Rapatriement des enfants détenus dans les camps de Roj et d'Al Hol (Syrie)
Question de :
M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Dominique Potier interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le rapatriement des ressortissants français mineurs actuellement détenus au nord-est syrien. Dans les camps de Roj et d'Al Hol, 200 enfants français, dont les deux tiers ont moins de six ans, survivent avec leurs parents, dans l'immense majorité des cas leurs mères seules, dans des conditions effroyables. À ce jour, le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, le Secrétaire général des Nations unies, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, l'UNICEF, le directeur du Centre d'analyse du terrorisme et le coordonnateur des juges antiterroristes se sont tous publiquement prononcés en faveur du rapatriement de ces enfants et de leurs parents pour des raisons tant humanitaires que sécuritaires. Tous les plus grands spécialistes de l'antiterrorisme s'accordent à dire que l'inertie des autorités françaises contribue à moyen et long terme à fabriquer sur mesure les attentats de demain. Les autorités irakiennes ayant refusé la sous-traitance judiciaire des ressortissants français, les autorités locales kurdes appellent la France à les rapatrier. Ces femmes ne sont judiciarisées qu'en France : elles font toutes l'objet d'une information judiciaire antiterroriste, sont sous le coup d'un mandat d'arrêt international de la France, et pour certaines d'entre elles ont été condamnées par défaut à des peines allant jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle. Les récentes évasions de ces mères avec leurs enfants du camp d'Al Hol ne peuvent qu'inquiéter les Français sur un plan sécuritaire. Il lui demande si la question de ces rapatriements figure à l'ordre du jour du prochain Conseil de défense et quelles actions le ministère de la justice entend prendre concrètement pour assurer le retour de ces enfants dans leurs familles en France, alors que ceux-ci viennent de vivre les conséquences tragiques d'un second été en plein désert syrien, exposés à des températures supérieures à 40 degrés et risquent de connaître la violence d'un troisième hiver à -20 degrés dans ce sinistre décor que d'aucuns appellent un « Guantanamo pour enfants ».
Réponse publiée le 24 novembre 2020
Le ministère de la Justice est particulièrement attentif à la situation des ressortissants français partis combattre dans les rangs des organisations terroristes et arrêtés en Irak ou retenus en Syrie. A cet égard, la sécurité des Français est la priorité du Gouvernement. Elle suppose d'assurer la lutte contre l'impunité des crimes commis par les combattants de Daech qui doivent être jugés au plus près des lieux où ils ont été perpétrés. C'est à la fois une question de sécurité et un devoir de justice à l'égard des victimes. Les procédures doivent néanmoins se dérouler dans le respect des droits fondamentaux défendus par la France et reconnus par la communauté internationale. Le Gouvernement français est par ailleurs particulièrement sensible au sort des enfants et notamment des plus jeunes- qui contrairement à leurs parents n'ont pas fait le choix de partir. Ceux-ci doivent être rapatriés lorsque c'est possible, en particulier les plus vulnérables d'entre eux. Le consentement de leurs mères est néanmoins toujours nécessaire. Nous procédons à des retours à chaque fois que les circonstances le permettent mais ces opérations se déroulent dans des conditions difficiles et parfois dangereuses. Nous avons ainsi rapatrié 28 mineurs du nord-est syrien outre ceux qui sont rentrés avec leur mère via la Turquie. Les concernant, les services du ministère de la justice sont fortement mobilisés pour apporter les réponses appropriées dès leur arrivée sur le territoire national. Ces enfants ont souvent été exposés dès leur plus jeune âge à des scènes de violence extrême et à une altération de la perception du fonctionnement social. Ils présentent souvent un niveau de traumatisme élevé et une fragilité psychologique évidente à leur retour sur le territoire national. Leur situation mérite ainsi une attention particulière, tant dans l'évaluation qui en est faite à leur arrivée que dans le suivi ultérieur de leur évolution. C'est dans cette optique que le Premier ministre a diffusé, le 23 mars 2017, une instruction relative à la prise en charge des mineurs à leur retour de zone irako-syrienne et que le ministre de la Justice a diffusé, le 24 mars 2017, une circulaire relative aux dispositions en assistance éducative de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 et au suivi des mineurs de retour de zone irako-syrienne. L'instruction interministérielle a fait l'objet d'une actualisation le 23 février 2018 et une nouvelle circulaire a été diffusée par le ministère de la Justice le 8 juin 2018. Ces circulaires, ainsi que la circulaire de politique pénale en matière de lutte contre le terrorisme du 17 février 2020, présentent le dispositif de prise en charge et préconisent l'ouverture de procédures en assistance éducative pour tous les mineurs de retour de zone irako-syrienne.
Auteur : M. Dominique Potier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 29 septembre 2020
Réponse publiée le 24 novembre 2020