15ème législature

Question N° 3327
de M. Patrice Perrot (La République en Marche - Nièvre )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Respect des droits humains dans les entreprises multinationales

Question publiée au JO le : 28/11/2017 page : 5819
Réponse publiée au JO le : 05/06/2018 page : 4808
Date de renouvellement: 20/03/2018

Texte de la question

M. Patrice Perrot appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le devoir de vigilance des multinationales. Du 23 au 27 octobre 2017 s'est tenue à Genève la troisième session de négociation visant à élaborer, dans le cadre de l'organisation des Nations unies (ONU), un traité international contraignant visant à protéger les populations des atteintes aux droits humains commises par des entreprises multinationales et à garantir aux victimes l'accès à la justice. L'initiative portée par l'Équateur, l'Afrique du Sud et de nombreux pays en développement, qui date de 2014 est soutenue par plus de 100 pays. Suite à l'adoption du rapport de la session, une ébauche de traité doit être présentée en 2018 par le président du groupe intergouvernemental de travail (GIGT) mis en place par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. Avec ces travaux, qui seront évoqués lors du forum des Nations unies sur les entreprises et les droits de l'Homme, la responsabilité des multinationales quant au respect des droits humains tend à sortir du domaine de l'autorégulation, avec l'obligation pour les sociétés transnationales de mettre en place des procédures de prévention et de suivi de leurs opérations dans le but d'éviter les violations de droits humains et une meilleure protection des victimes. En sa qualité de pays pionnier en la matière, avec la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, la France est attendue par la société civile et les pays en développement comme un acteur central pour faire évoluer, sur la base de son expérience, les discussions au sein de l'Europe et pour contribuer à l'élaboration d'un corpus législatif qui constitue une alternative au dumping social et environnemental auquel se livrent certaines entreprises multinationales. Aussi il lui demande si la France entend prendre une part active au sein de la communauté européenne et de l'ONU en vue d'aboutir à la création d'un tel traité.

Texte de la réponse

La France attache une grande importance à la responsabilité des entreprises en matière de droits de l'Homme, objectif qui a d'ailleurs été reconnu unanimement par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU en 2011. Elle est engagée à promouvoir ces principes dans les enceintes internationales. Un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée a été établi, en 2014, dans le cadre du Conseil des droits de l'Homme, afin de réfléchir à l'élaboration d'un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l'Homme. Fidèle à son attachement à la responsabilité des entreprises en matière de droits de l'Homme, la France a participé de manière constructive à ces travaux, en adoptant une approche réaliste depuis la première session. Les positions sont également concertées avec l'Union européenne, particulièrement attachée à la prise en compte, dans le projet, des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme, ainsi qu'à une participation du secteur privé au processus. En effet, il est crucial que l'ensemble des parties prenantes de la société civile et du secteur privé participe aux travaux afin de mobiliser l'expertise. La troisième session du groupe de travail s'est achevée le 27 octobre dernier, après cinq jours de discussion. Lors des discussions, la France a insisté pour que, contrairement à ce qui était prévu dans le projet soumis, l'ensemble des entreprises soit pris en compte : le respect des droits de l'Homme ne saurait en effet se limiter aux seules entreprises transnationales. Cela est d'autant plus important qu'il n'existe pas de définition juridique agréée de la notion d'entreprise transnationale. Cette session n'a pu aboutir à un accord, le document préparatoire équatorien n'ayant été remis que tardivement aux Etats et son contenu étant trop ambitieux pour que de premières décisions consensuelles puissent être prises. A l'occasion des consultations qui ont été menées depuis avec les Etats et toutes les parties prenantes afin de forger un consensus sur la voie à suivre pour la poursuite des travaux, la France a plaidé pour que les discussions se poursuivent, sur la base d'une approche réaliste et pragmatique. La France a notamment communiqué à ses partenaires européens une contribution visant à faire valoir l'expérience française en la matière, qui pourrait inspirer les travaux en cours. Afin de promouvoir, au plan international, la responsabilité des entreprises en matière de droits de l'Homme, la France s'appuie en effet sur sa législation nationale, en particulier grâce à la loi d'initiative parlementaire relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre promulguée le 27 mars 2017. Elle se repose aussi sur les principes directeurs des Nations unies sur lesquels se fonde le plan national d'action, évalué par la Commission nationale consultative des droits de l'Homme. La France a en effet adopté le 26 avril dernier un plan national d'action pour la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits de l'Homme et aux entreprises, qui s'applique notamment aux droits des salariés. La France est aussi très engagée dans la mise en œuvre des principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales afin qu'elles adoptent un comportement responsable et éthique. Les activités du point de contact national français, dont la structure tripartite associe des représentants des syndicats, des entreprises et du gouvernement, sont à cet égard considérées comme exemplaires. Un groupe d'experts européens a par ailleurs été créé spécialement pour ce dossier et devrait à nouveau se réunir dans les prochaines semaines. La France prendra également une part active aux travaux du prochain Forum des Nations unies sur les entreprises et les droits de l'Homme prévu en novembre prochain, comme elle l'a fait en novembre dernier. La France est déterminée à poursuivre ses efforts afin d'œuvrer le plus efficacement possible à une réponse internationale cohérente et concertée aux violations des droits de l'Homme qui peuvent résulter de l'activité directe ou indirecte de certaines entreprises.