15ème législature

Question N° 3222
de M. Loïc Prud'homme (La France insoumise - Gironde )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > déchets

Titre > Pollution de la nappe phréatique d'Alsace par les déchets du site de StocaMine

Question publiée au JO le : 28/11/2017 page : 5850
Réponse publiée au JO le : 06/11/2018 page : 10034
Date de changement d'attribution: 05/09/2018
Date de signalement: 02/10/2018

Texte de la question

M. Loïc Prud'homme alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la pollution à venir de la nappe phréatique d'Alsace par le stockage de déchets ultimes très polluants et nocifs sur le site de StocaMine à Wittelsheim (département du Haut-Rhin). Les galeries creusées dans le sel gemme et situées à 550 mètres sous terre ont servi, de 1999 à 2002, à stocker 23 021 tonnes de déchets de classe 1 (résidus d'incinérateurs et de déchets amiantés) et 18 990 tonnes de déchets de classe 0 (terres polluées, déchets chromiques, arseniés, phytosanitaires, mercuriels). En 2014, une dépollution très partielle du site a été entreprise avec le déstockage partiel de déchets contenant du mercure. L'enfouissement pour un temps illimité des déchets restants a été acté par l'arrêté pris le 23 mars 2017 par le préfet du Haut-Rhin. Pourtant cet arrêté ne fait consensus ni parmi les élu-e-s ni parmi les habitant-e-s. En effet, les déchets toxiques, dont pour certains la nature n'est même pas connue précisément, ont déjà révélé par le passé leur dangerosité en engendrant un incendie sur le site en 2002. De plus, certaines galeries se sont effondrées. Le confinement des déchets dans les galeries et leur scellement dans du béton ne protègera pas l'ennoiement des galeries et à terme, la porosité du site de stockage avec la nappe phréatique d'Alsace sus-jacente. Cette nappe est la plus grande d'Europe et pourrait être irrémédiablement polluée par ces déchets toxiques. Il lui demande donc, tant qu'il est encore temps, de mettre en suspens le projet d'enfouissement illimité des déchets sur le site de StocaMine et de réétudier les autres possibilités concernant le stockage de ces déchets.

Texte de la réponse

Le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, est vigilant sur le devenir des déchets entreposés dans l'ancienne installation exploitée par Stocamine. Cette installation a accueilli des déchets de 1999 à 2002, date à laquelle un incendie a conduit à l'arrêt de l'apport de déchets. À la suite de cet incendie, la question du devenir des déchets présents s'est posée et a donné lieu à de nombreux débats publics jusqu'à fin 2016. Les expertises et contre-expertises qui ont nourri ces débats, ont abouti à la conclusion que le mercure représentait le principal enjeu : si de l'eau s'infiltrait dans les travaux miniers et parvenait un jour à traverser les barrières de confinement en amont puis en aval du stockage résiduel envisagé, ce polluant serait susceptible de diffuser dans la partie basse de la nappe d'Alsace au-delà de quelques dizaines de mètres. C'est pourquoi la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a demandé à augmenter de 56 % à 93 % la proportion de déchets mercuriels qui devront être remontés à la surface, soit la limite de ce qui est faisable techniquement. Cet objectif a été dépassé en novembre 2017, avec 95 % de déchets déstockés. Au-delà de ces déchets mercuriels, l'arrêté préfectoral du 23 mars 2017 demande également à l'exploitant de remonter les déchets phytosanitaires contenant du zirame dont la conformité aux conditions d'acceptation dans le site n'était pas établie. La question de la sécurité des déchets enfouis à Stocamine est une question de responsabilité technique, humaine et environnementale. La question, légitime, consiste à savoir pourquoi confiner la part restante des déchets au lieu d'en remonter davantage. Deux possibilités se présentent donc : soit il est possible, dans des conditions raisonnables et sécurisées, de remonter l'ensemble des déchets, soit dans le cas contraire, il convient de définir les conditions les meilleures pour confiner, avec les meilleures techniques disponibles, ceux qui restent au fond. Il est nécessaire de rappeler que le stockage est situé dans un gisement de sel qui a subi un incendie et dont les hypothèses initiales sur le maintien dans le temps des galeries ne sont plus valables. La zone incendiée en 2002 est d'ores et déjà très difficilement accessible et il apparaît aujourd'hui dangereux de déstocker davantage. De plus, un effondrement de galerie majeur ou un autre incident lors de la poursuite des travaux de déstockage compromettrait fortement la possibilité d'effectuer le confinement de ce qui restera. Pour ces raisons, l'État a privilégié en mars 2017 la solution du confinement rapide de ce qui reste dans de bonnes conditions techniques et de sécurité pour les opérateurs, tout en préservant au mieux la nappe en ne laissant pas de déchets non confinés. À l'occasion d'une réponse à une question parlementaire, posée le 5 décembre 2017, la Commission européenne est venue conforter cette position. Elle a considéré que, compte tenu des risques associés aux opérations de déstockage et des dispositions prévues dans l'arrêté préfectoral du 23 mars 2017 pour stocker indéfiniment les déchets restants dans des conditions étanches, l'autorisation délivrée ne constitue pas une violation de la législation de l'Union sur les déchets. Dans un souci de transparence et à la demande du ministre, le préfet a pris contact avec les élus locaux afin que soit programmée une réunion sur l'avancement du dossier en présence des services du ministère. Cette réunion a eu lieu le 23 mars 2018 et a permis d'examiner et d'approfondir tous les aspects de ce dossier difficile et les différentes options pour son évolution. Suite à cette réunion, et pour répondre aux interrogations des élus locaux, le ministre a décidé que l'année 2018 soit mise à profit pour approfondir 4 aspects du dossier : Expertiser le délai de 15 ans mis en avant par les Mines de potasse d'Alsace (MDPA, exploitant de Stocamine) pour remonter l'ensemble des déchets hors bloc 15. Il s'agit en l'espèce de faire conduire une étude par un organisme indépendant (n'ayant pas de lien ou d'intérêt avec les MDPA) pour déterminer la durée, les moyens à mettre en œuvre et le coût d'un tel scénario. En effet, si ce temps était significativement inférieur à 15 ans, la question de la possibilité de les remonter sans prendre de risque se poserait différemment, tout en prenant sérieusement en compte les risques liés à une intervention dans des galeries dégradées avec des colis en mauvais état. Clarifier les éléments disponibles sur le contenu effectif des colis de déchets stockés en précisant leur impact possible sur la nappe en cas d'absence de confinement efficace. Clarifier le calendrier de réalisation des différents bouchons assurant le confinement et donner des éléments sur les galeries d'accès. Se reposer la question du délai de rebouchage des puits, une période de surveillance in situ pendant quelques années de ce qui se passe au fond après le confinement pouvant être intéressante pour mieux gérer le comportement à long terme du stockage. Le ministre s'est engagé à ce que des éléments de réponse à ces 4 points soient fournis, si possible avant la fin de l'année 2018, pour éclairer au mieux les décisions à prendre pour respecter les objectifs de protection de la nappe phréatique, de réalisation effective des mesures techniques qui permettront cette protection sur le long terme et de l'assurance des conditions de sécurité pour les mineurs afin de réaliser ces mesures. Enfin, toujours dans cette volonté de transparence, il apparaît nécessaire que la commission de suivi de site, à laquelle pourrait être associée des experts, continue de se réunir régulièrement sous l'égide du préfet afin d'informer l'ensemble des parties prenantes sur le déroulement des opérations menées au fond et de répondre aux interrogations qui pourraient se poser localement.