15ème législature

Question N° 32324
de Mme Marine Brenier (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > logement

Titre > Droit de propriété et occupation illégale

Question publiée au JO le : 22/09/2020 page : 6421
Réponse publiée au JO le : 07/09/2021 page : 6722
Date de renouvellement: 30/03/2021

Texte de la question

Mme Marine Brenier alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'état préoccupant de la législation sur le droit de propriété et les biens squattés. Ce qui aujourd'hui complique les cas d'occupation illégale de biens immobiliers en France est très simple à identifier : le droit à la propriété, droit absolu, inscrit dans le code civil et dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, n'est pas inscrit dans le code pénal et la législation en vigueur n'est aucunement à l'avantage du propriétaire. En effet, les propriétaires doivent à l'heure actuelle prouver que le bien leur appartient, les procédures sont lourdes et le profil des squatteurs pèse encore aujourd'hui bien trop dans la balance dès lors qu'une expulsion doit avoir lieu. On doit défendre le droit de propriété et sanctionner pénalement ces délits d'occupation, mais également renforcer les recours possibles et accélérer les décisions de justice. La situation comme celle connue par la famille de Théoule-sur-mer doit demeurer la dernière. Elle lui demande donc s'il est favorable à une révision de la loi en la matière, afin que le droit inaliénable qu'est le droit de propriété demeure en France protégé.

Texte de la réponse

Les différentes évolutions législatives ont permis de faciliter la poursuite des auteurs de violation de domicile et l'expulsion d'occupants illégaux d'un logement. La loi n° 2015-714 du 24 juin 2015, tendant à préciser l'infraction de violation de domicile a modifié l'article 226-4 du code pénal en dissociant, dans deux alinéas, le fait de s'introduire dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, de celui de s'y maintenir à la suite d'une introduction par de tels procédés. L'infraction est désormais un délit continu, de sorte que tant que la personne se maintient dans les lieux, les services de police ou de gendarmerie peuvent diligenter une enquête en flagrance, sans qu'il soit besoin de prouver que ce maintien est également le fait de « manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». Fondé sur l'urgence, le cadre juridique de l'enquête de flagrance est prévu aux articles 53 et suivants du code de procédure pénale et autorise une administration coercitive de la preuve d'un crime ou d'un délit « qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre ». Ainsi, constatant la violation de domicile, l'officier de police judiciaire peut exercer, à des fins probatoires, les pouvoirs coercitifs applicables. L'enquête de flagrance menée sous le contrôle du procureur de la République peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours. Pendant ce délai, des investigations sont menées dont la finalité est la recherche d'éléments de preuve permettant d'établir ou non la culpabilité des personnes mises en cause. Ces dernières peuvent, le cas échéant, faire l'objet d'un placement en garde-à-vue, pour permettre la réalisation de l'enquête. Elles ne peuvent faire l'objet d'une décision d'expulsion dans le cadre de l'enquête pénale. L'expulsion des squatteurs ne peut pas davantage être prononcée à titre de sanction. En effet, l'auteur d'une violation de domicile encourt une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, ainsi que les peines complémentaires prévues à l'article 226-31 du code pénal au titre desquelles ne figure pas l'expulsion de l'auteur. En revanche, l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, permet au propriétaire ou au locataire d'un « logement occupé » de demander au préfet, en cas de violation de domicile, de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux. Cette procédure s'applique dès lors que le délit de violation de domicile est constitué. Le demandeur devra donc avoir au préalable déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire. Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai imparti, le préfet procède, sans délai, à l'évacuation forcée du logement. Cette mesure administrative d'évacuation forcée permet ainsi de rétablir le propriétaire dans ses droits avec la célérité requise par la gravité du préjudice qui lui ait causé. A cet égard, afin de compléter l'arsenal législatif, l'article 73 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), entrée en vigueur le 9 décembre 2020, est venu clarifier les conditions d'application de ce dispositif et renforcer son efficacité. Tout d'abord, le texte prévoit expressément que la procédure d'évacuation forcée s'applique sans distinction aux résidences principales ou secondaires. En outre, le préfet est dorénavant contraint de prendre la décision de mise en demeure dans un délai de 48 heures à compter de la réception de la demande et les motifs de refus d'engagement de cette mise ne demeure ont été encadrées. Par conséquent, la procédure administrative prévue à l'article 38 de la loi DALO permet une évacuation des lieux sans décision de justice préalable, évitant ainsi au requérant tous frais de représentation en justice ou le recours à un huissier. A la suite de l'entrée en vigueur de ce texte, le ministre de l'Intérieur, le garde des Sceaux ainsi que la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du Logement, ont adressé, le 22 janvier 2021, une instruction aux préfets pour détailler la mise en œuvre de cette procédure et les enjoindre à assurer la rapidité de son exécution. En dehors de cette possible évacuation administrative, le propriétaire ou le locataire d'un local à usage d'habitation squatté peut saisir le juge des contentieux de la protection aux fins d'obtenir une décision d'expulsion des personnes occupant illégitimement son bien ou son logement. Cette procédure judiciaire permet au demandeur d'obtenir un titre exécutoire prononçant l'expulsion des personnes occupant son bien dans un délai moyen de quatre mois. Par ailleurs, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique a permis de faciliter et de raccourcir les délais de mise en œuvre des expulsions ordonnées judiciairement, en supprimant pour les personnes entrées dans les lieux par voie de fait le délai de deux mois suivant la délivrance du commandement de quitter les lieux pour procéder à cette expulsion et en excluant les squatteurs du bénéfice de la trêve hivernale. Les dispositions légales existantes, récemment modifiées, permettent ainsi de répondre à la problématique des occupations illégales de biens immobiliers.