15ème législature

Question N° 33594
de Mme Nathalie Porte (Les Républicains - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Personnes handicapées
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > personnes handicapées

Titre > Difficultés rencontrées par les personnes malvoyantes pour voter

Question publiée au JO le : 03/11/2020 page : 7671
Réponse publiée au JO le : 09/02/2021 page : 1220
Date de changement d'attribution: 17/11/2020

Texte de la question

Mme Nathalie Porte attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur les difficultés que rencontrent les personnes malvoyantes ou aveugles pour accomplir leur devoir électoral. Alors que l'article L. 62-2 du code électoral dispose que « les bureaux et les techniques de vote doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit le type de ce handicap », il apparaît que peu d'initiatives ont été prises pour ces situations particulières, en dehors d'autoriser la personne malvoyante ou aveugle de se faire accompagner d'un tiers de confiance dans l'isoloir, pour procéder au choix du bulletin. Elle lui demande quelles sont les initiatives que l'État compte prendre, par exemple des bulletins de vote en braille, pour permettre aux personnes malvoyantes ou aveugles d'être autonomes dans cet acte essentiel de la citoyenneté.

Texte de la réponse

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a entendu garantir pour les personnes en situation de handicap un droit de vote effectif, de manière aussi autonome que possible. A cet effet, il a été inscrit dans le code électoral un article L. 62-2 qui prévoit que « Les bureaux et les techniques de vote doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit le type de ce handicap, notamment physique, sensoriel, mental ou psychique, dans des conditions fixées par décret. » Cette loi a été complétée par les mesures réglementaires prévues dans le décret n° 2006-1287 du 20 octobre 2006. Quatre articles ont ainsi été ajoutés au code électoral. Le premier prévoit l'accessibilité des lieux de vote aux personnes en situation de handicap, quel que soit leur handicap, y compris lorsqu'il s'agit de circuler en fauteuil roulant (article D. 56-1). Deux articles prévoient que les isoloirs et les urnes doivent être accessibles aux personnes en fauteuil roulant (articles D. 56-2 et D. 56-3). Enfin, il est prévu que le président du bureau de vote prend toute mesure utile afin de faciliter le vote autonome des personnes handicapées (article D. 61-1). En plus de ces dispositions qui visent à permettre le vote autonome des personnes en situation de handicap, la loi prévoit, de longue date et par dérogation au principe du secret du vote, que l'électeur atteint d'une infirmité certaine peut se faire assister par l'électeur de son choix pour introduire son bulletin dans l'enveloppe, cette dernière dans l'urne, et signer la feuille d'émargement (article L. 64 du code électoral). Cette disposition est particulièrement utile pour les personnes qui ont un handicap visuel. Ces différentes dispositions sont rappelées en amont de chaque scrutin. C'est en particulier le cas dans l'instruction INTA2000661J relative au déroulement des opérations électorales lors des élections au suffrage universel direct, adressée aux maires le 16 janvier 2020. Il y est rappelé que les locaux doivent être accessibles aux personnes en situation de handicap (point 6.3, page 11) et que ces personnes bénéficient de certaines dérogations (point 10.3, page 24). L'utilisation du braille dans les bureaux de vote, dans l'objectif de faciliter l'identification des bulletins, par exemple sur des étiquettes reproduisant la mention du bulletin de vote, devant les piles correspondantes, n'est pas interdite. Toutefois, il est difficilement envisageable d'imposer cette nouvelle contrainte aux communes qui sont en charge de l'organisation des bureaux de vote, surtout si cela implique l'obligation de prévoir des étiquettes en braille comprenant l'intégralité des noms des candidats de chaque liste. De plus, en l'absence d'autorité attestant de la bonne transcription en braille, des erreurs, voire des manœuvres, seraient malheureusement possibles (mauvaise transcription ; interversion de piles de bulletins ; encombrement de la table de décharge comme ce fut le cas lors des élections européennes où 33 listes étaient candidates, etc.). En revanche, la mise à disposition de bulletins de vote en braille se heurte à de sérieuses difficultés. Il est en effet impossible de prévoir que seuls certains bulletins de vote comportent une mention en braille, et ce pour deux principales raisons. Tout d'abord, l'article L. 66 du code électoral énonce que les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Cette disposition exclut l'inscription d'une mention en braille ou en relief sur un nombre limité de bulletins de vote. En outre, le nombre et la localisation des électeurs non-voyants ne peuvent être connus, puisqu'aucune indication de ce handicap ne peut - ni ne doit - figurer sur les listes électorales. Dès lors, l'ensemble des bulletins de vote devrait être réalisé en braille ou en relief afin de préserver l'égalité entre les candidats et le secret du vote. Or, cette dernière option présenterait des difficultés logistiques majeures, alors même qu'une minorité de personnes aveugles et malvoyantes lit le braille (entre 10% et 15% selon les rapports). En effet, le nombre d'imprimeurs susceptibles de détenir le matériel nécessaire pour confectionner de tels documents est restreint, de sorte que les données mêmes de l'impression (coût, localisation de l'imprimeur, délai très court de tirage et de livraison) rendent difficile la mise en œuvre d'un tel dispositif. De plus, les très grandes quantités imprimées supposent des conditionnements occupant le moins de volume possible, ce qui paraît peu compatible avec des documents imprimés en relief, qui pourraient devenir difficilement identifiables par l'électeur. Enfin, la réalisation de ce type de bulletins de vote représenterait un renchérissement du coût du matériel électoral et de la mise sous pli, complexifiée avec des documents en braille, pour un nombre d'électeurs très restreint.