche de liquidités pour régler certaines dépenses, certains allocataires de l'ADA n'ont parfois d'autres solutions que de pratiquer le cash back informel avec d'autres personnes qui peuvent profiter de la situation pour prélever une commission totalement illégale à un taux usuraire. Ne pouvant généralement pas bénéficier d'un compte bancaire classique, les demandeurs d'asile logés par des bailleurs privés n'ont d'autre choix que de régler leurs loyers en espèces à leurs propriétaires, ceux-ci disposant rarement d'un terminal de paiement. L'obligation de réaliser exclusivement les achats dans les commerces dotés de terminaux de paiement électronique et au-dessus d'un certain montant limite fortement, quand elle ne l'interdit pas, l'accès de ces personnes aux nombreux commerces de proximité dépourvus d'un terminal comme les épiceries sociales et solidaires, les marchés, les brocantes, les friperies ou les laveries, tout comme des dépenses de la vie quotidienne exigeant des espèces (titre de transport à l'unité, sorties scolaires). De même, la détention de cette carte génère des coûts pour son titulaire. Ainsi, déclarer un incident de fonctionnement, consulter un solde ou faire une opposition en cas de perte ou de vol sont autant d'actions qui nécessitent l'utilisation d'un numéro de téléphone payant. L'ensemble de ces contraintes compliquent inutilement les conditions de vie déjà particulièrement précaires des personnes allocataires de l'ADA au regard de la modestie des sommes en jeu (200 euros par mois pour une personne seule, un peu plus de 500 euros pour une famille de 4 personnes). Dans sa décision n° 2020-147 du 10 juillet 2020, « le Défenseur des droits recommande au ministre de l'intérieur de modifier les dispositions du décret n° 2018-1359 du 28 décembre 2018 codifiées à l'article D. 744-33 du CESEDA qui prévoient la possibilité de versement de l'ADA par alimentation d'une carte de retrait ou de paiement en vue de la mise en place d'un système mieux adapté à la situation des demandeurs d'asile à savoir une carte mixte ou la possibilité de versement sur le compte bancaire du demandeur s'il en détient un ou en espèces à défaut. » Aussi, il lui demande si le ministère de l'intérieur entend apporter une suite favorable à cette recommandation du Défenseur des droits qui appuie les demandes formulées dans ce sens par de nombreuses associations humanitaires.

Texte de la réponse

La mise en place d'une carte de paiement, sans possibilité de retrait, permet, en limitant la circulation d'argent liquide, d'éviter que l'allocation pour demandeur d'asile serve à d'autres fins que celles d'assurer la subsistance du demandeur d'asile, au moyen de dépenses courantes sur le territoire national. Ce faisant, les risques de fraudes et d'abus, liés à une trop grande liquidité de l'allocation, seront mieux maîtrisés. Avant sa généralisation au territoire métropolitain, cette mesure a fait l'objet d'une expérimentation durant plusieurs mois en Guyane : les retours ont été positifs et ont montré que la mise en place d'une carte de paiement en lieu et place d'une carte de retrait ne dégradait en rien les conditions de vie des demandeurs d'asile. En outre, le Gouvernement est à l'écoute des associations qui ont été reçues au ministère de l'intérieur et qui participent à un comité de suivi de la réforme pour garantir que celle-ci ne génère pas de difficulté. L'entrée en vigueur de la mesure, initialement prévue en septembre 2019, a été retardée afin de permettre aux opérateurs qui en étaient dépourvus de s'équiper de terminaux de paiement électronique (TPE) et d'assurer une information appropriée des demandeurs. De surcroît, un aménagement important du dispositif a été consenti avec le déplafonnement total du nombre de transactions autorisées. De la sorte, quel que soit le montant de leur transaction, les demandeurs d'asile peuvent continuer à acheter leurs produits de première nécessité dans les supermarchés et les commerces dotés de TPE. Le bilan réalisé par l'office français de l'immigration et de l'intégration a d'ailleurs confirmé la possibilité, pour les demandeurs d'asile, de procéder à de petits achats avec une carte « 100 % paiement », 44 % des transactions ayant porté sur un montant inférieur à 10 € en novembre 2019. De la même manière, alors que les associations craignaient que les demandeurs d'asile hébergés dans des zones rurales moins bien pourvues en commerces ne puissent disposer librement de leur allocation, il ressort de ce bilan que la carte de paiement a été largement utilisée sur l'ensemble du territoire métropolitain, selon une répartition régionale correspondant à celle des allocataires. Enfin, la démonétisation ne méconnaît pas le fait que l'accès des demandeurs d'asile aux espèces demeure utile dans leur vie quotidienne. Ainsi, la pratique du cashback, qui est réservée aux seuls commerçants par le code monétaire et financier, ce qui limite de facto le risque d'abus, permet de récupérer jusqu'à 60 euros en espèces dans le cadre d'un paiement par carte d'un euro minimum. La mise en œuvre de cette mesure continue de faire l'objet d'un suivi attentif. Un groupe de travail réunissant des associations d'horizons divers accompagnant les demandeurs d'asile a été mis en place. Il suit avec attention la mise en œuvre de cette mesure. Le cas échéant, le dispositif pourra être adapté de façon à résoudre les difficultés opérationnelles qui pourraient être signalées.