15ème législature

Question N° 3271
de M. M'jid El Guerrab (Non inscrit - Français établis hors de France )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > fonctionnaires et agents publics

Titre > Conditions de travail du personnel militaire

Question publiée au JO le : 28/11/2017 page : 5799
Réponse publiée au JO le : 24/04/2018 page : 3518

Texte de la question

M. M'jid El Guerrab interroge Mme la ministre des armées sur les conditions de travail du personnel militaire. Le dernier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), publié en septembre 2017, indique notamment que 62 % des militaires de carrière envisagent le changement d'activité. Ce « témoin d'usure », particulièrement marqué dans la marine nationale (81 %) et dans une moindre mesure dans l'armée de l'air (72 %), doit être mis en parallèle avec l'expression de la difficulté à concilier vie militaire et vie personnelle et le manque de moyens pour remplir les missions. Afin d'améliorer leurs conditions de travail, et les fidéliser, plusieurs solutions sont possibles, comme la mise en place d'un temps partiel sur une durée de 4 à 5 ans pour permettre au marin de faire une pause opérationnelle ou encore la mise en place d'un compte épargne temps, qui permettrait aux personnels, notamment les officiers qui sont les plus touchés, de capitaliser l'ensemble des permissions statutaires non prises pour raison opérationnelles et les congés d'éloignement. Il souhaite savoir plus précisément si une telle piste de réflexion était engagée à ce sujet, à quelle échéance, et connaître les moyens qui pourraient être mis en œuvre.

Texte de la réponse

Si le nombre de militaires envisageant un changement d'activité peut être considéré comme un indicateur du moral des personnels, il convient toutefois d'observer qu'une faible proportion d'entre eux concrétisent leur intention déclarée de quitter les armées : les radiations définitives des cadres des officiers et des sous-officiers de carrière subies par l'institution, c'est-à-dire intervenant sans levier d'aides au départ, ont représenté 1 et 3 % de l'effectif total de ces deux populations en 2016. Pour autant, le Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) a effectivement souligné que l'impact profond de la suractivité sur la vie familiale, la difficulté de programmer les permissions et les difficultés induites sur la garde et l'éducation des enfants constituent un facteur majeur de fragilisation de notre système militaire. A ces contraintes liées à l'engagement opérationnel s'ajoutent celles découlant de la mobilité sur ordre vécue par tous les membres de la cellule familiale : difficultés pour trouver un logement, un emploi pour le conjoint ou un établissement scolaire pour les enfants. L'aggravement des tensions sur les effectifs, lié au rythme accru des missions extérieures et intérieures, a amené le ministre à prendre des mesures d'urgence en 2016, dans le cadre du plan d'amélioration de la condition du personnel (PACP). Parmi ces mesures figurent notamment : - l'augmentation du taux journalier de l'indemnité pour sujétion spéciale d'alerte opérationnelle (AOPER) et l'extension du périmètre de cette indemnité à tout le personnel militaire participant à la protection des personnes, informations et activités sur un site du ministère des armées ; - la création d'une indemnité d'absence cumulée (IAC) qui indemnise, sur la base d'un barème progressif, l'absence du domicile pour raison opérationnelle au-delà de 150 jours durant l'année civile ; - la compensation de la suractivité (rétribution de 2 jours supplémentaires de permissions complémentaires planifiées - PCP - en indemnité pour temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaires (ITAOPC) ; - la revalorisation et/ou l'extension de l'indemnité de mise en œuvre et de maintenance des aéronefs (IMOMA), de l'indemnité de sujétion d'absence du port base (ISAPB) et de l'indemnité spéciale de sécurité aérienne (ISSA) pour les contrôleurs aériens et les équipages de drones ; - l'extension de l'octroi de la prime de haute technicité (PHT) à certaines spécialités en grande tension opérationnelle. La loi no 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a également permis d'affranchir de l'impôt sur le revenu les indemnités versées aux militaires au titre de leur participation aux opérations visant à la défense de la souveraineté de la France et à la préservation de l'intégrité de son territoire, engagées ou renforcées à la suite des attentats commis sur le territoire national en 2015. Par ailleurs, l'année 2015 a marqué une inflexion positive dans les trajectoires d'effectifs, traduites par des créations de postes, ainsi qu'un ralentissement des déflations. Cette inflexion s'est réalisée en deux temps : lors de l'actualisation de la LPM en juillet 2015, avec comme point majeur la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT) ; et lors du Conseil de défense d'avril 2016 (allègement supplémentaire des déflations de 10 000 postes). La future loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 traduit également un effort conséquent en termes d'effectifs, avec une augmentation prévue de 6000 postes, notamment dans les fonctions les plus sollicitées (sécurité-protection, soutien à l'exportation, renseignement et cyberdéfense). En outre, les effectifs de la réserve ont cru pour soutenir les militaires d'active, notamment dans le cadre de l'opération Sentinelle : l'effectif de la réserve opérationnelle a été porté à 40 000 en 2018, pour un taux d'emploi de 36,5 jours/homme/an. Ces mesures concrètes sur les effectifs sont de nature à favoriser la lutte contre la suractivité et à faciliter la prise des permissions, dont le taux s'améliore depuis 2016. De plus, souhaitant voir apporter de nouvelles réponses visibles et concrètes pour mieux compenser les difficultés auxquelles sont confrontés les militaires et leurs familles, la ministre des armées a présenté, le 31 octobre 2017, un « plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires ». Ce plan ambitieux, dont 70 % des actions auront une première mise en application dès 2018, a notamment pour objectifs : - de mieux prendre en compte les absences opérationnelles, en facilitant la vie du conjoint supportant seul les charges de la famille pendant une absence opérationnelle (avec notamment l'augmentation du nombre de places en crèches), en permettant au militaire de rester en contact avec sa famille quand le contexte opérationnel le permet (accès au Wi-Fi) et en portant une attention accrue au moral des familles, avant, pendant et après les missions opérationnelles ; - de mieux accompagner la mobilité, en donnant aux militaires une meilleure visibilité sur leur mutation (préavis et durée probable) afin de leur permettre de faire des choix éclairés d'organisation future de leur vie familiale, en allégeant les contraintes liées au changement de résidence, en améliorant l'offre de logements et en accompagnant tous les membres de la famille du militaire (travail du conjoint, scolarité des enfants…) ; - d'ancrer la garnison au cœur de la vie familiale, sociale et culturelle, en augmentant la capacité du commandement à organiser localement des activités de cohésion intégrant les familles tout en améliorant les conditions de vie des personnels hébergés dans leur unité, en portant une attention soutenue aux familles les plus fragiles par l'individualisation accrue des parcours professionnels (notamment pour les familles monoparentales et les militaires divorcés ou séparés) et en renforçant le soutien des familles plongées dans la douleur lorsque le militaire a été blessé ou est décédé. Mobilisant 300 millions d'euros de crédits sur la période 2018-2022 et près de 530 M€ sur la durée de la LPM 2019 - 2025, ce plan fait l'objet d'un suivi et d'un dialogue permanents avec les instances de concertation, permettant ainsi de l'adapter et/ou de le compléter au besoin. Enfin, les conditions d'exercice du métier de militaire constituent l'une des priorités de la future LPM. En complément du plan précité, elle prévoit notamment d'instaurer un dispositif particulier et innovant de fidélisation de certains personnels, sans porter atteinte au principe de disponibilité du statut général des militaires. Elle prévoit d'ouvrir aux militaires, femmes ou hommes,  placés en congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de 8 ans, la possibilité de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle. Elle permettra ainsi au militaire, sur une période limitée, de mieux concilier sa vie professionnelle et sa vie privée, tout en entretenant ses compétences. Les militaires bénéficiaires du dispositif proposé percevront une solde au titre de la réserve opérationnelle et pourront se voir accorder un avancement au titre de l'active au prorata du nombre de jours accomplis dans la réserve. Ils continueront par ailleurs à bénéficier de leurs droits à pension.