15ème législature

Question N° 3227
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > défense

Titre > Sauvegarde de nos intérêts stratégiques dans Airbus

Question publiée au JO le : 28/11/2017 page : 5808
Réponse publiée au JO le : 24/04/2018 page : 3534
Date de signalement: 06/03/2018

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la sauvegarde des intérêts stratégiques dans l'entreprise Airbus. Récemment nous apprenions dans le communiqué de résultat semestriel d'Airbus que la justice américaine avait ouvert une enquête pour corruption sur le groupe européen. Cela fait suite aux enquêtes ouvertes par le Serious fraud office britannique et le parquet national financier français. Toutes ces enquêtes ont été ouvertes depuis le démarrage d'un audit interne dont les États français et allemand, qui sont pourtant les premiers actionnaires d'Airbus, n'ont pas été prévenus. Le choix des prestataires choisis par les dirigeants d'Airbus pour conduire cet audit est problématique. En effet, il s'agit du cabinet d'avocat américain Hubbard et Reed et de l'entreprise américaine d'intelligence économique Forensic Risk Alliance. Ces deux entreprises ont accès à tous les dossiers du groupe sur ses clients, ses contrats etc. Elles sont dans l'obligation légale de transmettre au département de la justice américaine toutes les informations qui pourraient concerner sa juridiction. Cette vulnérabilité d'informations sensibles d'Airbus aux intérêts des États-Unis s'est encore renforcée en juin 2017 puisque l'entreprise a choisi de s'adjoindre les services de l'entreprise de traitement de données Palantir, dont le financement provient du fond d'investissement de la CIA, In-Q-Tel. Airbus est une entreprise dont le contrôle est d'importance stratégique pour l'intérêt national. Son poids positif dans la balance commerciale est très important. Il produit non seulement des avions civils mais aussi des transporteurs militaires. Le retard pris récemment dans la livraison de l'A400M contraint d'ailleurs les armées à recourir à la location de matériel américain pour l'envoi de troupes. C'est au titre de la sauvegarde de la souveraineté que nous pouvons nous inquiéter de l'infiltration progressive des intérêts américains dans Airbus. Les menaces de la justice des États-Unis ont joué un rôle clef dans la cession des fleurons industriels français Alcatel, Technip ou Alstom à des entreprises américaines. L'État français est le premier actionnaire d'Airbus groupe puisqu'il détient 11,11 % du capital. À ce titre, il voudrait lui demander quelles mesures sont prises par l'État français pour s'assurer de la sauvegarde des intérêts stratégique dans Airbus.

Texte de la réponse

Le groupe Airbus est leader sur le marché des avions commerciaux aux côtés de Boeing. Il anime un important éco-système français et européen et représente une activité économique majeure pour l'emploi direct et indirect ainsi que pour la balance commerciale de la France. Le groupe est également le maître d'œuvre de systèmes complexes à usage militaire ou dual relevant de la souveraineté, et représente un poids économique majeur pour la France. Parmi ces systèmes, on retrouve par exemple des aéronefs (A400M, A330MRTT notamment), des hélicoptères (Tigre, NH90 entre autres), des satellites (de télécommunication ou de renseignement) mais aussi les deux composantes de la force de dissuasion nucléaire (la composante aéroportée avec l'ASMPA, conçu par MBDA Systems, société dont Airbus détient 37,5% et la composante océanique avec le M51, conçu par ArianeGroup, société dont Airbus détient 50%). A ce titre, l'Etat veille à ce que le groupe Airbus respecte l'ensemble des obligations visant à protéger les informations classifiées au titre du secret de la défense nationale. Afin de protéger ses intérêts stratégiques, l'État apporte à Airbus un soutien sans faille par ses actions de politique industrielle, de recherche et d'innovation. En 2016, le groupe Airbus a bénéficié de 1,2 Md€ de crédits du programme 146 « équipement des forces » et de 59 M€ de crédits dédié à la Recherche & Technologie du programme 144 « Etudes Amont ». En ajoutant les 613 M€ octroyés à NH Industries (dont Airbus détient 62%), les 428 M€ à ArianeGroup (dont Airbus détient 50%) et les 261 M€ pour MBDA Systems (dont Airbus détient 37,5%), le groupe Airbus et ses filiales et participations sont les premiers bénéficiaires de crédits défense. Au-delà de la défense, le groupe bénéficie de soutien au financement de l'innovation par l'aviation civile et par des initiatives européennes. Enfin, l'État accompagne les grands programmes civils d'Airbus avec des avances remboursables et crédits à l'exportation. Enfin, avec une participation de 11,1%, l'État français est le premier actionnaire, aux côtés de l'État allemand, qui détient également 11,1% et de l'État espagnol qui détient 4,2%. Les États actionnaires sécurisent ainsi le capital du groupe. Le Gouvernement est extrêmement attentif aux impacts des enquêtes judiciaires en cours. Le Gouvernement a exigé que toute la transparence soit faite sur les agissements passés et que l'entreprise et ses organes de gouvernance évoluent très rapidement vers le meilleur standard mondial en matière d'éthique et de conformité. Le Gouvernement ne souhaite pas commenter les différentes enquêtes en cours, les autorités judiciaires ayant été saisies. Notons à ce titre que, si le communiqué des résultats financiers du troisième trimestre 2017 du groupe Airbus indique que le groupe a déclaré aux autorités américaines concernées (Department of State) des erreurs dans ses déclarations liées à des demandes de licences d'exportation, aucune référence n'est faite à l'ouverture d'une enquête. En coordination avec ses homologues allemands et britanniques, le Gouvernement français a immédiatement décidé de suspendre l'octroi de garanties publiques à l'export au Groupe Airbus lorsqu'il a eu connaissance des défaillances du groupe dans ses déclarations en la matière. Depuis, les trois gouvernements travaillent étroitement avec Airbus afin de permettre la reprise des garanties publiques lorsque les conditions seront réunies, et notamment lorsque les procédures permettant d'éviter le renouvellement de telles défaillances auront été déployées. En étroite coordination avec les autorités allemandes, le Gouvernement français continuera de s'assurer que le conseil d'administration d'Airbus ainsi que la direction de l'entreprise mettent en œuvre les plus hauts standards de conformité au service de l'intérêt social du groupe et de sa capacité à servir l'ensemble de ses clients.